Rituels et clarté des rôles dans les organisations

J’aime mon métier, il me donne en effet la chance de rencontrer des personnes et des organisations extraordinaires. Attention, je ne vis pas chez les Bisounours, certains sont brillants intellectuellement, d’autres possèdent de belles qualités relationnelles, parfois les deux, d’autres aucune de ces caractéristiques, certains sont éminemment toxiques, lâches, petits chefs etc. bref humains.

Une constante dans mes rencontres, notamment dans des équipes qui dysfonctionnent, est que le manque de visibilité et de compréhension du « qui fait quoi ? », du défaut d’information sur l’arrivée ou le départ de personnes qui comptent crée des comportements passifs au mieux, contre-productifs souvent voire carrément toxiques et in fine du désengagement. Dans un contexte ou la marque employeur, et la rétention des talents, rares en particulier est un enjeu, ce n’est pas une situation à prendre à la légère pour des organisations


Voici quelques Verbatims glanés lors d’entretiens dont on peut penser qu’ils sont caricaturaux…mais ce n’est pas le cas :

« Un jour, j’ai vu XXXX arriver, je ne la connaissais pas, et elle m’a dit « Je suis ton nouveau chef (vous noterez l’absence de « Bonjour »), et maintenant voilà ce que j’attends de toi »

« On ne sait même pas qui commande ici… »

« On n’a pas de capitaine à bord, et on ne sait pas où l’on va ! »

« On n’est jamais informé de rien ici de toute façon »

J’en passe et des meilleures, j’imagine que vous avez, vous aussi entendu ce genre de réflexions dans vos entourages professionnel et personnel.

Dans mes engagements et mes convictions personnels, je suis investi dans une association, Implic’action, qui a pour vocation d’accompagner la reconversion des militaires à la vie civile, en complément de ce que propose l’institution via Défense Mobilité.

Cet engagement me permet d’avoir un regard critique sur les bonnes et les moins bonnes pratiques de cette institution.

L’été chez les militaires est une période de transition et de « passation de commandement » durant laquelle ont lieu des changements de direction de compagnie (~100 personnes) et de régiment (~1000 personnes). L’Armée a une culture forte du rituel et des traditions, et en l’occurrence, ce rituel de la transition est un acte managérial majeur, et me semble-t-il l’une des aiguilles de la boussole du leadership.

A travers ce rituel de passation, et de manière officielle, et très visible, chacun sait qui est désormais son nouveau chef.

Le départ du précédent est également valorisé souvent en indiquant d’une part sa contribution durant ses deux années de commandement et souvent ou sera sa nouvelle affectation.

L’arrivée du nouveau fait également l’objet d’une prise de parole.

Ces passations sont faites par le N+1 (Un général pour un Régiment et le chef de Corps pour une compagnie) et donc il y a une forme d’intronisation verbale et symbolique avec une passation de drapeau ou de fanion.

L’ensemble est annoncé par des phrases fortes telle que « " Vous reconnaitrez désormais en votre chef..."

S’ensuit une cérémonie sous forme de défilé et d’un traditionnel vin d’honneur auquel tous les soldats présents (outre ceux en missions opérationnelles) et d’autres autorités se rencontrent et peuvent échanger.

C’est très bien tout ça, mais qu’en retenir pour le monde de l’entreprise ?

A minima la ritualisation de départs et/ou d’arrivées, la verbalisation de ceux-ci et l’intronisation par un leader N+1.

L’ensemble donne de la clarté (la couleur bleue avec l’outil « management drives ») et contribue à créer du lien et de la cohésion et développer le sentiment d’appartenance, et le fameux « esprit de corps » (la couleur violette chez Management Drives).


Une forme de deuil de l’ancien dirigeant est faite, il ne part pas par la petite porte. C’est bon tant pour lui que pour son ancienne équipe. L’arrivée du nouveau est réellement investie et fait partie d’une trajectoire, d’une direction.

Attention, loin de moi l’idée d’idéaliser l’Armée, pas plus que l’entreprise privée ou les institutions publiques, mais juste créer des ponts et des sources d’inspiration et de réflexion.

Qu’en pensez-vous ?

Quelle est la pratique (s’il y en a une ?) dans votre entreprise ?


PS Image "Corsenetinfo"


Amélie Nothomb disait que "sans la grandiloquence des rites, on n'aurait force de rien". Le cérémonial militaire, limité initialement au champ de bataille, s'impose dans la vie de la cité et des organisations : souvenir, commémorations, funérailles, passation de commandement. Les rituels fixent des repères, cultivent le sentiment d'appartenance et donnent des raisons de vivre et d'agir dans une société où les repères sont flous.

Xavier ROBIN 🚀 passionné par l'humain

J'accompagne les dirigeants à mieux diriger, les managers à mieux manager et les équipes (Comex, Codir...) à mieux collaborer avec un objectif commun : la mise en mouvement.

7 ans

Belle réflexion sur les rituels et plus particulièrement sur le tuilage entre le départ et l'arrivée. Souhaitant comme le souligne Eric, que votre article puisse inspirer les organisations. Je suis personnellement un fervent défenseur des rituels et de leurs bienfaits pour accompagner les individus et consolider un collectif. C'est du moins ce que je préconise dans mes intentions lorsque j'accompagne une organisation à s'inscrire dans une nouvelle dynamique managériale. Les retours de mes clients me confortent fortement dans cette conviction. Ce n'est pas pour rien que les rituels existent depuis la nuit des temps...

Je n'avais jamais mesurer l'influence du manque de clarté sur les départs. Cela me donne des tas d'idées. Merci

Arnaud Tonnelé

Co-fondateur de CARE COACHING & TRANSFORMATION | Coach | Formateur en coaching d'organisation | Auteur | (pas de démarchage, pliz !🙏)

7 ans

Merci David pour ce partage. Je crois que les rituels existent lorsque l'humain a de l'importance, ce qui - contrairement peut être à une vision trop superficielle de cette institution - est le cas dans l'armée. Malheureusement, il me semble que dans trop d'entreprises - tes verbatim le montrent -, Cest loin d'être le cas, malgré les discours affirmant le contraire.

Sabrina MICCHI

Facilitatrice de projets, accompagnement au changement, développement individuel et collectif. #QVCT #QVT #Réorganisation #SI Santé

7 ans

Bonjour David, et merci pour cet article! J'aime beaucoup le parallèle et les ponts que tu proposes entre ces différents types d'organisations, et notamment la réflexion : "Une forme de deuil de l’ancien dirigeant est faite, il ne part pas par la petite porte. C’est bon tant pour lui que pour son ancienne équipe. L’arrivée du nouveau est réellement investie et fait partie d’une trajectoire, d’une direction". En effet, elle donne à penser qu'ainsi le départ autant que l'arrivée seront valorisés, et pour les équipes concernées, très certainement d'être rassurées et de permettre de donner un réel sens au changement d'organisation! On retrouve ici l'importance de la communication, encore plus dans ces périodes de transition!

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