Si à 39 ans tu n’as pas monté ta start-up, tu as raté ta vie de chercheur
La référence pourrait faire sourire, mais l’allusion va au-delà de l’âge de notre président. Elle renvoie à l’injonction, explicite depuis quelques années, d’appuyer notre croissance économique sur l’innovation, celle-ci trouvant notamment dans la recherche publique les idées qui feront les blockbusters et l’emploi de demain.
Je ne reviens pas sur le bien- ou le mal-fondé de ces représentations de la recherche, de l'enseignement supérieur et de l’innovation, et de cet appel insistant aux enseignants et chercheurs publics. Ayant accompagné nombre d'entre eux dans des projets de recherche ou de formation qu'il espéraient "innovants", c'est-à-dire relativement inédits et potentiellement rémunérateurs, je voudrais rappeler quelques distinctions fondamentales pour ceux d'entre eux qui souhaitent faire œuvre d’innovation… et pour ceux qui s’y refusent.
Besoin et marché
Ce n'est pas parce qu'il y a un besoin qu'il y a un marché. Il y a un marché quand quelqu'un peut payer pour satisfaire le besoin.
La confusion la plus dangereuse me semble être celle du besoin et du marché. Nous constatons tous les jours qu’il existe dans tel ou tel domaine, pour telle ou telle population, un besoin non couvert, qu’un produit ou un service pourrait satisfaire si on se donnait la peine de le proposer. C’est souvent de ce type de constat que partent les chercheurs ou les enseignants quand ils essaient de répondre à l’attente d’innovation qui pèse sur eux : s'il y a un besoin, c'est qu'il n'y a pas d'offre pour le satisfaire ; il suffit donc de créer une offre ; s'il n'y a pas d'offre à ce jour, c'est donc que la première sera nouvelle, c'est-à-dire innovante.
Or un besoin peut être aussi criant que possible, il ne garantit pas qu’il y a ou aura un marché. Un marché est un besoin pour lequel des personnes sont prêtes à payer pour qu’il soit satisfait. La différence est cruciale ! Des inventions (services ou produits) répondant parfaitement à un besoin pourront ne jamais devenir des innovations car elles ne rencontreront aucun marché, c’est-à-dire que personne ne paiera pour qu’elles satisfassent le besoin. Ce cas est fréquent, par exemple, dans les projets de formation vues comme innovantes, des universités et des écoles à destination des entreprises. Combien créées, combien sans client. Le besoin, pourtant constaté, n'a pas suffit.
Un autre cas, triste, est celui des médicaments dans des pays pauvres. Le besoin est évident, mais ni les malades, ni les pouvoirs publics concernés ne paieront pour (se) procurer ces médicaments. Il n’y a donc pas de marché. On peut le regretter, on peut travailler à en créer un, bien sûr, et ne surtout pas baisser les bras face au besoin, mais ne pas distinguer clairement besoin et marché conduit beaucoup d’initiatives entrepreneuriales dans l’impasse, par mauvaise compréhension du défi qui les attend. Bien souvent, il ne suffit pas de créer l'offre, il faut aussi créer la demande, qui n'est pas le besoin.
Marché et profit
Viser une mise sur le marché ne signifie pas viser de faire des profits
L’injonction à innover, ou à participer à l’effort d’innovation, ne doit pas être confondue avec la recherche du profit. Si l’innovation peut être définie comme la rencontre d’une invention et d’un marché (et non du seul besoin, encore une fois), avoir une visée de marché ne signifie pas avoir une visée de profit ! On peut avoir pour objectif de mettre sur le marché des médicaments sans souhaiter en tirer profit pour soi. Rappeler cette distinction est nécessaire car trop de chercheurs se refusent encore à penser innovation, par rejet du marché qu’ils assimilent à la recherche du profit. Leur éthique personnelle s’y oppose quelquefois. Mais viser une mise sur le marché peut simplement signifier : avoir pour objectif que les fruits de la recherche se transforment en un service ou produit qui sera demain disponible pour satisfaire une demande. L'enjeu est celui de l'impact final des recherches, et il n'implique pas de se transformer en entrepreneur et de créer sa start-up, quel que soit l'âge.
Rodolphe Gouin
PhD Science Politique
7 ansBeaucoup d'innovations en santé répondent à cette problématique de demandes non satisfaites ou mal couvertes, indépendamment de la question financière. La question du modèle économique, s'il n'est pas trouvé, peut-être un frein à la pérennité de ces innovations. Et c'est probablement là que le bât blesse. La pertinence des solutions inventées, et l’attractivité de la nouveauté permettent assez aisément de financer la création de projets innovants quand elles couvrent réellement une demande (appels à projets, mécénat), mais la question de faire vivre ces projets au delà des investissements initiaux est une vrai problématique. www.tsara-autisme.com www.oris-aquitaine.com
Partner
7 ansJe partage largement cette analyse. Cependant en ce qui concerne la recherche - ou non- du profit, cela reste une question délicate notamment en santé car le développement de thérapies notamment, nécessite des fonds importants qui bien sûr requièrent un retour sur investissement pour les financeurs (VC's) dans un contexte de prise de risque significatif. Il devient difficile d'imaginer une équation économique équilibrée (partage de valeur équitable entre système de santé et développeur/financeur). Le chercheur philanthropique pourra être déçus...et ce sont des questions qui vont de toute façon se poser avec acuité prochainement.
Médecin spécialiste MPR chez Clinique les Bleuets REIMS
7 ansPour créer un marché il faut un besoin Pour créer le besoin il faut... un bon service Marketing ! Cordialement
Médecin R&D
7 ansConcernant les sciences expérimentales, ce que fait un startupper n'est souvent pas très éloigné de ce que fait le chercheur: imaginer, tester ... Il y a aussi un coté horripilant quand on voit des seniors "taper l'incruste" au CNRS ou a l'INSERM alors que tant de jeunes post Doc se bousculent au portillon. Alors oui les chercheurs, il faut startupper ou se reconvertir dans autre chose vers 40 ans, car malheureusement rares sont les vieux chercheurs aussi créatifs quand ils prennent de l'âge. C'est particulièrement vrai pour les maths. Le drame de la recherche française, c'est l'emploi à vie dans la fonction publique. dans les pays anglo saxons, c'est "publish or perish" et il y a du renouvellement. Le chercheur payé sur fonds publics a une responsabilité sociétale, et une des meilleures manière pour lui de renvoyer l'ascenseur est de diffuser son savoir au profit de la société, par exemple dans la création d'entreprise. Sinon, vous pouvez aussi vous faire élire, comme Cédric Villani
Chief Executive Officer Boursine Pharma chez Boursine Pharma
7 ansTout vient à point dans la vie il n y a pas d age