Sobriété : agissons sans délai

Sobriété : agissons sans délai

A l’occasion des Universités d’Eté de l’Economie de Demain qui se tenaient le 30 août, j’ai pu m’exprimer sur la question de la sobriété, un sujet complexe et essentiel, en complément des deux tribunes successives que j’ai signées au début de cet été. La première tribune, co-signée avec les deux autres dirigeants des grands énergéticiens français, appelait les acteurs de l’économie française à diminuer dès cet été et autant que possible leur consommation d’énergie en prévision de l’hiver difficile que nous nous apprêtons à passer sur le plan énergétique. La seconde, qui rassemblait 83 entrepreneurs du Mouvement Impact France appelait à un sursaut de l’économie et de la société française pour ancrer durablement dans les comportements une consommation plus responsable afin de nous sevrer des énergies fossiles et d’atteindre le Net Zéro.

Pour une même cause, deux appels pour nous permettre de relever deux défis : le défi du réchauffement climatique bien entendu, mais aussi celui de la sortie de la dépendance aux fossiles et aux pays producteurs de ces énergies, aujourd’hui synonyme d’inflation importée.

Trop longtemps, le mot de « sobriété » a été l’apanage d’une pensée contestataire de la société consumériste construite sur une énergie abondante, et, s’agissant du charbon, du pétrole et du gaz, très largement responsable du dérèglement climatique. Trop souvent, la « sobriété » s’est vu opposée à une vision progressiste de la société qui affirme que la technologie est un terme indispensable de l’équation. Il est même arrivé que des militants antinucléaires invoquent la « sobriété » comme argument pour se passer de l’énergie nucléaire, pourtant décarbonée et pilotable.

La sobriété est donc polysémique mais c’est pourtant le terme que je reprends pour qualifier la nécessaire évolution des comportements individuels et collectifs visant à diminuer autant que possible nos consommations d’énergies.

Toutes les études prospectives et en premier lieu celles du GIEC et de l’AIE convergent sur le fait qu’atteindre la neutralité carbone en 2050 supposera bien entendu de décarboner les moyens de production d’électricité, en développant massivement les énergies renouvelables et en reconstruisant des capacités nucléaires, mais cet effort – déjà massif – ne sera pas suffisant s’il ne s’accompagne pas d’une baisse très importante de la demande en énergie. A titre d’illustration, dans son rapport « Futurs Energétiques 2050 » publié en 2021, RTE chiffre cette exigence de diminution à 45% d’ici à 2050. Un tel objectif ne pourra être atteint qu’en activant trois leviers :

  • Le levier de l’électrification des usages : substituer un usage fossile comme par exemple celui du déplacement en voiture thermique par un usage électrique. Grâce à de meilleurs rendements, cette substitution permet in fine de consommer moins d’énergie. C’est un levier très efficace puisqu’il pourrait permettre selon les études d’EDF de faire près de la moitié du chemin (de l’ordre de 45%) ;
  • Le levier de l’efficacité énergétique, grâce à l’amélioration technique des procédés ou des méthodes industriels. Chaque nouvelle machine acquise par un ménage ou une entreprise, par le jeu de l’innovation, présente un bilan énergétique meilleur que celui des machines de la génération précédente. De même, les constructions nouvelles ou rénovées disposeront de caractéristiques thermiques bien meilleures et verront leurs besoins énergétiques réduits. On estime que ce levier pourrait représenter jusqu’à 40% de la baisse attendue de la consommation.
  • Le levier de la sobriété qui permettra des économies d’énergie selon l’effort que la société est prête à consentir. En suivant notre raisonnement, elle doit absolument permettre de couvrir au moins les 15% restant d’économies d’énergie attendues.

Ces 15% d’économies obtenus grâce à des comportements plus sobres ne sont pas un simple complément aux deux autres voies plus « technologiques » de l’électrification et de l’efficacité énergétique. Bien au contraire, ils sont absolument essentiels au bouclage du Net Zéro. Plus l’effort de sobriété portera de fruits, moins le besoin de produire de l’électricité en grande quantité sera important. Or - et c’est un électricien qui l’écrit - produire de l’électricité, même décarbonée, même peu coûteuse, même sûre, n’est pas un jeu à somme nulle pour la planète. L’électricité décarbonée a aussi des impacts sur la planète, sur la biodiversité, avec la pression sur les matériaux rares, l’artificialisation des sols, l’enjeu de l’acceptabilité… Une voiture électrique, c’est certes 10 fois moins de carbone émis dans l’atmosphère que son équivalent thermique, mais c’est 4 fois plus de cuivre consommé. L’effort de sobriété est donc essentiel dans l’échelle de nos valeurs sociétales !

Ces efforts seront vains sans de bonnes politiques publiques, et doivent s’appliquer à toutes les sphères de l’économie, et engager toutes les strates de la société. Pour être juste, ils doivent embarquer chacun en fonction de ses moyens d’action. De ce point de vue, il n’est pas anormal que ceux qui émettent le plus, et qui ont le plus de potentiel de sobriété, contribuent davantage que les ménages plus modestes, souvent déjà sobres par nécessité. 

