Si la moitié des actifs se formaient en 2021 la formation serait ruinée en moins d'un mois
Selon un sondage BVA datant de novembre 2020 près d'un actif sur deux souhaiterait se former dans notre pays dès 2021.
Il faut se pencher sur ce chiffre et bien comprendre pourquoi notre système assurantiel de formation est aujourd'hui incapable d'accompagner les actifs de France
1971 : Loi Delors sur la formation, naissance du 1% formation
Tout comme pour le logement ou les œuvres d'art (pour les bâtiments publics) notre pays décida en 1971 de consacrer 1 % de la masse salariale à la formation (Jacques Delors souhaitait que ce 1% soit porté à 2 % ce qui ne fut jamais le cas).
2014 : Relance du 1% formation avec la loi "pour la liberté de choisir son avenir professionnel"
Alors que le pays avait en 2004 laborieusement augmenté son effort formation à 1,6 % de la masse salariale, le socialiste Michel Sapin réforma (sans la connaître) la formation en 2014 avec pour idée que
- Les dossiers formations, apprentissage et reconversion (des chômeurs) devaient être mélangés : les bénéficiaires, les dispositifs et surtout les budgets
- L'Etat allait baisser les charges formation des entreprises en réduisant à 1 % la cotisation pour la formation (le solde étant dédié à l'apprentissage)
- Que les dépenses formation des entreprises (leur centre de formation, leur service formation) ne seraient plus déductibles (imputables) de leurs cotisations formation
- Que l'Etat serait capable de gérer les formations hors entreprises via le Compte Personnel de Formation (nationalisation des compteurs puis de la réalisation et depuis 2019 du financement des CPF)
- Que pour contrebalancer la fin du DIF (une co-responsabilité avec l'employeur) et la baisse de la cotisation formation les entreprises (de plus de 50 salariés) auraient l'obligation de gérer les parcours professionnels de chacun de leurs salariés (3 entretiens pro + des formations ou promotion professionnelles) sous peine d'amende de 3000 €
2018 ! une nouvelle réforme de la formation qui renforce les travers de la précédente. Le nouveau pouvoir politique approfondit (aggrave) la réforme de 2014
- Les branches professionnelles perdent leurs banques pour la formation. Les OPCA et les FONGECIFS sont soit démantelés soit regroupés (mais les 700 branches professionnelles ne le sont toujours pas). Les OPCO ne sont plus que des répartiteurs de la "manne" gérée par France Compétence
- La formation est nationalisée avec France Compétence censée répartir les fonds de la formation vers les CPA, le CPF, les OPCO, les entreprises...
- Les organismes de formation (devenus OPAC) doivent s'aligner sur une certification qualité Qualiopi censées les guider vers la qualité (des process) suprême
- Tous les dispositifs de formation sont bouleversés ou disparaissent ou sont tellement remaniés qu'ils cessent de produire le moindre effet : Exit les périodes de pro (remplacée par une improbable et poussive pro-A), Exit le CIF (remplacé par un introuvable projet de transition pro), Exit le Plan de formation (remplacé par le "plan de développement des compétences"), Exit le CPF en heures de formation, celui-ci est exprimé en Euros (500 € TTC pour tous, comme l'introuvable chèque culture)
- Les entreprises de plus de 50 salariés perdent tous leurs budgets mutualisés (ainsi que leur conseil en formation qu'étaient les OPCA)
- Ces mêmes entreprises de plus de 50 salariés encourent depuis 2014 une amende de 3 000 € pour absence de gestion des parcours professionnels de leurs salariés (non-gestion que personne n'est capable de préciser six années après)
La crise de 2020 bouleverse tout l'univers professionnel avec une formation chavirée et parfaitement incapable d'accueillir des centaines de milliers (ou millions) de travailleurs défaits par la crise
Au cœur du premier confinement est diffusé dans le public un rapport d'inspection de l'IGAS/IGS qui explique que la réforme de 2018 n'était pas financée. Que ni le CPF monétisé ni l'apprentissage ne pourront supporter une montée en charge importante et qu'il faudra soit réduire les droits soit limiter drastiquement ne nombre de bénéficiaires.
Si la formation était généralisée à la moitié des actifs dès 2021 le CPF devrait disposer d'au moins 20 milliards
Si comme le déclarent les salariés la moitié d'entre eux (40 % estiment ne pas avoir de compétences suffisantes pour se maintenir en emploi) il faudrait que le seul Compte Personnel de formation accueille 1 million de stagiaire par mois (12 millions par an soit 1/3 des actifs).
Pour accueillir (et financer) la formation de 12 millions de stagiaires, avec un coût moyen de 2000 € TTC il faudrait trouver une vingtaine de milliards d'euros chaque année (car la formation n'est pas ponctuelle mais un effort durable).
En 2021 le Compte Personnel de Formation (CPF) disposera au mieux de 800 millions d'euros (baisse de la masse salariale en 2020 due à la crise et au chômage partiel). Sur ces 800 millions il faudra retrancher les 90 millions de frais de gestion de la Caisse des dépôts (10% environ du montant total) et 200 à 300 millions d'euros de permis de conduire.
Ne restera dans les comptes du CPF qu'environ 500 millions pour former 12 millions de personnes soit 40 € environ par "bénéficiaire" d'un CPF ou encore si l'on part de 2 000 € par personne de quoi former 250 000 salariés (1% d'entre eux)