Selon les coprésidentes de la Coalition, la collaboration pour l'élaboration de meilleures politiques publiques est la clé d'une croissance inclusive
Anne McLellan et Lisa Raitt, coprésidentes de la Coalition pour un avenir meilleur, estiment qu'une plus grande collaboration entre les gouvernements, l'industrie et la société civile s'impose pour créer des politiques publiques favorables à une croissance économique inclusive et durable.
« Selon moi, les gouvernements gagneraient à mieux collaborer entre eux, à différents niveaux », a fait valoir Mme McLellan à l'occasion d'une visite dans le cadre de la Tournée des campus de la Coalition auprès des étudiants de l'École de politiques publiques Max Bell de l'Université McGill.
Elle a ajouté que bien que les gouvernements fédéraux investissent dans les programmes, les résultats laissent à désirer.
« Nous devons nous assurer d'instaurer la collaboration et la coordination nécessaires pour produire les résultats souhaités, et faire avancer les choses pour l'instauration d'une économie et d'une société plus inclusives pour tous ».
La coprésidente Raitt et Susannah Pierce, présidente de Shell Canada et présidente nationale, vice-présidente des solutions énergétiques émergentes, ainsi que la modératrice étudiante Harshini Ramesh se sont jointes à la conversation avec Mme McLellan.
La Tournée des campus de la Coalition, avec le soutien de Shell Canada, permet aux coprésidentes de se rendre dans des universités, des collèges et des centres de formation partout au Canada pour s'entretenir avec les leaders de demain.
Mme Pierce a rappelé que la collaboration est un aspect essentiel, tout particulièrement dans le cas des grands projets d'infrastructures et de la mobilisation de la communauté. Citant son expérience dans le cadre d'un projet en Colombie-Britannique, Mme Pierce a précisé comment un climat de confiance a pu être établi avec la communauté locale des Premières Nations collaborant avec elle dès le début.
« Nous avons lancé la conversation très tôt. Qu'est-ce qui était dans leur intérêt? En toute franchise, nous n'avons pas été très bien accueillis à notre arrivée », a-t-elle confié, expliquant que les expériences précédentes des Premières Nations avec l'industrie n'avaient pas été positives, les promesses qui leur avaient été faites n'ayant pas été tenues. « Nous nous devions de rétablir un climat de confiance. Et cette confiance ne s'établit pas du jour au lendemain. Il faut beaucoup de temps ».
La confiance s'est peu à peu établie par une collaboration avec les Premières Nations à propos de tous les aspects du projet : utilisation des connaissances traditionnelles, évaluation des répercussions dans le cadre du processus d'autorisation environnementale, prise en compte des aspirations en matière de main-d'œuvre et relatives à l'économie de la communauté locale. Mme Pierce a précisé que grâce à ce processus inclusif, « les nations existantes sur ces territoires traditionnels n'ont jamais été remises en question ».
« En premier lieu, chaque entreprise doit avoir la volonté d'inclure les communautés au sein desquelles elle souhaite s'établir et mener ses activités », a-t-elle fait valoir. « Je ne parlerai pas au nom des nombreux chefs que je connais et avec lesquels je me suis liée d'amitié, mais pour eux, il s'agit d'être reconnus comme partie prenante du développement économique avec droit de regard sur la manière dont il se déroule.
Pierce a également souligné qu'il est nécessaire et important que les jeunes prennent part aux discussions politiques qui les concernent. « Vous devez vous impliquer. Parce qu'en créant de la richesse de manière durable et inclusive, on ouvre la voie à une plus grande prospérité et, de ce fait, à plus d'options pour vous », a-t-elle déclaré.
Mme Raitt s'est ralliée, affirmant qu'il fallait améliorer les leviers politiques et la mobiliser la jeunesse.
« La croissance économique d'aujourd'hui n'est pas celle qui a marqué la vie de vos grands-parents. Elle est aujourd'hui complètement distincte. Nous avons un urgent besoin de meilleures politiques publiques pour l'encadrer. Nous avons également besoin de meilleurs outils. Et nous devons [...] mobiliser nos énergies à l'occasion des élections gouvernementales, car c'est le gouvernement qui prend les décisions », a déclaré Mme Raitt. « Je ne suis en aucun cas favorable à un gouvernement plutôt qu'à un autre. Vos décideurs définissent ce que sera la croissance économique au cours des 20 prochaines années par les décisions qu'ils prennent actuellement en matière de politique publique. Ce moment est incroyablement stimulant pour celles et ceux qui souhaitent s'impliquer ».
