Si votre résolution pour 2022 est d'enfin écrire un roman, voici ma méthode
Fulgurances.
Je rencontre de plus en plus souvent des personnes qui ont envie d'écrire mais ne savent pas par où commencer. Alors on échange. Beaucoup me demandent comment je m'y prends. Quels sont mes rituels, ma méthode ? Où je trouve le temps ? Je crois qu'il n'y a pas de règle, chacun doit trouver sa manière. Son flow.
Pour moi, tout part de ce que j'appelle des fulgurances. C'est une pulsion soudaine et irrépressible de coucher une idée sur mon clavier. Cela peut survenir à n'importe quel moment. C'est rare et précieux, alors j'arrête tout, je ne pense plus qu'à ça, et lorsque j'arrive chez moi je prends deux ou trois heures pour accoucher de cette envie sans chercher à savoir où elle va me mener. Le plus souvent, elle ne mène nulle part. C'est juste mauvais.
Le lendemain, je relis et je commence à reprendre ce que j'ai écrit si je trouve cela suffisamment intéressant. Mot par mot, ligne par ligne. J'ai la chance de travailler à mon rythme, d'être mon propre chef. J'ai peu de contraintes sinon celles d'une vie de famille avec des enfants en bas âge. J'aime le matin, le café, le canapé, et le silence. J'aime l'énergie de l'aube lorsque mon cerveau s'éveille et que la maison dort.
Il arrive que je finisse par avoir écrit un nombre de pages conséquent et que je sente que ce que j'ai produit prend de la consistance. Il s'en dégage une intention, mais de cela je suis seul juge. Personne n'a rien lu, ni n'est même au courant de ce que je fais. C'est une affaire d'intuition et surtout de plaisir. Écrire, c'est être seul. Marguerite Duras a à peu près tout dit sur le sujet.
Il est nécessaire de faire un plan pour m'y retrouver lorsque la matière devient trop abondante et que les idées viennent. J'élabore la structure d'un récit par blocs, voire par chapitres, en officialisant dans ma tête ce que je souhaite accomplir. Tout est sauvegardé dans un drive car j'ai la hantise de tout perdre. Souvent, j'ai écrit plusieurs fragments indépendants les uns des autres depuis plusieurs mois, voire des années et soudain certains liens évidents apparaissent qui les raccrochent les uns aux autres. Comme si le projet avait commencé à exister avant que je sois capable d'en formuler l'idée. Je découvre alors une sorte de corpus hétérogène à ma disposition que j'ai créé sans bien m’en rendre compte, et dont je peux me servir pour alimenter l'ossature de ce qui est en train de devenir un projet d'écriture.
Ce plan établi, mon document a pris la consistance d'un manuscrit en cours de création. C'est un texte à trou, avec un début et une fin que je dois encore écrire, mais dont la narration est à peu près établie. Je sais où je vais. Le véritable travail commence.
J'ai besoin de longues journées d'écriture. Moins de 3 heures, cela ne vaut pas la peine. 4 heures est un minimum, 6 heures est idéal. Toute mon attention est appelée par le texte et les recherches qui l'accompagnent. J'ai des absences lorsque je suis en famille. Cela me rend difficile à saisir, déconnecté du monde. Des bribes de phrases remontent à la surface à chaque instant du jour et de la nuit, la création génère un effet d'entrainement, le texte m'échappe et vit sa vie, c'est le meilleur moment.
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En une journée d'écriture, j'écris en moyenne une page, souvent moins, rarement plus. C'est peu. J'avance par petits pas, réécris sans cesse, souvent jusqu'à l'épuisement, jusqu'au moment où mon manuscrit est avancé aux trois quarts de ce qui je pense devrait être sa longueur finale. Il est temps de le laisser reposer.
Comme dans un marathon, le dernier effort est le plus difficile à fournir. Ma créativité est épuisée, je suis dans une impasse. Si je me force à aller au bout, ce sera du temps perdu. Je suis fatigué par mon récit, d'autres projets m'appellent. J'ai l'impression d'avoir déjà tout donné mais que cela ne suffit pas. Cela fait de longs mois que j'y consacre beaucoup trop de temps sans aucune perspective. Je me sens nul. J'aperçois la fin, mais la machine cale.
J'ai besoin de passer quelques mois loin de mon texte. Tôt ou tard l'envie de le redécouvrir et de m'y replonger reviendra. C'est toujours le cas. Un matin avec un café, je commence par réécrire de larges paragraphes parce que trop de passages ne me plaisent plus. J'ai mûri mon projet en cessant d'y penser. Élaguer me permet de rétablir le contact avec un corps familier, et lorsque je me sens prêt, je mets le dernier coup de collier qui me conduit au point final. Durant cette période, j'écris le soir, la nuit, le jour. Dès que j'ai un instant. Parfois quinze minutes suffisent, le temps de modifier une phrase, changer un adjectif. Je suis connecté à mon texte.
Je passe tout au correcteur orthographique en soignant ma première mise en page, et un beau jour je tiens la version zéro de mon manuscrit entre les mains. C'est un moment précieux de pure autosatisfaction que je célèbre avec mon imprimante. Imprimer un texte, c'est le faire exister. Je relis enfin sur papier, corrige, efface, réécris, cherche les coquilles, puis recommence de nombreuses fois. Une dizaine de versions au moins sont nécessaires avant que j'ose enfin montrer ce travail à quelqu'un. Le plus souvent ce quelqu'un partage ma vie, mais ça c'est une autre histoire.
J'ai mis neuf mois pour écrire mon premier roman, trois ans pour le deuxième, dix ans pour me mettre à travailler sur l'idée du troisième.
Prenez votre temps. Et surtout faites-le pour vous.
Bonne chance !
Senior Director at FTI Consulting
2 ansMerci Marc-Arthur, interessante confidence et agreable a lire!
Formation & Médiation culturelle
2 ansMerci pour ce partage très instructif !