Revirement jurisprudentiel de la Cour constitutionnelle : Le peuple assiste impuissant au desideratum de la ‘’Rupture’’
Le président de la Cour constitutionnelle, Joseph Djogbénou

Revirement jurisprudentiel de la Cour constitutionnelle : Le peuple assiste impuissant au desideratum de la ‘’Rupture’’

L’audience de la Cour en date du jeudi 28 juin 2018 a entériné plusieurs décisions. Les sages de la haute juridiction sont revenus sur des décisions prises par leurs prédécesseurs et déclaré conforme à la Constitution une loi votée par 15 députés.


Nafiou OGOUCHOLA

Les décisions DCC 18-141 et DCC 18-42 du 28 juin 2018 n’agréent pas les forces vives de la Nation béninoise. D’une part, le retrait du droit de grève aux acteurs des secteurs judiciaires, de la santé et de la police républicaine est perçu comme une discrimination.

Ajouté au fait que la 5ème mandature de la Cour constitutionnelle avait déclaré cette loi contraire à la Constitution, l’opinion publique a du mal à comprendre le bien-fondé du revirement de la Cour constitutionnelle présidée par Joseph Djogbénou.

Pour le secrétaire général de la Confédération des organisations syndicales indépendantes du Bénin (Cosi-Bénin), Noël Chadaré, la décision de la Cour constitutionnelle constitue un précédent grave pour le pays. Dans son argumentaire, Noël Chadaré a soutenu que la remise en cause par la 6ème législature des décisions prises par la 5ème fait perdre toute crédibilité à la haute juridiction.

D’autre part, la décision de la Cour qui a déclaré conforme à la Constitution, le code pénal voté par l’Assemblée nationale fait des vagues. En effet, cette loi a été votée par une quinzaine de députés sur les 82 que compte l’Assemblée nationale. De même, les députés de la minorité parlementaire avaient émis des réserves par rapport à certaines dispositions de cette loi. Mais ces dernières n’avaient pas été prises en compte. Invité sur l’émission ‘’Sans langue de bois’’ hier, dimanche 1er juillet 2018, le juriste Nouroudine Saka-Saley a commenté l’attitude des députés qui ont adopté cette loi. Selon ses propos, les membres de la représentation nationale ont manqué ‘’de finesse et d’intelligence’’.

Comme lui, plusieurs associations et partis politiques ont tenu à dénoncer ces décisions prises par la 6ème mandature de la Cour constitutionnelle. Lire ci-dessous, l’intégralité de la déclaration de la Coalition de défense de la démocratie (CDD), l’Union nationale des magistrats et assimilés du Bénin (Unamab) et de la Confédération syndicale des travailleurs du Bénin (CSTB).



DECLARATION DE LA COALITION POUR LA DEFENSE DE LA DEMOCRATIE AU BENIN (CDD-BENIN)


 NON A LA DICTATURE AUTOCRATIQUE DE LA TROÏKA TALON-DJOGBENOU-HOUNGBEDJI !


Dans sa décision DCC 18-141 du 28 juin 2018, la Cour constitutionnelle de la ruse et de la rage a déclaré conforme à la Constitution, la loi sur le retrait du droit de grève à certains fonctionnaires de l’Etat. Il s’agit notamment des agents de la santé, de la justice et de la sécurité publique. Cette action politique vient remettre en cause des décisions prises par la mandature passée, déclarant non conformes à la Constitution les dispositions retirant le droit de grève au personnel de la santé et de la justice.

La Cour Holo devait trancher et choisir entre l’interdiction ou l’encadrement. Elle avait choisi l’encadrement. La loi est censée être retournée au Parlement. La Cour Djogbénou a travaillé sur quel texte pour sortir cette décision saugrenue ? Quand on sait que la commission des lois de l’Assemblée nationale ne s’est jamais réunie pour réexaminer la loi, on comprend vite que la Cour Djogbénou nage dans le faux.

C’est donc sans surprise que l’avocat personnel du chef de l’Etat a opté pour l’interdiction, faisant du droit, un instrument de ruse au service du clan minoritaire arrogant, prédateur et vorace au pouvoir. A l’allure de kamikaze, ce dangereux fondamentaliste démolit la démocratie et l’Etat de droit. Tête baissée, il fonce sur toutes les décisions prises par la mandature qui l’a précédé et qui n’arrangent pas son client, homme d’affaires-président de la République.

L’avènement de Me Joseph Djogbénou à la tête de la Cour constitutionnelle est un grave recul démocratique.

En moins d’un mois, c’est sa deuxième provocation politique. Les revirements jurisprudentiels et remises en cause de l’autorité de la chose jugée sont porteurs d’instabilité juridique.

