The show must go on !
Bon, nous y voilà. En 2014, paraissait aux Éditions Intervalles et sous le pseudonyme de Gabriel Malika mon Roman Qatarina. J'y anticipais ce qui pourrait se passer pendant cette Coupe du Monde 2022 et ce qu'elle révélait de la région. C'est le moment où la réalité va rejoindre (ou pas) la fiction. Alors avançons quelques pronostics.
Panem et circenses. Vous connaissez cette expression latine ? Elle signifie littéralement « du pain et des jeux du cirque ». Voilà ce dont les peuples ont besoin depuis la nuit des temps. Et voilà pourquoi, malgré toutes les critiques, la Coupe du Monde au Qatar aura lieu. Il faut oublier la pandémie, la guerre en Ukraine et l’inflation. Alors la majorité d’entre nous va se scotcher à son écran, évacuer ses frustrations à chaque fois que Mbappé marquera un but. Nous en sommes là.
Are you familiar with the Latin phrase? It means “bread and circuses”. The one thing people have craved since time immemorial. The reason why, after all has been said and done, the World Cup in Qatar will happen despite the critics. It’s time we took our minds off the pandemic, the war in Ukraine and inflation. It's time for most of us to glue ourselves to our screens and forget about the daily grind every time Mbappé scores. It has come to this.
L’analogie avec l’époque romaine n’est pas si déplacée. Chacun des 8 stades est une arène où des hommes ont sué leur peine. Avec une grande différence : les gladiateurs du ballon rond ne perdront pas la vie devant leur public. Les travailleurs asiatiques ont payé un lourd tribut à leur place… pour que la fête continue.
Analogy with the Roman era is not far off the mark. Each one of 8 stadiums is an arena where men have worked themselves to the bones. With a major difference: football gladiators don't die in front of their audience. Asian workers have already paid the ultimate price for them... because the show must go on.
Voici trois scenarii possibles pour cette coupe du monde, du plus optimiste au plus pessimiste. J’espère que rien de grave n’arrivera. Si je n’ai cessé de critiquer et de dénoncer l’organisation de cette coupe du monde au Qatar depuis 2014, je ne suis pas cynique au point d’en souhaiter le naufrage complet. D’autant que beaucoup des Qataris avec qui j’ai travaillé sur mon roman sont des gens sensés qui, eux, ne voulaient pas de cette compétition.
Below are three possible scenarios for this World Cup, from the most optimistic to the most pessimistic. Hopefully, nothing bad happens. Even though I am a consistent and harsh critic of the World Cup in Qatar, I am not so cynical as to hope for a complete train wreck. Many of the Qataris I worked with for my novel are very fine people who want nothing to do with this competition.
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Scénario optimiste On découvre avec stupeur que la Coupe du Monde a été organisée dans un périmètre grand comme l’agglomération lyonnaise. Les structures hôtelières sont insuffisantes, la population locale timorée, la culture football inexistante et le tourisme sous-développé. Mais il y a de la bonne volonté. Personne ne peut nier les efforts du petit Émirat pour organiser une compétition trop grande pour lui. À défaut de clouer le Qatar au pilori, on se moque de lui, du service de sécurité désemparé devant un contingent de supportrices brésiliennes en bikini ou désarçonné par une horde de fans anglais transportés par la bière et la victoire. Pas de victimes, mais beaucoup d’embarras. Après des années de Covid, dans un contexte qui invite à oublier le quotidien, la compétition bat son plein. Les matchs étant de bonne qualité, on en oublie les bévues de l’organisation. Le Qatar ne sort pas grandi de l’évènement mais il a rempli son objectif : adoucir son image de producteur gazier arrogant. Et puis, déjouant les pronostics, les spectateurs ont visité le Moyen-Orient. Émirats-Arabes-Unis, Jordanie, Oman, toute la région en a profité. Dans un stade en liesse, Neymar, joueur phare du PSG de l’ère Qatarie, soulève la Coupe du Monde. Le Brésil qui gagne, ça met tout le monde d’accord.
Optimistic scenario Imagine the shock when people realize the World Cup takes place in an area the size of Greater Lyon. There aren't enough hotels, the locals are lukewarm, there is no passion for soccer and tourism is an afterthought. But there is good will aplenty. While it did bit more than it could chew, the small Emirate's great determination in hosting the competition is evident to all. Rather than nailing Qatar to the wall, people ridicule its clueless security services facing crowds of bikini-clad Brazilian supporters, or visibly confused by hordes of beer-soaked, victory-loving Brits. No victims there, but plenty of embarrassment. After the Covid years, in a context that calls for a break from the daily routine, the competition is in full swing. Matches are top notch and organizational blunders are swept under the rug. If the Word Cup did not elevate Qatar to new standards, it did serve its purpose: to mend the country’s image as a boastful oil producer. Plus, defying the odds, visitors toured the Middle East. United Arab Emirates, Jordan, Oman, everyone in the region benefited. Inside a stadium set ablaze, Neymar — PSG's star player in the Qatar era — lifts the World Cup high. Everyone’s on the same page when Brazil wins.
