Stress et performance
De très nombreuses études ont été faites depuis une vingtaine d’années sur les liens entre stress et performance. L’expérience montre que stress et performance sont liés. La courbe de Yerbes et Dodson illustre que dans un premier temps, et s’il est modéré, le stress permet de faire croître la performance jusqu’à un niveau optimal, où l’on se sent dynamisé, concentré, avec l’impression de faire les choses avec plus de facilité. Mais si le stress se prolonge, la performance chute et amène fatigue, puis épuisement, avec des effets sur la santé, avant que l’on arrive au burn-out.
Or dans un monde entrepreneurial de plus en plus complexe et imprévisible, où le changement est permanent, l’hyper-concurrence reine et où le management par objectif place les individus dans une nécessité d’améliorer leur performance, le haut niveau de stress structurel est partout présent. Des études ont clairement montré qu’il coûte des milliards d’euros chaque année aux entreprises, via la baisse de productivité, la perte d’engagement, le turn-over et l’absentéisme.
En réponse à cette situation, de nombreuses sociétés multiplient formations de gestion du temps, de gestion du stress et d’esprit d’équipe, et certaines travaillent à construire des environnements ergonomiques, proposant des services pour faciliter la vie des employés. Les précurseurs en la matières sont les start-ups de Californie: les salles de réunion d’Airbnb reproduisent à l’identique les appartements les plus demandés sur le site dans un décor fait de canapés fauves et de bois naturel, et la cafétéria propose gratuitement trois repas bios par jour ; chez d’autres on propose une conciergerie, un salon de coiffure, une crèche, un commerce, et même parfois une clinique médicale ou un cabinet dentaire chez Genentech, racheté par Roche ; chez Facebook on offre repas et navettes entre le domicile et le travail gratuits, ainsi que des piscines, des coins fléchettes et des jeux vidéo. Les exemples sont nombreux. Pourquoi tant de frais ? Si la rétention des salariés est une raison, la gestion du stress en est une autre.
Mais ce qui différencie le plus ces sociétés des entreprises plus traditionnelles, c’est que beaucoup d’entre elles voient l’environnement de travail comme un écosystème, de par leur activité qui se fait en réseau, et leur culture les focalise résolument vers le futur qui détermine le présent, là où une entreprise plus traditionnelle recherche à comprendre le présent en analysant le passé. En gros ces entreprises pratiquent la systémique au quotidien à la fois pour leur business et pour la gestion de leurs employés.
La systémique est un mot à la mode, et on en parle beaucoup mais elle est encore très peu employée en entreprise dans le domaine du management des ressources humaines. L’approche la plus courante est analytique. On analyse les causes du stress. Si l’analytique est indispensable, la systémique la complète et devient incontournable dans la complexité et l’incertitude que nous connaissons aujourd’hui, avec le haut niveau de stress que ces deux paramètres génèrent. Car la systémique sait appréhender complexité et incertitude. Voici quelques points qui différencient la pensée analytique de celle s’appuyant sur la systémique, points présentés par Joël de Rosnay dans le macroscope. L’approche analytique, celle que nous utilisons tous les jours, considère un problème comme constitué d’éléments que l’on isole pour les analyser ; elle analyse la nature des interactions, s’appuie sur la précision des détails, modifie une variable à la fois, développe des modèles précis mais parfois moyennement utilisables dans l’action (ce qui explique par exemple les échecs humains de nombre d’intégrations post-fusions, la résistance des équipes aux modèles de changement et la lenteur de certains projets de transformation), propose une approche efficace quand les interactions sont linéaires et faibles mais n’est pas suffisante quand les interactions sont fortes et nombreuses, ce qui est le cas aujourd’hui. L’approche systémique quant à elle, considère un problème comme fait d’interactions entre les éléments et n’analyse pas les éléments eux-mêmes, considère les effets des interactions et non pas leur nature, s’appuie sur la perception globale et non sur les détails, modifie des groupes de variables simultanément et non pas une à la fois, développe des modèles insuffisamment rigoureux pour servir de base aux connaissances, mais vite utilisables dans la décision et dans l’action, propose une approche efficace quand les interactions sont non linéaires et fortes ( ce qui correspond à la réalité complexe du monde où l’on travaille). J’ajouterais à cela que la systémique permet de détecter des signaux faibles ainsi que des facteurs émergents invisibles à l’analyse. Et qu’elle considère une interaction comme un cycle de va-et-vient où quand A agit sur B, B agit sur A en feedback, ce qui crée une boucle répétitive. Ainsi on n’analyse pas A et B comme éléments séparés, mais la boucle d’interactions qui s’est construite entre eux.
