Rinor a mis ses grands rêves dans des grandes boites

Rinor a mis ses grands rêves dans des grandes boites

Je me souviens de cet après-midi d’hiver, au Lycée Victor Hugo, dans le quartier de la Belle de Mai.

Nous sommes en 2018.

La Belle de Mai, à Marseille, l’une des zones « les plus pauvres d’Europe » parait il, où la doxa des beaux quartiers voudrait qu’un jeune lycéen soit avant tout promis aux trafics en tous genres, soit éternellement exclu d’un ascenseur social bloqué au rez de chaussée des ambitions.

La Belle de Mai, qu’Albert Londres décrivait de sa plume si juste dans Marseille, porte du Sud, comme « le quartier le plus accueillant pour les gens en peine ». Et puis Rinor s’est assis devant nous dans cette petite salle peu éclairée où quelques fins mais vifs rayons de soleil marseillais étaient là comme pour lui montrer la voie de l’espoir et du dépassement de soi. Et il nous a illuminé.

Pourtant, que pouvait bien espérer un jeune exilé Kosovar en postulant à l’entrée à Sciences Po Paris ? Pas grand-chose pour beaucoup. De grandes choses pour lui.

Les yeux dans nos yeux, il a commencé à nous faire un exposé sur la montée du populisme en Europe. Nous avons ressenti tout son attachement à la démocratie mais nous avons aussi écouté attentivement son jugement argumenté sur la déconnexion croissante entre les peuples et leurs classes politiques.

Puis est venu le temps des questions réponses, le moment où il est difficile de tricher et où nous voulions saisir la personnalité profonde de Rinor.

Avec beaucoup d’humilité et de retenue, Rinor nous a raconté son périple et le si douloureux chemin de l’exil. Jusqu’à son arrivée à Marseille où sa famille décida de s’installer.

En arrivant en troisième au collège, Rinor ne parlait pas un mot de français. Il était désormais devant moi, nous expliquant dans un français parfait que Sciences Po était tout simplement pour lui. Il avait mis à son tour ses grands rêves dans des grandes boites.

Que veux-tu faire plus tard ? lui demandai-je. Après quelques secondes de silence, il me regarda et répondit : « je veux retourner un jour au Kosovo et devenir Président ». Rinor est rentré à Sciences Po. C’était sa place.

Il est passé de la Belle de Mai à Saint-Germain des Prés avec son incroyable soif d’apprendre, et sans renier en rien son amour profond pour les quartiers nord de Marseille où il retourne souvent. Que dire d’un jeune homme qui choisit comme job d’appoint de découvrir le Droit comme interprète au Tribunal Correctionnel de Marseille ? Magnifique.

Alors, quand j’ai retrouvé Rinor après toutes ces années, aujourd’hui à Sciences Po, j’ai ressenti une immense fierté.

D’abord pour lui, son acharnement, sa capacité d’adaptation, sa volonté d’avoir lui aussi droit au bonheur et à l’émancipation par le travail.

Pour les merveilleux enseignants du Lycée Victor Hugo ensuite, qui lui ont ouvert les yeux sur Sciences Po, dont il n’avait jamais entendu parler. La beauté de ce métier d’enseignant, c’est de pouvoir allumer une flamme, faire croire que tout est possible. Changer le cours de milliers de vies.

Pour mon pays et Sciences Po enfin, qui s’honorent d’avoir accueilli Rinor et sa famille.

Rinor a choisi le Droit. Il deviendra probablement avocat d’affaires à moins qu’un rayon de soleil ne l’attire vers d’autres cieux. Il a déjà décroché un stage dans deux des plus prestigieux cabinets anglo-saxons. Et peut-être un jour, dirigera t-il son pays, le Kosovo ?

Rinor est un exemple pour tous les jeunes dont le lieu de naissance ne prédispose pas aux rêves et aux ambitions XXL. Il existe des centaines de Rinor à Sciences Po, des milliers en France, dont on ne parle jamais. Pourquoi ?

Albert Londres, encore lui, disait de Marseille qu’elle était « le foyer des hommes sur la branche ».

Alors, jeunes de tous les quartiers, de Marseille ou d’ailleurs, vous qui êtes prêts à vous envoler, vous savez qu’il est possible de choisir les branches les plus hautes, celles qui apparaissent les plus inaccessibles mais qui, une fois posés sur elles, vous ouvrent des perspectives infinies.

#sciencespo #entrepreneuriat #confiance #ambition #travail

Florent Gibert

Directeur-fondateur chez ONLYMORE optimisons vos oeuvres | Leadership humain et collaboratif

8 mois

les vainqueurs trouvent des solutions, et les perdants trouvent des excuse

Manuel Diaz

CEO @ /influx | Maison de créateurs influents malgré eux.

8 mois

Merci Jacques-Henri Très belle histoire, qui me touche particulièrement. Longue vie et tous mes voeux de réussite Rinor

Frédéric SAVEUSE

Executive President CLEMANT

8 mois

Hello Jacques, Magnifique partage d’une histoire qui doit en appeler à de nombreuses autres. Bravo Rinor pour votre persévérance et votre engagement, je vous souhaite le meilleur pour la suite…

Sam Al Mansour

Master Finance & Strategy @ Sciences Po

8 mois

Félicitations Rinor ! 👏

Félicitations pour ce parcours qui fait l'honneur de Sciences Po . Bonne suite d'études !

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