Scénario réaliste Rien à faire, le Qatar peine à camoufler son incompétence. La Grande-Bretagne et les USA, qui avaient vertement critiquer l’attribution de la coupe du monde au Qatar, s’en donnent à cœur joie par médias interposés. Le moindre faux pas est analysé, critiqué, dénoncé. Pour les organisateurs, c’est un calvaire. Et comme l’Angleterre est éliminée très tôt dans la compétition, les tabloïds se déchaînent. Il faut dire qu’ils ont du grain à moudre. On déplore des viols, des violences et des abus. Le plus grave s’est produit sur la corniche de Doha quand des milliers de supporters ont dévasté le bord de mer. Le service de sécurité a été débordé. Craignant les conséquences de son intervention, il a laissé faire. En réaction, la sécurité a été renforcée et le reste de la compétition s’est déroulé dans une atmosphère pesante. Les spectateurs se sont plaints d’être fliqués. L’ambiance s’en est ressentie et les joueurs ont été solidaires en taguant sur leurs maillots les slogans de la discorde. Les faits divers prennent le pas sur la compétition sportive. Quand Lionel Messi soulève le trophée, la planète foot pousse un soupir de soulagement : c’est fini.
Realistic scenario Qatar cannot possibly cover up so many shortcomings. Great Britain and the USA, both very critical of Qatar's successful World Cup bid, are having a field day in the media. The slightest misstep is scrutinized, criticized and exposed. For the organizers, it's a painful ordeal. Since England was eliminated very early in the competition, the tabloids are going wild. Needless to say, they have a lot to report on. Rape, violence and abuses abound. The most serious incident happened when thousands of supporters turned the Doha Corniche seafront into a shambles. Security services were overwhelmed. Fearing the consequences of intervention, they stood by and let it happen. As a response, security was beefed up, casting a heavy shadow over the rest of the competition. Spectators felt that they were being monitored. As the mood dampened, the players showed solidarity with protesters by spray-painting slogans on their shirts. Trivia took precedence over the sporting event. When Lionel Messi finally lifted the trophy, the soccer world breathed a sigh of relief: it was over.
Scénario pessimiste Les milliers de victimes des chantiers perturbent la compétition. Les équipes engagées rivalisent d’imagination pour exprimer leur indignation pendant les matchs. Les stations de métro étant trop éloignées des stades, les spectateurs sont astreints à de longues marches sous le soleil. Sur ce trajet, ils s’en passent de toutes les couleurs. Si les supporters des nations arabes engagées se tiennent à carreau, ceux de l’Europe provoquent des forces de l’ordre peu habituées à encadrer des foules aussi virulentes. Avant les huitièmes de finale, survient l’incident que tous redoutaient. Un jeune membre du personnel de sécurité, terrorisé par l’agressivité des supporters anglais, fait usage de son arme de service. Deux morts. À partir de là, le train déraille. On ne compte plus les échauffourées, les saccages. La FIFA songe même à arrêter la compétition mais avec l’aide des services spéciaux des pays occidentaux (un autre camouflet pour le Qatar), la compétition reprend. Comble de malheur, c’est l’Angleterre qui remporte la maudite coupe. Harry Kane mais aussi Jack Grealish, un joueur emblématique du club financé par le rival d’Abu Dhabi, soulèvent le trophée sous les sifflets. Dans tous les journaux on peut lire en titre : « plus jamais ça ».
Pessimistic scenario There’s no way around it: with thousands of deaths on building sites, the competition is disrupted. The teams are all vying to express their outrage during matches. Since the metro is so far from the stadiums, people have to endure the sun's scorching heat. As they walk for miles, they go through a lot of trouble. While Arab supporters keep a low profile, Europeans challenge a police force unaccustomed to dealing with rowdy crowds. Before the Round of 16, an incident dreaded by everyone occurred. A junior security staff, distraught by the aggressiveness of English fans, fired his service weapon. Two people died. The train went off the rails afterwards. It was an endless stream of scuffles and rampages. FIFA even considered calling off the competition, but with the help of Western special services it was able to resume — yet another slap in the face for Qatar. To make matters worse, England won the cursed cup. Harry Kane and his teammate Jack Grealish, an iconic player in the club financed by rival Abu Dhabi, lift the trophy up to boos and hisses. Every newspaper headline read: “Never again”.