Santé mentale: un guide de bonnes pratiques pour les premiers gestes
Venu d’Australie, un programme de formation vise à mieux prendre en charge des patients qui vont mal et à les orienter au plus tôt vers les soins adaptés. En France, le ministère de la Santé commence à le développer.
C’est un peu l’équivalent de la position latérale de sécurité, premier geste enseigné lors des leçons de secourisme pour faire face aux urgences médicales. Il s’agit des «premiers mots, des premières écoutes, face à quelqu’un qui craque ou dérape ou délire. Comment l’aider, l’accompagner, éventuellement vers une prise en charge ?» interroge le Dr Alain Mercuel, psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris. Nom de code «PSSM», pour Premiers secours en santé mentale, une approche venue d’Australie. Au départ, on pouvait être un peu sceptique devant cette forme de banalisation technique des troubles mentaux. Et puis on se dit pourquoi pas ? D’autant qu’il y a nécessité.
Souvent, y compris dans le simple accès aux soins, les malades mentaux peuvent être mal compris, mal traités, mis parfois de côté ou attachés avec des sangles aux urgences, faute d’avoir su décrypter un minimum leur situation clinique. Créé en Australie en 2001 par une éducatrice, qui a souffert elle-même de troubles psychiques sévères, et par un professeur de médecine, c’est un programme de formation simple, qui se veut sans prétention. Il s’est vite répandu à travers le monde et il est aujourd’hui utilisé dans 28 pays (Suède, Finlande, Pays-Bas, Danemark, Royaume-Uni, Irlande, Suisse, Allemagne, Canada, dans certains Etats américains, etc.).
«Premier relais de prévention»
Il se développe désormais en France, avec l’agrément du ministère de la Santé. Le but ? Former des secouristes lors d’un stage de deux jours, qui «vise à [leur] permettre d’être attentifs et de reconnaître les premières manifestations ou l’aggravation de troubles mentaux, de savoir se comporter de façon adaptée pour entrer en contact avec la personne et gagner sa confiance, et de connaître suffisamment les ressources professionnelles et non professionnelles pour l’orienter ou l’aider à s’orienter vers les soins adaptés. La cible est le grand public, c’est-à-dire toute personne de 18 ans ou plus», est-il ainsi explicité dans le programme. Depuis 2019, l’association PSSM France, qui gère ces cessions, a formé plus de 12 000 personnes.
basique. «On ne pose pas de diagnostic, insiste l’association PSSM France. Les secouristes en santé mentale ne sont pas des experts. Ils ont vocation à devenir un premier relais de prévention et d’orientation vers des professionnels de santé.» A travers des jeux de rôle, des témoignages, des exercices, les stagiaires vont être conduits à découvrir le monde des troubles psychiques, «pour adopter un regard moins stigmatisant […] et apprendre à réagir dès les premiers signes ou lors d’une crise survenant dans leur cercle proche : ami, voisin, collègue, famille, public pris en charge dans un cadre professionnel».
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«Savoir être modeste»
Face à une personne semblant souffrir de troubles psychiques, le plan PSSM incite donc à écouter «sans juger, réconforter, informer et encourager à consulter des professionnels de santé, sans forcer la main». Evidemment, on n’est jamais tout à fait loin du cliché et des simplifications. Ainsi, durant les quatorze heures de formation, est mis en avant un «plan d’action» avec son moyen mnémotechnique («Aérer», pour approcher, écouter, réconforter, encourager, renseigner). «Et cette attitude doit s’appliquer aux troubles les plus courants : troubles dépressifs, anxieux, psychotiques et liés à l’usage de drogues ou d’alcool», note PSSM France.
On le voit, ce n’est pas la révolution. «Il faut savoir être modeste, mais cela peut permettre d’éviter des mauvaises compréhensions de situations», note le Dr Mercuel. Bref, un petit pas. Lors du congrès de l’encéphale, le 19 janvier, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a donné un coup d’élan à ce programme lancé par Agnès Buzyn. «La prévention de la souffrance psychique passe notamment par la solidarité. Le développement du programme des Premiers secours en santé mentale y contribue», a-t-il annoncé, saluant un «dispositif qui a fait ses preuves à l’étranger et qui est également un très beau vecteur de sensibilisation».
par Eric Favereau Libération