Suzie Henri : naissance d'une égérie

Depuis fin août, ma vie a pris une toute autre tournure. J'étais sur la côte, loin de Bordeaux, ma ville de résidence. Je terminais un petit boulot. Les jours se succédaient, sans susciter mon intérêt. Vous devez déjà avoir ressenti ça : ce sentiment d'avancer en pilote automatique. D'être inutile à soi-même, mais utile aux autres. Un soir, je rentrais. Ma chambre n'était pas à mon goût. Je me sentais loin de tout. Je me raccrochais à l'air qui était doux, à cette lumière tamisée dérapant vers l'automne. Là me paraissait se tapir l'amitié. Là, quelque part, dans cette caresse que vous adresse quelques fois la nature ou un instant inattendu.

J'étais dans cet état, proche d'une belle mélancolie, lorsque je consultai mes mails. Je lus alors la nouvelle. Un éditeur se proposait de publier mon livre. Le mail était signé du nom du directeur accolé au nom de sa maison d'éditions, Le temps d'un roman. Trois ans s'étaient écoulés depuis le début de mes démarches. J'étais enfin arrivée.

Faire rêver

"Libres et prisonniers, c'est le nom de votre livre ? Ah oui. Et vous l'avez signé comment ? Suzie Henri ? Suzie avec un Y ou un I ? Et Henri ?" Commencent alors pour moi le temps des échanges. Le monde s'étonne de mon pseudonyme. Je réponds, tantôt sur le ton de l'inexplicable : "ça m'est venu comme ça", ou tantôt sur le ton de l'humour : "Je venais de descendre une bouteille de Suze et je pensais à ce cher Henri VIII." Les versions ont beau différer, je sais exactement ce que je veux en jouant avec mon double : faire rêver.

"Et vous avez besoin d'être une autre pour ça ?" questionne une voix dans l'assistance. Une autre ? Mais je ne le suis pas. Je me crée. Je n'ai pas choisi d'être Chloé Maze. En revanche, j'ai choisi d'écrire. J'aime la littérature. Je me passionne pour l'Art. J'ai de l'inspiration, des idées. Tout ça en dit beaucoup plus sur moi que mon état civil. Les gens me connaissent en tant qu'étudiante ou vendeuse. Ce n'est pas de ça dont j'ai envie. Il y a une part d'échecs dans Chloé Maze : des études de journalisme qui l'ont détournée du journalisme, une licence de russe sur fond de guerre en Ukraine, rien de bien glamour pour une âme d'artiste.

Il y a un style Suzie Henri, et vous n'allez pas tarder à le reconnaître.

Alors que Suzie Henri… Suzie Henri, c'est cette jeune femme que vous voyez partout. Qui pose avec du rouge à lèvres dans des décors magnifiques. Qui cite du Françoise Sagan en exemple. Qui prône une culture classique. Qui partage son raffinement et souhaite devenir une égérie littéraire. Sa démarche est on ne peut plus claire : séduire ses lecteurs. Elle dispose de plusieurs armes pour cela : sa plume et son style. Comprendre le mot "style" dans toutes ses acceptations. Il y a un style Suzie Henri, et vous n'allez pas tarder à le reconnaître.