Revenons au problème du stress en entreprise. Et prenons Jean-Pierre, Directeur de projet dans un objectif de transformation de l’organisation. Il vit la conséquence du système où il vit comme oppressant. Il intériorise la complexité de l’entreprise et de l’objectif qu’il a à atteindre. Il est compétent, a un bon relationnel, mais il stresse. Trop de pression pour lui, on atteint la partie descendante de la courbe de Yerbes et Dodson qui observe que trop de stress nuit à la performance.
Si l’on prend Jean-Pierre séparément, pour résoudre son stress, qu’on le forme et qu’on lui offre un bon cadre de travail, cela est nécessaire mais pas suffisant. En effet celui-ci n’est pas un élément isolé au sein de l’entreprise. Il est en interaction avec plusieurs systèmes, son équipe, les différents interlocuteurs qui lui donnent de l’information, plusieurs services, les clients, l’environnement concurrentiel. Cette complexité fait que l’on ne peut envisager la résolution de son stress sous forme linéaire et séparée, et qu’une étape systémique est nécessaire. Ce qu’il faut changer c’est la qualité des interactions que Jean-Pierre a avec ces systèmes en adaptant de manière globale la perception mentale et émotionnelle que Jean-Pierre pose dans ces interactions, et certains paramètres clés apparents ou cachés de ces interactions.
Pour ce faire, un coaching systémique préalable est nécessaire. Dans ce processus Jean-Pierre se pose en position méta par rapport à son stress et des facteurs cachés dont il n’a pas conscience peuvent être révélés. Ce coaching mettra en lumière les processus clés qui génèrent le stress, tant sur le plan mental qu’émotionnel, et un travail personnalisé des corrections à mettre en œuvre pourra immédiatement commencer, avec profondeur et efficacité opérationnelle. Le même travail peut être fait pour une équipe afin de renforcer la qualité relationnelle, accroître la performance et mieux répondre au changement. À ce coaching systémique peut ensuite succéder un coaching non systémique qui s’appuiera sur les informations révélées précédemment.
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Ainsi le stress appréhendé sous toutes ses facettes, même les plus cachées, pourra fortement diminuer, pour atteindre un niveau optimal qui mènera des individus ou des équipes à améliorer leur qualité relationnelle ainsi que leur performance, et à répondre au changement de manière beaucoup plus fluide.
Ce travail de systémique humaine est fortement recommandé lors des projets de transformation, de fusions acquisitions et de restructuration.
Merci Catherine pour cet éclairage détaillé sur les causes du stress en entreprise. J'apprécie particulièrement ton angle systémique et ton expérience à travers l'histoire de Jean-Pierre. Le stress c'est souvent le nom de code de la peur. Mais en entreprise ça ne se dit pas comme ça. Face à la complexité (systémique et constructiviste) nous avons peur ... peur de ne pas être à la hauteur, peur de ne pas être aimé pour ce que nous sommes, peur de devoir faire des choix dont nous ignorons les conséquences et enfin peur que tout cela n'est pas de sens. Face à ce défis de plus en plus lourd, les entreprises hésitent entre développer des assistantes sociales (les coachs de vie) et /ou lancer des programmes "happyness" qui souvent cachent les vrais problèmes : La France à 10 ans de retard sur le reste du monde industriel dans la reconnaissance des émotions dans la vie de l'entreprise. Chez nous, les émotions restent au porte-manteau.