Revenir de mission de volontariat

Revenir de mission de volontariat

Voici presque quatre mois que j'ai posé mes valises en France après deux ans en Asie. Deux semaines après mon arrivée, je commençais un poste de chargée de communication chez Colas, filiale du Groupe que j'avais quitté pour partir en volontariat. Au cours de l'été, j'ai repris pied en France, retrouvé ma famille, des amis et des anciens collègues, tous avec les mêmes questions aux lèvres : "Alors ? Pas trop dur l'atterrissage ?" "Que retiens-tu de ces deux ans ?" "Est-ce que cette expérience t'a changée ?"

Ces retrouvailles ont été très émouvantes. J'ai été touchée de voir le nombre de personnes qui ont suivi mes aventures à l'autre bout du monde, qui ont lu mes articles et regardé les photos que je postais. Savoir que j'ai pu transmettre un peu de cette expérience à travers mes écrits me rempli de joie et j'espère qu'ils donneront à d'autres l'envie ou le courage de faire de même un jour. Je clôture donc (peut-être) le récit de mon expérience de volontaire avec ce dernier article consacré au retour.

Quitter le Cambodge

Prendre l'avion pour Paris, dire "au revoir" aux jeunes, à mes co-volontaires, à mes amis, à Phnom Penh, a certainement été l'un des moments les plus émouvants de ma vie. L'intensité de ce déchirement a été une surprise, je ne pensais pas m'être tant attachée ni avoir vécu tant de choses, prise dans le tourbillon du quotidien et des préparatifs. Ceci pour illustrer à quel point le temps passe vite lorsqu'on est en mission, mille et mille liens se tissent au fil des jours, des mois, des semaines, on ne le mesure que le jour où on arrive à l'aéroport pour un retour définitif. Il est d'ailleurs assez surprenant de constater qu'en retrouvant mes proches en France, j'avais l'impression de les avoir quitté assez récemment, comme si le temps avait été suspendu, au début du moins.

Quitter le Cambodge a été d'autant plus difficile que le covid était encore très présent dans le pays : la plupart des jeunes n'étaient pas à Phnom Penh mais dans leurs familles en province si bien que je n'ai pas pu les revoir avant mon départ, nous n'avons pas pu organiser comme le veut la coutume, une fête digne de ce nom avec tous les étudiants, les staffs, les volontaires, enfin, je suis aussi rentrée plus tôt car mon nouveau poste m'attendait à Paris, j'ai donc pris l'avion avant mes acolytes. Tous ces éléments m'ont un peu donné le sentiment d'abandonner le navire, de précipiter le retour et si j'étais ravie de retrouver mes proches, j'ai réalisé ce jour-là à quel point la famille que j'avais trouvé au Cambodge allait elle aussi me manquer.

Retrouver ses marques en France

J'ai continué d'atterrir pendant une semaine. Installée chez mes parents, j'avais l'impression de flotter, de ne pas être vraiment là, j'écrivais tous les jours à ma famille cambodgienne, comme si j'étais encore en plein vol entre les deux pays. Puis, je me suis inscrite dans le climat d'euphorie généralisée qui animait alors la France : les bars et restaurants venaient de rouvrir, le couvre-feu d'être repoussé à 23h... J'en ai profité pour revoir des amis, me promener à pied plutôt qu'à moto ou à vélo (on ne mesure pas combien marcher dans un bel environnement est un luxe jusqu'à ce qu'on en soit privé !). Deux ans c'est à la fois beaucoup et très peu, surtout dans le contexte de la pandémie où les gens ont passé du temps confinés. Souvent, j'ai entendu : "mais j'ai l'impression que tu n'es pas partie si longtemps".

Moi qui craignais d'être en décalage, d'avoir perdu mes repères, j'ai été stupéfaite de la facilité avec laquelle les réflexes revenaient. En quelques jours, j'ai abandonné mes tenues trop larges, les douches froides, l'habitude de me déchausser systématiquement en entrant chez quelqu'un, j'ai repris le bus, recommencé à utiliser un couteau... J'ai néanmoins connu quelques petits efforts de réadaptation comme reporter des chaussures fermées, pendant un mois au moins, j'ai vécu cette nécessité comme un calvaire. Deux semaines après mon arrivée, lorsque j'ai commencé dans ma nouvelle entreprise, le Cambodge me semblait déjà loin.