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Pour une entreprise de service public comme EDF, la sobriété passe par une incitation de nos clients à adopter des comportements différents. Nous accompagnons nos clients particuliers et professionnels dans la réduction de leur consommation.

A nos clients particuliers, nous proposons des offres de marché qui, grâce à une modification de leurs habitudes de consommation, leur permettent de réduire leur consommation d’électricité, mais aussi leur impact carbone et leur facture. A nos clients entreprises, nous proposons des offres d’effacement, les invitant là aussi à modifier leur manière de travailler pour produire au moment où l’énergie est non seulement moins coûteuse mais aussi moins polluante pour l’atmosphère, ainsi que des offres d’efficacité énergétique à performance garantie, domaine d’excellence de notre filiale Dalkia, leader français des réseaux de chaleur et de froid. 

Nous proposons d’accompagner tous ces acteurs dans l’adoption de nouveaux usages électriques en rénovant leurs logements (IZI by EDF) en les aidant à passer à la mobilité électrique (IZIVIA, IZI by EDF, DREEV). Nous avons d’ores et déjà équipé la France de près de 25 000 points de charge et voulons doubler ce chiffre dans les deux ans qui viennent. Parmi ces points de charge, de plus en plus sont dits « intelligents » au sens où ils permettent de restituer l’énergie de la batterie de la voiture au réseau lors des épisodes de tension, ce qui évite, de démarrer des moyens de production d’électricité à base d’énergie fossile.

Nous adaptons aussi notre offre et faisons pivoter certaines de nos filiales. C’est le cas par exemple de IZI Confort, spécialiste de l’installation et de l’entretien de chaudières à gaz. Dans la droite ligne de notre stratégie de décarbonation, IZI Confort a entamé un véritable virage stratégique en repositionnant son activité dans le domaine des pompes à chaleur.

On m’interroge souvent sur l’intérêt qu’une entreprise comme EDF peut retirer quand elle s’engage dans la promotion de la sobriété. Intuitivement, on pense qu’EDF ne peut qu’y perdre. Je pense exactement le contraire, car dans le monde qui vient, davantage électrifié, neutre en carbone, sans recours aux fossiles, il est impératif de contenir l’augmentation de la consommation d’électricité et de tenir compte de toutes les limites de la planète. Si une entreprise comme EDF appelle à la sobriété, c’est bien parce que, sur un marché en croissance comme celui de l’électricité, être une entreprise responsable impose de tenir compte de tous ces impacts. La pression des activités industrielles sur la biosphère, la gestion de l’eau, la pression foncière, l’épuisement des matériaux, la question de l’acceptabilité sociale des ouvrages… sont autant de raison de vouloir limiter les hausses de la consommation.

Cette attente d’une entreprise responsable est le fait de beaucoup de nos parties prenantes : de nos clients, de plus en plus sensibles à la cause environnementale, mais aussi et de plus en plus de nos propres salariés, toujours plus engagés et soucieux de garantir du sens à leur métier. Aujourd’hui, plus de 1000 salariés engagés dans un collectif spontané appelé « le Rhizome » nous incitent à penser à deux fois les implications de nos projets. Avec eux, ce sont les 167 000 salariés d’EDF qui fondent leur fierté au travail sur les décisions que prend l’entreprise. Ce sont aussi nos talents de demain qui attendent de leur futur employeur non pas qu’il fasse du mieux qu’il peut, ça n’est déjà plus suffisant pour cette génération, mais qu’il contribue à la réparation des dommages déjà causés.

Les événements climatiques, géopolitiques, industriels, de 2022 nous imposent d’accélérer nos réflexions et surtout nos actions en matière de sobriété. Une occasion remarquable de faire d’un mal un bien.

Joel Escoffier

Formateur Réseaux Électrique. (Mes publications n’engagent que moi)

2 ans

Je suis fier d'avoir travaillé pendant 30 dans cette belle entreprise EDF. EDF a été construite en 1946 à la sortie de la guerre pour faire grandir une France plus industrialisée. Cette entreprise a été construite pour servir la France et aussi les français. EDF a été bâti avec un idéal social à la française avec la periquation tarifaire et depuis 30ans les gouvernements successifs n'ont de cesse que de détruire ce qui marchait bien pour faire plaisir à nos amis d'outre Rhin.

Pascal Winter

Director of Test & Quality management at Wiley (Professional Learning)

2 ans

Cela fait depuis 40 ans que les sonnettes d'alarmes retentissent. C'est sur que ces deux nouvelles "tribunes" nous propulsent tellement vers l'avant.

françois WAECKEL

Directeur Délégué - EDF DPN UNIE - Direction Pilotage Technique Transverse

2 ans

👍

"Le levier de l’électrification des usages : substituer un usage fossile comme par exemple celui du déplacement en voiture thermique par un usage électrique." Quand on regarde le cycle complet de production jusqu'au recyclage d'un véhicule électrique, ce n'est pas mieux qu'un véhicule thermique. D'accord nous délocalisons notre pollution dans les pays producteurs donc elle sera moins visible pour nous mais le bilan n'est pas pour autant meilleur. C'est tout la chaine qu'il faut changer sinon on ne change rien.

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