Souvenirs d’enfance à la campagne, épisode 2 : les insectes

Souvenirs d’enfance à la campagne, épisode 2 : les insectes

Mon séjour à la campagne était l’occasion de découvrir le monde des insectes, comme ce jour où, cueillant des cerises, j’eu ma première piqûre d’abeille, tel un douloureux baptême. Je fus soulagée miraculeusement par un pétale de lys trempé dans l’alcool, enroulé autour de mon doigt, pansement naturel dont l’efficacité me fut instantanément démontrée !

Des fourmis contemplées longuement aux papillons nombreux butinant un arbre dit “à papillons” que nous avions planté, enfants avec mon grand-père, tout était prétexte à l’observation de la nature et de sa biodiversité. Des abeilles amassant tant de nectar récolté sur de minuscules fleurs de thym, qui chargées de leur paniers alourdis de pollen, n'arrivaient plus à repartir et restaient là, clouées au sol. De ma grand-mère demandant à chacun de la prévenir si une abeille était en mauvaise posture, risquant à tout moment, de se faire écraser. Arrivée sur le lieu, elle sortait un mouchoir en dentelles de sa blouse et avec une grâce et une délicatesse extrême prenait l’insecte par ses ailes, pour le déposer sur un promontoire cimenté, afin qu’il reprenne des forces avant de repartir.

Qui était cette femme solide dont mon regard d’enfant admirait la bravoure ? Ne se faisant jamais piquer et parlant aux abeilles elle devait être dotée, c’était certain, de dons aux pouvoirs extraordinaires !

De l’enfumage, des années plus tard d’un nid installé dans le conduit de la cheminée, et les pleurs de ma mère troublée par la vision des abeilles mortes mais aussi par la perte des  kilos de miel qui furent emmenés dans un seau par les pompiers ! De cette tristesse consécutive à l’hécatombe de toutes ces ouvrières saisies d’effroi qui s’envolaient de cette ruche de fortune, alourdies par le poids des nymphes qu’elles transportaient entre leur pattes, tentant avec l’énergie du désespoir une ultime manœuvre de sauvetage et de ces nombreux cadavres d’insectes finissant inexorablement par joncher le sol de la cour…

Mais l’insecte qui retenait mon attention au plus haut point était un coléoptère, originaire du Mexique, classé ravageur et surnommé familièrement “bouffe-patates”, autrement dit le doryphore ! J’aimais son allure à la démarche claudicante, ses élytres jaunes rayées de noir et sa tête surmontée de 2 antennes qui le faisait ressembler à un petit cerf ! Ses larves étaient d’un joli coloris orange-clémentine et dotées d’une double rangée de petits ronds noirs de tailles différentes placés latéralement. J’aimais soulever les feuilles qui abritaient ses minuscules œufs jaunes d’or, ajoutant de la couleur à cette végétation au ton uniforme.

L’insecte adulte passait nonchalamment des plants de pomme de terre vers ceux des tomates en traversant l’allée centrale, là où ma sœur et moi les attendions afin d'opérer un sauvetage de l’animal. Les malheureux, à toutes les étapes de leur développement, étaient promis à une fin terrible, ramassés à la main et jetés pour être noyés dans un liquide à base de détergent, dont le flacon était posé sur le même promontoire qui permettait le sauvetage des abeilles. 

De quelle nature terrible était cette justice pour la vie, arbitrée ici même ?

Ma grand-mère m’assurait que les doryphores ne souffraient pas mais à les voir perdre leur belle couleur et devenir transparent, le questionnement s’installait durablement dans mon esprit. Pourtant pas de pesticide dans cette maison là, la biodiversité s’épanouissait et les insectes prospéraient.

Certains maires, prennent actuellement des décisions courageuses pour des communes françaises sans pesticides. Grâce à ces initiatives nous verrons peut-être bientôt la biodiversité de ce microcosme reprendre des territoires.

Peux t-on caresser l’espoir qu’à nouveau chacun puisse, sans s’attrister sur la nostalgie d’un passé révolu, chanter Montand “puis on se roulait dans les champs, faisant naître un bouquet changeant, de sauterelles de papillons et de rainettes” ?

Puisse ce couplet ne plus jamais résonner avec “extinction discrète d’une nature inquiète que l’homme maltraite”, mais faisons le souhait qu’il rimera à nouveau avec “parfaite reconquête par les insectes de notre planète” ! 

Et pour vous, quelle serait la rime idéale pour nos insectes ?

Monique Paupardin

Carmen Atías

Médiatrice culturelle - Conférencière des chantiers pour le Grand Paris Express

5 ans

Monique merci pour ce texte que tu as écrit avec émotion et que tu as coloré avec des images vivantes , sonores et lumineuses venant tout droit de l'un de tes albums de l’étagère de tes souvenirs. Tu nous embarques à chaque fois..c'est agréable, frais et tu nous fais toujours réfléchir. Merci. Quand j'étais gosse je n'aimais pas les insectes. Ça piquait. Ça grouillait. Ça faisait peur. Quand j'en voyais je criais à poumons ouverts dans une folie mi-amusée mi terrifiée qui faisait sourire les parents. Aujourd’hui, je me rends compte à quel point je les aime, les respecte, les admire ! Tous ! M'est venu en tête ce court poème que te dédie. Il est de Paul Aréne. 1843-1896 Quelque chose me dit que tu vas l'aimer. " La Cigale" "L’air est si chaud que la cigale, La pauvre cigale frugale Qui se régale de chansons, Ne fait plus entendre les sons De sa chansonnette inégale ; Et, rêvant qu’elle agite encor Ses petits tambourins de fée, Sur l’écorce des pins,chauffée, Où pleure une résine d’or, Ivre de soleil,elle dort " .

Sylvie PAUPARDIN

Responsable WEB, PAO, projets transversaux chez France Stratégie / Services du Premier ministre

5 ans

Il est vrai que nos petites bébêtes disparaissent sans tambour ni trompette ! Pour ce qui est de la rime, ça y est je suis dans la compét. !

Corinne Bocher

Consultante chez Corinne Bocher

5 ans

Insecte rime avec architecte ! car sans eux, c'est comme si le monde s'ecroulait... Merci Monique !

Sophie Pouit

Infographiste photo / video / Montage

5 ans

Amie des bêtes, quelle belle conteuse !

Rémi Gasnier

Lead Développeur front-end / Formateur au métiers du Web. (En recherche active).

5 ans

On dirait presque du Pagnol Monique ;)

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