S’expliquer (ou pas) quand les actionnaires contestent : les sociétés aussi ont besoin de montrer qu’elles écoutent
Cette année 2018 a marqué un tournant dans le dialogue actionnarial : ne se sentant pas assez écoutés, les investisseurs institutionnels ont contesté un plus grand nombre de propositions des entreprises. Un scenario qui rappelle la situation politique française actuelle, et qui se joue pourtant avec des acteurs pour la plupart non domestiques.
Le sentiment de n’être pas assez écouté serait-il le syndrôme 2018 ? En 2018, les investisseurs insatisfaits n’ont pas hésité à mobiliser l’opinion publique. La presse financière a très souvent publié, deux ou trois jours avant l’AG, les recommandations de vote négatif d’ISS et Proxinvest, par exemple, alors qu’elles sont sensées être confidentielles. Les ministres ont été mobilisés, dans des cas comme Carrefour, obligeant M. Georges Plassat à renoncer à son indemnité de non-concurrence, votée par les actionnaires présents au Conseil et rejetée par la grande majorité du flottant.
Les investisseurs institutionnels ont aussi voté contre les administrateurs. Une habitude dans le monde anglo-saxon, une première en France. Sans établir de lien direct de cause à effet entre le manque d’écoute de leurs critiques en 2017 et leur refus de renouveler certains mandats d’administrateurs cette année, ils ont été plus sévères, sur les questions d’indépendance, sur l’assiduité, sur le nombre de mandats de chaque candidat au renouvellement de son propre mandat. Il s’en est ensuit un rejet – une première -, et une vingtaine de candidats approuvés mais à de faibles majorités, qu’ils et elles ont vécu comme des camouflets, s'attendant aux plébiscites habituels.
Après l’instauration du Say-on-Pay, nous allons vers une logique à l’anglosaxonne, où les Conseils d’Administration, élus par les actionnaires, doivent rendre compte à ceux-ci, leurs électeurs, lorsqu’ils ne démontrent pas qu’ils sont à l’écoute.
Le Code de Gouvernance Afep-MEDEF, le Haut Comité de Gouvernance, l’AMF : tous les organes de place ont exprimé leur souhait de voir les sociétés s’expliquer devant leurs actionnaires en cas de vote inférieur à 80% d’approbation sur les sujets de rémunération. Il reste aux sociétés à mettre en œuvre cette recommandation ; les actionnaires ont démontré qu’ils étaient prêts à augmenter la pression et mettre en cause les administrateurs pour manque d’écoute.