Le droit de grève constitue un moyen ultime du travailleur dans l'exercice de ses droits syndicaux. Aux termes de l’article 31 de la Constitution : « L’Etat reconnait et garantit le droit de grève. Tout travailleur peut défendre, dans les conditions prévues par la loi, ses droits et ses intérêts soit individuellement, soit collectivement ou par l’action syndicale. Le droit de grève s’exerce dans les conditions définies par la loi ».

La loi portant l'exercice du droit de grève en République du Bénin a déjà encadré le droit de grève en définissant les secteurs essentiels nécessitant un service minimum ainsi que les conditions du recours à la réquisition par l'Administration pour concilier le droit de grève des travailleurs avec les droits des usagers des services publics. Dès lors, aucune décision liberticide ne saurait restreindre ce droit constitutionnel. Il en résulte que le droit de grève est un droit fondamental. La Cour Djogbénou a alors violé la Constitution et le vaillant peuple béninois est en droit de combattre ses velléités despotiques.

La volonté d’embrigadement des libertés démocratiques par le pouvoir népotiste et affairiste de Patrice Talon est donc manifeste.

Pour lutter contre la politique autocratique imposée aux Béninois depuis le 6 avril 2016 par la junte civile au pouvoir, la Coalition pour la Défense de la Démocratie au Bénin (CDD-Bénin) lance un appel pressant à la mobilisation historique pour un salut démocratique pour dire : Non à la dictature autocratique de la Troïka Talon-Djogbénou-Houngbédji !

L’heure est à l’unité et à la résistance des Béninoises et Béninois pour préparer les combats inévitables à venir. Car la restriction de l’espace démocratique par le vote, les yeux fermés, de lois liberticides et scélérates doit être combattue.

La CDD-Bénin appelle tous les travailleurs et démocrates, et leurs organisations, à se rassembler au-delà de la diversité de leurs engagements pour défendre les conquêtes démocratiques.

En avant pour une mobilisation agissante de toutes les forces démocratiques !

En avant pour un véritable Etat de droit républicain !

Tous unis et mobilisés, nous vaincrons !


………………………

DECLARATION DE PRESSE DU BUREAU EXECUTIF DE L’UNION NATIONALE DES MAGISTRATS DU BENIN (BE/UNAMAB)

A travers une décision DCC 18-141 rendue ce jeudi 28 juin 2018, la Cour constitutionnelle présidée par l’avocat Joseph DJOGBENOU, précédemment Garde des sceaux, a entrepris d’interdire la grève aux magistrats, agents de santé et de la police. Au-delà des omissions, imprécisions et incorrections qu’elle comporte en raison, assurément, de la précipitation particulière qui caractérise désormais la Haute juridiction, la décision DCC 18-141 constitue une atteinte grave au contrat social issu de l’historique Conférence Nationale de février 1990.


Au Bénin, en effet, le droit de grève est prévu et consacré dans la Loi fondamentale qui dispose en son article 31 : « L’Etat reconnaît et garantit le droit de grève. Tout travailleur peut défendre, dans les conditions prévues par la loi, ses droits et ses intérêts, soit individuellement, soit collectivement ou par l’action syndicale. Le droit de grève s’exerce dans les conditions définies par la loi.»

Par le biais de motifs constitutionnellement inopérants issus notamment des rapports d’organisations internationales et au moyen d’un raisonnement machinalement finaliste, les sages de la Cour sont parvenus à considérer que l’article 31 de la Constitution du 11 décembre 1990 reconnaît aux parlementaires le droit de supprimer aux travailleurs toute possibilité de recourir à la grève.

Or, restituant à cette disposition son sens évident et clair, la précédente Cour constitutionnelle a affirmé dans des décisions successives rendues courant janvier 2018 que l’interdiction de l’action syndicale et du droit de grève relève de la seule compétence du Constituant, le législateur ordinaire ne pouvant qu’encadrer l’exercice de ces droits.

En se prononçant d’office et dans ce sens, l’actuelle Cour apporte la confirmation que le choix de ses membres et leur installation visent, non à dire la règle constitutionnelle avec le détachement et la haute conscience attendus de tout juge, mais plutôt à contribuer à l’œuvre d’assujettissement des autres institutions à l’exécutif et à son chef.