Cela ne signifie pas que les coups de blues m'ont épargnée ! Le mois d'août a été difficile, j'ai réalisé je crois que l'aventure était bel et bien finie, que les échanges avec les jeunes et les anciens volontaires s'espaçaient... J'ai également fait la passation de mes dossiers avec la personne qui me remplace aujourd'hui et à laquelle je souhaite une aventure aussi riche (mais moins mouvementée) que la mienne. J'ai aussi repris le rythme parisien des sorties, du boulot, il m'a fallu du temps pour retrouver une certaine légitimité à mon poste alors que je n'avais pas mis en pratique mon expertise pendant deux ans. Ces étapes m'ont permis de tourner la page et de trouver l'énergie de me lancer dans de nouveaux projets, ici en France.

Faire le point sur les changements

Analyser ce que cette expérience m'a apporté est toujours délicat, d'autant qu'en revenant à Paris, dans une entreprise similaire à celle que j'avais quitté, je me suis souvent demandé si je ne faisais pas machine arrière. L'avenir nous le dira ! Aujourd'hui, je pense que le Cambodge et le volontariat m'ont tout deux enseignés pas mal de choses :

  • Relativiser. J'avais autrefois l'habitude de courir partout et tout le temps, de considérer que toute requête, tout événement était urgent. Les gens et les situations que j'ai pu côtoyer pendant ces deux ans m'ont appris à remettre les choses à leur juste place : une personne malade, c'est une urgence, le changement climatique, c'est une urgence, envoyer un email, c'est rarement une urgence.
  • Prendre le temps. Dans la même veine que le point précédent, j'apprécie beaucoup plus les moments calmes et parfois même seule, peut-être un effet de l'âge aussi qui sait ! J'ai adoré retrouver les gens petit à petit, les rencontrer un par un pour prendre le temps d'échanger vraiment plutôt que d'organiser une grande fête. Je m'écoute davantage et n'hésite plus à annuler ou reporter si aller quelque part ne me fait pas plaisir ou si je suis trop fatiguée. C'est en prenant soin de soi qu'on peut réellement prendre soin des autres et quelque chose que je n'avais pas compris avant.
  • Être audacieuse. Je ne suis pas une casse-cou, je ne l'ai jamais été mais partir au Cambodge m'a obligée à me confronter à mes peurs : conduire des motos, travailler avec des gens d'une autre culture, voyager sans parler la langue du pays, tester des plats inconnus... Plus d'une fois, j'ai dû sortir de ma zone de confort, aujourd'hui, j'ai beaucoup moins d'hésitation lorsqu'il s'agit de me lancer un nouveau challenge.

Cette expérience m'aura certainement appris beaucoup plus encore mais il est peut-être trop tôt pour m'en rendre compte. Je ne peux que la recommander à toutes les personnes qui le souhaitent, si vous en avez envie : foncez ! Pour ma part, je me suis déjà fixé l'objectif de retourner au "pays du sourire" dans deux ans pour voir ce que mes jeunes sont devenus. Dans l'intervalle, je vais essayer de garder précieusement les leçons que j'ai reçues.

Veronique Taÿ

Chargée de Recrutement et du suivi des Volontaires chez Enfants du Mekong

3 ans

Merci Agathe pour ce témoignage très juste ! Merci surtout pour toutes ces heures données à ta famille cambodgienne, ils sont aussi un peu orphelins aujourd’hui ...Orkun!

Céline Duclos

Innovation engineer consultant for GRTGaz

3 ans

Super article Agathe ! Qui me parle beaucoup et qui doit certainement parler à d'autres volontaires ! 😉

Christophe Biget

Directeur Cellule d’Intégration des magasins Casino chez Auchan Retail. Managing Partner - iVentures Consulting

3 ans

Merci Agathe pour ce partage très inspirant. J'ai comme toi été surpris par la vitesse à laquelle on reprenait ses marques après une longue période d'expatriation. En revanche l'un des bénéfices est de se sentir plus riche, et un peu différent des autres personnes... et ce sentiment là à lui l'avantage de durer, ce qui est plutôt pas mal. A conditions de l'entretenir en gardant l'esprit ouvert et si possible en continuant de voyager

Antoine Dugas

Directeur Regional at SAPIAN France

3 ans

Chere Agathe Ducellier , comme il est decidement chouette de lire ce que nous avons traversé de manière décalée dans le temps. Merci de prendre le temps d'ecrire et de partager, un bien beau témoignage. En complément, je rajouterai quelques anecdotes: Au retour, les enfants chuchotaient tant la vie etait calme comparée a PP! Et une de mes filles qui demandait, dans la rue, arreter la clim car il faisait froid!! Ensuite, il est vrai qu'on redecouvre la chance et le gout sublime d'un camembert, d'une bonne viande, des richesses de notre gastronomie. Et pour tout le reste, c'est finalement un trésor qu'il est dur de partager, mais qui reste fondateur... On s'appelle quand tu veux pour échanger!! Et oui, seul,en couple ou avec sa famille, c'est une belle experience qui vaut la peine! 1000 fois!

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