Les Canadiens et les entreprises doivent être incités à réduire les émissions
« La croissance d'une économie durable requiert le recours à la technique du bâton et de la carotte, » a répondu Mme Pierce, lorsqu'on lui a demandé comment le secteur des hydrocarbures pouvait contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Mme Pierce a fait remarquer que bien que Shell ait installé une pompe à hydrogène à Vancouver, l'absence de demande pour les voitures à hydrogène ne permettait pas de justifier l'investissement dans cette technologie.
« Je peux produire de l'hydrogène en minimisant les émissions de carbone... mais personne, aucun client, ne l'achète. Pourquoi investirais-je dans cette technologie, et pourquoi supprimerais-je la pompe à diesel, génératrice de revenus? Ce que j'entends par là, c'est que la production d'énergie à faible teneur en carbone requiert que nous ayons des clients qui soient preneurs et prêts à investir dans la technologie requise pour consommer cette forme d'énergie », a-t-elle avancé.
Les véhicules électriques, a-t-elle ajouté, sont un exemple de mesures politiques judicieuses, qui incitent à l'action.
« Le secteur des véhicules électriques est en plein essor. Pourquoi? Parce que les fabricants sont incités à les produire, sous peine d'être pénalisés. Leur coût diminue. Les gouvernements provinciaux offrent également des mesures incitatives à l'achat de ces véhicules », a-t-elle déclaré. « La chaîne de valeur est complète. Dans notre volonté de transition, nous ne devons pas porter exclusivement notre attention sur le secteur des hydrocarbures.
Elle a indiqué que Shell visait la carboneutralité et mettait tout en œuvre pour l'atteindre, parce que c'était simplement une question de bon sens commercial. Mme Pierce a en outre fait valoir que les compagnies pétrolières et gazières, appuyées en cela par de « bonnes politiques publiques, l'approche du bâton et de la carotte, et des incitations fiscales, » réduiront leurs émissions à mesure que les clients privilégieront des énergies à plus faible teneur en carbone.
Mme Pierce a ajouté que le Canada est unique du point de vue de la réglementation. « Les signaux politiques envoyés par le gouvernement, les normes sur les carburants propres et la taxe carbone aident les entreprises à déterminer les orientations à prendre. Nous devons accélérer les choses par une collaboration de l'ensemble de la chaîne de valeur et en comprenant comment, tous ensemble, comment nous devons collaborer pour y parvenir. »
Mme Raitt a fait valoir que nombreux sont les pays qui, partout dans le monde, ont choisi de prendre leurs distances à l'égard des combustibles fossiles et de se décarboniser, parce que c'est la voie à suivre. Mais il faut également que la transition soit favorable sur le plan économique.
« Il est possible de réunir ces deux conditions », a-t-elle précisé, évoquant le discours sur l'état de l'Union du président américain Joe Biden, qui a reproché aux producteurs d'hydrocarbures de ne pas produire davantage.
Selon elle, c'est le secteur canadien des hydrocarbures qui a le plus de mal à réduire ses émissions, suivi par le secteur des transports. Aux États-Unis, le secteur des transports est le principal émetteur. « La situation de chaque pays dictera la réponse qui sera fournie en politique publique à propos de l'objectif de 'carboneutralité' », a déclaré Mme Raitt. « Au Canada, nous nous concentrons sur le secteur des hydrocarbures, car c'est le plus important. Mais n'oublions pas que la réduction des émissions et le plafonnement de la production sont deux choses très différentes. M. Biden l'a compris et le Canada devrait en faire autant. »
Mme McLellan a insisté sur la nécessité d'accroître le recours à l'énergie nucléaire et de mettre en œuvre une refonte du réseau énergétique pour y inclure davantage de sources renouvelables et non polluantes. Elle a appelé à la coopération entre tous les paliers gouvernementaux afin de garantir un transfert efficace en matière d'énergie.
La croissance économique n'est pas la même pour tous les Canadiens
Répondant à une question sur les politiques qui ont contribué aux inégalités économiques, Mme McLellan a fait valoir que la croissance économique n'a pas nécessairement été la même dans toutes les régions du Canada. Elle a mis en relief le fait qu'une grande partie de la richesse du pays provient des ressources naturelles trouvées dans les régions rurales - sylviculture, pétrole, gaz, eau, hydroélectricité, minéraux essentiels, par exemple - mais la richesse a été transférée vers les zones urbaines.
