Spirales matinales

Spirales matinales

Je suis sujet au vertige. Celui des hauteurs, ce que j’explique par le fait que je suis déjà suffisamment grand pour tomber de haut et qu’il est inutile d’en rajouter. Mais la sensation que j’ai ressentie ce week-end au petit déjeuner n’avait rien à voir avec la peur du vide. Il s’agissait d’un étourdissement purement intellectuel. Ce moment où vous vous demandez si par quelques improbables sortilèges, vous ne vous seriez pas égarés dans une dimension parallèle. Or donc, samedi j’ouvre le magazine AutoHebdo qui m’accompagne depuis l’adolescence pour le déguster en même temps que mes tartines. La seule chose qui a changé au fil des décennies est le menu de ce repas dont le rétrécissement est inversement proportionnel au poids des années. Tout le contraire de mon rituel de lecture de ce journal auquel je reste pieusement fidèle. J’en déguste le contenu dans un ordre aussi immuable qu’inexplicable. Mais voilà qu’à ma grande surprise, je découvre qu’il manque quelques pages au milieu du canard. "Impossible" me dis-je, je les ai vues lors de mon premier feuilletage, mercredi après l’avoir acheté, première étape obligatoire de mon parcours de lecture. Le trouble ci-dessus évoqué me saisit après avoir envisagé toutes les explications possibles. Des plus rationnelles aux plus folles. Jusqu’à ce que, m’ouvrant de ce mystère à ma femme, elle se souvienne que j’avais rangé ce numéro dans un endroit inhabituel et que, pensant qu’il s’agissait d’une ancienne édition, elle en avait arraché le cahier central pour éplucher les pommes de terre. La beauté de notre couple, c’est qu’après plusieurs décennies de vie commune, non seulement nous nous surprenons toujours mais nous en rions encore. Mais la morale de cette histoire n’est pas - seulement - celle-ci. Revenu dans la normalité, je décide de racheter la version numérique du magazine. Et je plonge dans une nouvelle spirale matinale tout aussi étourdissante. La plateforme de l’éditeur s’enquiert de mon mot de passe avant de me faire remarquer que la carte de paiement enregistrée n’est plus valable. Je me tourne donc vers PayPal qui exige un sésame, m’envoie un code de vérification et me redemande l’identifiant de mon moyen de paiement. Démarche qui incite ma banque à s’inquiéter du fait que j’en suis bien à l’origine et à le prouver en tapant mon code secret. Pour 3,99 €. En lisant enfin l’article retrouvé, je me suis demandé comment j’aurais fait il y a vingt ans. Retourner au kiosque ? Ou fouiller la poubelle.

Gilles Mourette

Financial Sector Executive & Certified Board Director

2 mois

… ou descendre au 4eme

Trop mignon quelque part 😂

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