Pour mieux atteindre cet objectif en ce qui concerne la justice, la Cour a rendu, à la même date la décision DCC 18-142 dans laquelle elle considère, contrairement à la Cour précédente, que les dispositions habilitant le Ministre de l’Economie et des Finances et celui du Travail et de la Fonction Publique à siéger au Conseil Supérieur de la Magistrature sont conformes à la Constitution. Or, il est évident que la manœuvre consistant à admettre lesdits ministres au sein du Conseil Supérieur de la Magistrature en qualité de membres de droit, aux côtés des députés à l’Assemblée nationale, du Ministre de la Justice et du chef de l’Etat lui-même, ne sont vise qu’à donner à ce dernier une majorité confortable composée d’allogènes au sein de l’organe de discipline des magistrats.

En clair, le magistrat, acteur central du pouvoir judiciaire, sera soumis dans son office au diktat de l’exécutif et toute résistance de sa part l’expose à des sanctions disciplinaires automatiques. C’est ce plan d’une justice aux ordres, incapable de s’insurger et contrainte de se déployer contre les indésirables de la République qui est savamment mis en œuvre avec le concours et la bénédiction des nouveaux sages de la Cour constitutionnelle.

Le Bureau Exécutif de l’Union Nationale des Magistrats du Bénin (UNAMAB) s’indigne et prend à témoin l’opinion publique nationale et internationale de cette option de vassalisation de la justice faite par le gouvernement avec l’onction de la Cour constitutionnelle. Il invite les magistrats ainsi que l’ensemble des travailleurs épris de paix, de justice et attachés à l’Etat de droit à rester mobilisés pour déjouer ce complot indigne de notre histoire, de nos valeurs et aspirations.

Cotonou, le 29 juin 2018


……………………….

CONFEDERATION SYNDICALE DES TRAVAILLEURS DU BENIN (CSTB)    

DECLARATION DE LA CSTB SUR LE RETRAIT DU DROIT DE GREVE AUX TRAVAILLEURS DE LA JUSTICE ET DE LA SANTE

Hier jeudi 27 juin 2018, la nouvelle du retrait du droit de Grèce aux magistrats, aux autres travailleurs de la justice et de la santé, par la Cour Constitutionnelle, s’est répandue comme une rumeur. Finalement à l’aide des réseaux sociaux et de la presse, la nouvelle est tombée, la nuit : Par les décisions DCC 18-141 et DCC 1&-142 du 28 juin 2018, la Cour Constitutionnelle retire le droit de grève aux magistrats, aux agents de la justice, de la santé et à la police .républicaine.

Que retenir de cette décision anachronique et anticonstitutionnelle de la Cour Constitutionnelle de DJOGBENOU ? Elle vient de remettre en cause une décision de la même Cour prise, il y a seulement quelques mois sous la présidence de Théodore HOLO.

Cela révèle au grand jour que les décisions de la Cour Constitutionnelle du Bénin ne sont plus sans recours.

D’ailleurs cela ne nous surprend pas car le gouvernement de Patrice TALON et l’Assemblée Nationale avaient déjà, à plusieurs reprises, piétiné des décisions de la Cour Constitutionnelle sans scrupule. L'exemple du refus par l'Assemblée Nationale d'installer le COS-LEPI, dans le délai prescrit par la cour est connu.

Cette décision totalement arbitraire de la Cour TALON-DJOGBENOU montre clairement que Djogbenou est nommée pour faire la volonté de Patrice TALON et non pour juger de la Constitutionalité des lois, textes et autres actes posés par les citoyens. Bientôt, il pourra déclarer députés toutes les marionnettes au service du prince, puis, président l'homme de son choix. Donc, l'heure est grave, même très grave. Nous sommes en plein dans un Etat de non droit. Alors, Camarades travailleurs, membres des divers syndicats et structures déconcentrés de la CSTB (USD, USC, USA, et..), vous, travailleurs, membres de divers comités et coordinations départementales, communales, travailleurs des ministères, des sociétés et services , réagissez spontanément et rejetez cette imposture dont l’objectif est d’instaurer une dictature pour s’accaparer des biens du pays et aggraver la misère des béninois.

Protestez de partout et organisez-vous pour exiger et obtenir le respect des libertés démocratiques au Bénin.

Tous les travailleurs doivent se lever immédiatement et défendre les travailleurs de la justice, de la santé et de la police sans hésitation car c’est tout le pays qui est attaqué à travers cette décision.

Mobilisons-nous pour dire non aux décisions de la cour à ordre de DJOGBENOU et à l'emprisonnement de Metongnon et de ses coaccusés afin de sauver la démocratie et le Bénin en danger. Trop c'est ! Ça suffit! On en a marre ! Levons-nous.

Fait à Cotonou, le 29 juin 2018

Le Secrétaire Général Confédéral

Nagnini KASSA MAMPO.-

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Plus d’articles de Nafiou Ogouchola

Autres pages consultées

Explorer les sujets