« Il est intéressant de noter que les régions rurales et les petites villes du Canada n'ont pas bénéficié du fait que la plupart de ces ressources se trouvent là où elles se trouvent. En fait, la richesse a été largement transférée vers les grands centres urbains, » a-t-elle déclaré. « Le dépeuplement des petites villes de la Saskatchewan, de l'Alberta, du Manitoba, de la Nouvelle-Écosse, de tout le pays, est un fait connu. Les petits villages sont en voie de disparaître. »
Selon elle, faute d'opportunités économiques, le Canada rural ne connaît pas la même croissance que les zones urbaines. « Je ne pense pas que nous ayons vraiment compris ce que cela signifie en termes d'outils et d'instruments de politique publique, » a-t-elle déclaré.
Mme McLellan a fait valoir que, selon elle, la redistribution de la richesse est tributaire des politiques publiques. Prenant l'exemple de la collaboration avec les communautés autochtones, elle a déclaré que lorsqu'elle était ministre des Ressources naturelles, il était important de proposer un accord sur les avantages qui comprendrait ‘un peu de formation et quelques emplois’. Aujourd'hui, a-t-elle précisé, les communautés concernées sont présentes à la table des négociations dès le début.
« Il s'agit d'une redistribution des richesses au profit des régions rurales et isolées du Canada », a-t-elle fait valoir. « Personne ne sait ce que sera l'état du dossier dans 30 ans, mais les choses sont en bonne marche. »
Pierce a ajouté qu'à l'époque, il n'y avait aucune politique visant à promouvoir la diversité, l'équité et l'inclusion, ce qui a contribué à une croissance inégale des divers maillons de la société.
« La société a changé », a-t-elle déclaré, soulignant que les femmes, les communautés autochtones et les personnes LGTBQS2+ souhaitaient être présentes à la table des négociations. « Les échanges alors entrepris ont été tout aussi douloureux. Mais [la société] a réagi en disant : ‘Voilà où se trouvent les lacunes, et c'est à ce moment-là que [les gens] ont commencé à chercher des façons de les combler’ ».
Évoquant l'approche du bâton et de la carotte, Mme Pierce a relevé que le Fonds stratégique pour l'innovation exigeait des entreprises qu'elles veillent à ce que leur démarche se traduise par des répercussions économiques locales. « Pour obtenir des fonds publics, comme entreprise, je dois aujourd'hui préciser où je me situe du point de vue de la diversité et de l'inclusion, et des autres exigences de cet ordre », a-t-elle indiqué, « ce qui permet de faire avancer les choses ».
Mesurer les progrès permet de changer d'échelle
Les panélistes de la Tournée des campus ont fait valoir qu'il était essentiel de mesurer les progrès accomplis pour orienter l'évolution des politiques publiques. C'est pourquoi le Tableau de bord de la Coalition assure le suivi de 21 indicateurs de croissance économique. Mme McLellan a insisté sur le fait qu'il était essentiel que tous les Canadiens, la société civile et les entreprises « déterminent comment, d'ici 2030, nous pourrons instaurer l'économie la plus inclusive, la plus durable et la plus compétitive du monde ». Elle a ajouté qu'en l'absence d'objectifs ambitieux et d'un plan, la complaisance s'installe à demeure, au détriment du pays.
« Les Canadiens sont portés à la complaisance. Mais peut-être moins à faire preuve d'ambition », laissait-elle entendre, pour signifier ainsi pourquoi il était important que la Coalition parcourt le pays et s'adresse aux jeunes Canadiens, puisqu'ils seront les plus touchés par les décisions qui se prennent aujourd'hui. « Nous avons besoin d'un plan de croissance économique. Et nous devons l'exécuter, en gardant bien à l'esprit ce dernier mot : exécuter. »
Mme Pierce a déclaré qu'en prenant connaissance du travail de la Coalition, elle a été impressionnée et a voulu s'impliquer. « Pourquoi? Parce que la Coalition se concentre sur des enjeux qui, à mon avis, devrait vous préoccuper tous, chacun d'entre vous, en tant que bons citoyens, » a-t-elle déclaré aux étudiants.
« Pour un essor des entreprises et un développement économique réussis, nous devons vraiment nous assurer de ne pas perdre de vue l'essentiel et d'appliquer de bonnes politiques publiques. À quel point le Canada est-il concurrentiel? La croissance est-elle réellement inclusive? Notre société fait-elle bonne route vers la prospérité? Voilà autant de questions auxquelles nous devons répondre ».
Mme Raitt a abondé dans le même sens. « Nous sommes agnostiques quant aux moyens d'action des pouvoirs publics pour parvenir à la croissance économique. Il ne suffit pas d'étudier, il faut mesurer, » a déclaré Mme Raitt. « L'objectif est de mesurer où nous en sommes, comme pays, en matière de croissance économique. Mais la croissance économique ne peut pas se contenter d'être à l'image d'antan. Elle doit être inclusive, et elle doit être durable. »