Repenser le monde : place aux visionnaires

Repenser le monde : place aux visionnaires

En ces périodes agitées, sur tous les fronts et sur tous les continents, il est vital pour le monde politique de se montrer à la hauteur des défis. Le terme « défi » d’ailleurs, utilisé à tout va parce que l’on ne sait pas comment le dire autrement de manière positive, est plutôt un euphémisme pour « nous allons sortir du chaos par le haut».  Car soyons réalistes, nous avons aujourd’hui à affronter des changements d’une telle ampleur que toute décision, surtout  mauvaise, aura des impacts d’une extrême gravité pour les prochaines décennies.  Résolument optimisme, je préfère y voir un avenir prometteur, même s’il faut pour y parvenir accepter des concessions dans beaucoup de domaines.

Notre monde dans son ensemble est à revoir. La difficulté, c’est d’y apporter des solutions globales, à plusieurs niveaux, donc très complexes. Mais la complexité des systèmes actuels ne pourra être résolue que par une simplification générale en proposant de nouveaux concepts. Rien que cela. Plus d’emplâtre sur une jambe de bois… C’est donc à l’intelligence de l’Homme que nous sommes confrontés. Ou à ses bas instincts, ce que l’on voit apparaître fortement ces derniers temps.

Les crises économiques, ressenties de manière différentes dans chaque pays, ont certes fait du dégât parfois en créant une pauvreté depuis longtemps méconnue sous nos contrées. Le monde du travail, par une compétitivité accrue, force des secteurs entiers à vivre à la limite de l’acceptable. Un exemple flagrant, celui de l’agriculture.

La compétitivité poussée à l’extrême a modifié dans le même temps l’organisation du travail. Les entreprises se veulent encore plus libres de gérer leur personnel, à la hausse comme à la baisse, en annualisant les heures de travail, en faisant appel au chômage partiel. Bientôt finis les contrats à durée indéterminée. Vive les autoentrepreneurs ! Le salariat, garant d’une forme de sécurité, ne sera plus le standard. Temps partiel, télétravail ont ainsi la côte. Le collaborateur lui aussi veut sortir du carcan rigide d’une entreprise trop standardisée. Moins de sécurité mais plus de place à la liberté personnelle, au temps libre, à la famille. Les sociétés aujourd’hui les plus riches (Google, Facebook, Amazone…) ont changé de système de valeur. (Mais ont la fâcheuse tendance à ne pas payer d’impôts…). L’individu, jeune forcément, s’y voit offrir un épanouissement dans la créativité et l’innovation connectée. On travaille, on dort, on mange sur place… Mais pour le moment pas beaucoup de « vieux » dans ses entreprises… Les seniors seront consultants, indépendants ou quoi ?  Et devront travailler plus longtemps. Nous aurons tous plusieurs métiers. D’où la nécessité de proposer des formations adaptées aux besoins des entreprises et des nouveaux modes de vie.  Ce n’est pas pour rien que notre système dual intéresse les USA et la France. Alors continuons à le favoriser en Suisse ce que nous oublions parfois…

L’économie réelle se voit supplantée par l’économie virtuelle, spéculative. Il n’y a jamais eu autant d’argent disponible sur le marché (le coût de l’argent n’a jamais été aussi bas) mais n’est que peu investi dans des projets ni privés ni publics et c’est un grand problème pour la croissance.

Les modèles de production et de distribution connaissent eux aussi un virage à 180 degrés. Chacun pouvant désormais, ou bientôt, créer, produire, réparer lui-même. A la poubelle le gaspillage … Quid du tissu productif ? L’ère du secondaire déjà bien mis à mal, on le voit avec les relocalisations d’industries, a besoin d’un second souffle. On revient au « made in national».

L’Humain pourrait bien passer au second plan, dépassé par les robots, l’intelligence artificielle y compris dans le domaine des émotions. Un ordinateur mène votre voiture à bon port. Mieux il fait les créneaux à votre place … On achète sur internet. On se fait livrer ses paquets à la maison ou au drive in.

Et que dire du défi alimentaire. L’obésité et la « mal bouffe » sont tout aussi mortifères que la faim. Les aliments changent de fonction comme de consistance. Les viandes ne sont plus des viandes. On doit réapprendre à manger, à cuisiner. Le monde de la santé a lui aussi atteint ses limites. Ses coûts sont faramineux. Une réforme entière est nécessaire. La prise en charge du vieillissement de la population doit aussi être revue de fond en comble, par d’autres sources de financement, par de nouvelles prestations à la personne.

Le développement territorial et des infrastructures obligent les autorités, à tous les niveaux, à intégrer harmonie et qualité de vie au besoin de loger ou déplacer de nouveaux habitants et usagers sans oublier le développement économique. La maîtrise des déficits et de la dette souveraine oblige les Etats à la chasse aux fraudeurs, à renoncer à des investissements ou des prestations qui devront être redéfinies. La fiscalité des Etats est donc au centre des discussions.

Au plan national, international et géopolitique, les crises s’alignent les unes derrières les autres. L’Europe est à la croisée des chemins. La dégringolade est possible. Il n’y a jamais eu sur la planète autant de conflits et de guerres qu’aujourd’hui depuis la seconde guerre mondiale. Les frontières des pays sont en train de se redessiner. Des puissances se transforment. Les flux migratoires sont dorénavant planétaires, incessants et inévitables. Ceux qui ne l’ont pas compris sont soit aveugles, incompétents ou cyniques. Le réchauffement climatique, malgré une COP21 réussie, ne sera que peu freiné dans les années futures tant les intérêts financiers des Etats priment sur l’intérêt général. Les défis migratoires et climatiques sont d’ailleurs considérés, même par les milieux économiques, comme étant les plus grands « dangers » des vingt prochaines années, World Economic Forum dixit.

La démocratie et ses taux d’abstention à la hausse, le succès des réseaux sociaux pour manifester son ressenti, la crise des souverainetés nationales, la montée des extrémismes remettent en cause tous les principes jusqu’ici défendus. On met des pays sous tutelle, des technocrates font la loi, des états amis se critiquent publiquement, les plus forts font pression sur les plus faibles, le politique s’affaiblit, perd de sa crédibilité donc de son action. Mais où sont les visionnaires dont nous sociétés ont besoin. Il y a bien quelques philosophes de talents, quelques prix Nobel inspirés mais point visiblement de grandes pointures.

Toutes ces incertitudes ne sont certes pas réjouissantes, à court terme pour le moins, sauf si l’on s’en saisit pour mettre à l’épreuve l’intelligence humaine, sa capacité à conceptualiser, à innover et surtout garder l’optimisme comme moteur de succès. Nous nous dirigeons incontestablement vers un nouveau monde. Mais lequel? Si j’avais la réponse, j’entrerai certainement dans l’Histoire…

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