Sensation d'un manque d'[e]ncrage.

D'un réseau social à l'autre, je zappe, scroll, clic sur des liens dont les sujets m'indiffèrent, lis jargon pro' et anglicismes que j'exècre mais que j'utilise aussi.

J'ai la nausée de ce que j'ingurgite, insatiable, comme une drogue. J'avale et oublie aussitôt : contenus, sources, signatures, arguments... Et aussi de remarquer que souvent il n'y en a pas...

Et puis je prends conscience de la perte de la mémoire liée à l'abandon de l'impression.

J'ai besoin de retrouver le support, l'autre, celui qu'on prenait dans ses mains, qu'on récupérait dans l'entrée pour le savourer dans le bus. Celui qu'on pouvait annoter, glisser sous le bras pour l'emporter au troquet, l'emprunter et le prêter en échange d'un sourire.

Envie de retrouver les textes sur papier qui aidaient mon cerveau à imprimer aussi. Faim de ces articles découpés pour penser à les relire plus tard, des pages que l'on ré-ouvrait pour retrouver les détails précis. Soif des yeux au dessus de l'épaule qui profitaient de la lecture; des échanges qui en découlaient.

Ainsi les idées se frottaient, la réflexion avançait, la pensée s'élevait.

Selon l'envie de se conforter ou celle d'échanger des réflexions, on choisissait un titre ou l'autre. On choisissait bien plus que cela...

Aujourd'hui j''ai réussi aussi à me concentrer assez pour lire un livre oh combien passionnant. Un texte riche d'intelligence, de compréhension de l'humain. Qui invite à réfléchir. Bien écrit. Bien traduit. Un livre que j'aurais lu d'une traite il y a moins de 10 ans. Avant que je ne dresse mon cerveau au zapping permanent.

Je crois qu'il est l'heure de retrouver l'encre et les phrases aux mots justes qu'on veillait à bien écrire. Parce que chaque mot a un sens et que sur les pages, il s'ancrait.

Tout n'était pas mieux avant et le net est un bel outil. Mais pour ce qui est des mots qui restent, de la réflexion, de la concentration et de la mémoire, il n'est pas le plus adapté. Je n'ai plus de dictionnaire depuis qu'on m'a "offert l'infini" au bout du doigt. De pouce levé en smiley, mon vocabulaire s'est beaucoup appauvri.

Rien de très nouveau mais cet après midi, je l'ai retouché du doigt.