Siphonné
« Se dit d’un fou, d’un fada », mais aussi « Action de vider un réservoir à l’aide d’un siphon ». Deux faces d’une même pièce lancée sur le tapis vert des élections par Emmanuel Macron. Chapeau l’artiste !
Autant dire que depuis son investiture, le Président Macron a fait un sans faute. Sans parler du candidat Macron qui, déjouant tous les pronostics, a terminé course en tête au soir du premier tour des présidentielles. Certes, il a eu de la chance, mais la vie sourit parfois aux audacieux. Tant mieux pour lui !
J’écrivais sur mon blog en décembre dernier (ici)
Lors d’une conversation nocturne à Paris avec des membres de l’équipe Macron, alors ministre sur le départ, je leur avait dit que pour moi, ce serait JJSS ou Giscard. Le mur, faute de combattants, ou la victoire… Force est de constater que le mouvement En Marche prend de l’assurance, au grand dam des partis traditionnels, souvent engoncés dans leurs certitudes et leur monde au logiciel dépassé.
Mais l’affaire n’est pas encore faite (…) Macron sera-t-il le hérault (héros ?) de cette France ? Il y a encore du boulot… Mais méfions nous du 3e homme, l’histoire récente nous a appris qu’il peut parfois surprendre ! (…) J’ai relu il y a quelques jours la biographie de JJSS, puis Démocratie Française de VGE. Si les époques ne sont pas les mêmes, et les enjeux nationaux et sociétaux bien éloignés, nous étions en fait face au même dilemme : faire comme avant ou changer. Etre « conservateur » ou « progressiste », si tant est que l’on sorte de la simple étiquette pour avancer un projet de société.
A suivre donc, après la décomposition de notre système politique et idéologique, la recomposition est peut être… en marche !
A deux semaines du premier tour des législatives, le phénomène prend de l’ampleur. Pas un jour sans que je ne croise un nouveau marcheur, électeur de la droite et/ou du centre qui veuille « donner sa chance au Président ». Quitte à voter pour celui ou celle qu’il vouait aux gémonies quelques temps avant, ou pour celui ou celle qui en terme de renouvellement se pose là avec plus d’une dizaine d’année au compteur de sa vie politique. Pire, certains d’entre eux n’ont même jamais eu de vie professionnelle autre que la politique. Mais, « Il faut donner sa chance au Président ».
Les partis politiques traditionnels, avec leur offre d’un autre âge, leur absence de convictions ou de colonne vertébrale politique, on échoué aux portes du premier tour des présidentielles. Le calice devra être bu jusqu’à la lie, quitte à terminer siphonné !
C’est bien entendu injuste pour certains qui seront battus alors qu’ils n’ont pas démérité et que l’heureux élu a juste eu la chance d’apposer un logo En Marche. Mais c’est la démocratie… Injuste parfois (souvent).
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Bien entendu, le Président n’échappe pas aux boulettes puantes. L’affaire Ferrand (député PS sortant, candidat En Marche) en est une. « Dieu, préservez moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge » aurait écrit le grand Voltaire. Emmanuel Macron, en fin lettré, doit méditer cette phrase. A peine installé dans son fauteuil de Ministre, celui qui glosait en tribune sur la moralité de la classe politique se trouve rattrapé par « une affaire le concernant » comme on dit au commissariat du coin. Et elle semble prendre de l’ampleur (à lire ici sur BFM que les plus complotistes disaient à la solde de Macron)
Exit peut être Ferrand, en attendant la majorité qui sortira des urnes…
Le plus drôle dans tout ça, c’est que sous le marketing d’une offre nouvelle, les bonnes pratiques du passé sont encore bien présentes. Dans la gestion d’En Marche (il n’y a qu’à voir le process des investitures) comme dans ses pratiques managériales. Mais comme toute nouveauté, on ne voit que ce qui est mis en tête de gondole…
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Justement, et cela remonte de nombreuses circonscriptions, l’effet Macron-nouveauté-union nationale, semble siphonner surtout à droite. Mélenchon se contentant de se baisser pour prendre avec gourmandise les miettes du PS.
On s’oriente vers une majorité relative au pire, absolue vraisemblablement, pour les marcheurs. Décidément, le mot siphonné marche dans toutes ses acceptions !
Le groupe des « Constructifs », nom de baptême des députés pas encore élus issus de la droite et du centre qui accepteraient la main tendue d’Emmanuel Macron, semble s’organiser avec le Premier ministre Edouard Philippe et l’ex Premier ministre Jean-Pierre Raffarin à la manœuvre. Il y a fort à parier qu’au lendemain des législatives, le gouvernement accueille deux ou trois nouveaux ministres issus des LR ou de l’UDI, précipitant la scission des Républicains longtemps redoutée (depuis 2012). J’attends avec impatience comment, dans la ville de Gérard Collomb et dans la région de Laurent Wauquiez cette recomposition va s’ordonnancer…
Il faut dire qu’à force de se radicaliser, une partie de la droite a arrêté de parler à une large part de son électorat et de ses militants. Il ne restait qu’à leur sussurrer « les mots qui rendent heureux » (pour reprendre le titre d’un de mes précédents papiers parlant d’Emmanuel Macron).
Cette future assemblée risque fort de ressembler plus à une cour d’école un jour de rentrée scolaire en 6e qu’à une réunion de politiques madrés. Très vite, les « pros » prendront le dessus, les innombrables bizuths (60% de l’assemblée au bas mot) n’auront qu’à prendre leur mal en patience et apprendre les pratiques. Avec un peu de chance, des pépites vont émerger du marais, ringardisant encore un peu plus le monde d’avant.
En attendant, le plus jeune Président que la France s’est donné semble avoir réussi son pari météorologique. Pour les amateurs, un siphon est un tourbillon de vent qui remonte de la mer en forme de colonne aspirante !