Taux d'attention sur Internet : nous sommes tous des poissons rouges !

L’internaute moyen aurait un taux d’attention de 8 secondes. Nageant dans le bocal qu’est Internet, aurait-il moins de concentration qu’un carassius auratus, appelé communément « poisson rouge » ? Mémorisation de l’écrit, marquage de la pensée, les spécialistes du contenu s’arrachent les cheveux pour qu’on aille enfin jusqu’en bas de la page. Plongée en eaux profondes.

Recul de l’attention : pêcher l’internaute

Savoir happer le lecteur, c’est le but ultime. Que parmi les milliers de pages web parcourues, il se souvienne du nom d’un site, d’une marque ou d’un blog, mieux, qu’il l’ait mis en favori ! Articles, landing pages, les astuces ne manquent pas pour attirer l’internaute lambda.

Voici donc l’état des lieux : le géant Google fait toujours tout pour plus de rapidité car les pages se chargent en moins d’une seconde. Un visiteur lit en moyenne 2 phrases d’un texte avant de savoir s’il poursuit la lecture et il sait dans les quelques secondes qui suivent le chargement d’un site s’il va y rester ou non. Alors, ce « visiteur » devrait plutôt s’appeler « le survoleur », non ? A quand date la dernière vidéo de plus de 2 minutes que vous avez pu regarder sans accélérer ? Sans aller à la fin ou lire les commentaires, le résumé ou aller sur une autre page ? Comme le syndrome de la télécommande pour l’ancien média –la télé– nous développons celui du clic intempestif. La pratique de l’entonnoir dans le journalisme classique s’applique désormais de façon plus radicale au journalisme web : allons droit au but, directement à l’essentiel, sinon gare au taux de rebond ! En effet, l’outil Google Analytics permet de traquer le comment, le quand, le où : nombres, durées des visites… Mais pas vraiment le pourquoi.

Alors, à qui la faute de notre attention déficiente ? A Google, aux smartphones, à la 4G. A ce monde entier qui se trouve dans notre poche. Connectés 24h/24h et 7 jours sur 7, nous avons un accès illimité à n’importe quelle information : il s’agit d’une avancée révolutionnaire qui a changé nos vies. Facilité, mobilité, adaptation, nombreux sont les avantages qui accompagnent cette innovation technologique. Il y a cependant un prix à payer : notre concentration.

Mémoire sélective : le garder dans ses filets

Dans un document datant de mars 2013 nommé « L’enfant et les écrans » édité par l’Académie des Sciences, il est écrit qu’un usage trop exclusif du web peut créer une pensée « zapping » qui aurait les conséquences d’appauvrir la mémoire, et de réduire les capacités de synthèse. La faculté de réminiscence de l’internaute du futur serait potentiellement réduite. La multiplication et la diversité des stimuli du net sollicitent la mémoire « vive » au lieu d’appeler la mémoire à long-terme, le disque-dur. La « mémoire de travail » ou à court-terme, est beaucoup plus utilisée car elle permet de jouer avec plusieurs écrans connectés en même temps. L’instantanéité est un concept qui n’a jamais été aussi présent que dans l’ère 2.0. Cette culture numérique, c’est tout à la fois : l’impatience, le surnombre, la vitesse… l’inverse d’un bon roman, en somme. Car les livres incitent à la mémoire linéaire, évènementielle : il y a un début, un milieu, une fin. Sur Internet, l’information est toujours renouvelée à l’infini.

Un article de Slate titré « You Won’t Finish This Article » propose des données (graphiques, pourcentages) sur la lecture des articles par les internautes. Apparemment nous sommes attirés par les images et les vidéos : c’est bien connu, le multimédia est bien plus plaisant pour l’œil que de simples phrases mis bout à bout (!) Mais le plus étonnant, c’est que beaucoup d’écrits sont partagés… sans être lus. La trame principale scannée, les tweets pleuvent sans même que le texte ne soit lu en entier. Tricheurs que nous sommes…

Qualité du contenu : déguster bien frais

Est-ce alors le contenu à revoir ou la capacité d’attention de l’internaute ? Frustrés, victimes du FOMO (« Fear of Missing Out », ou « peur de tout manquer ») nous sommes obligés de l’admettre : celle-ci s’amenuise d’années en années. Environ moins de 30% des mots sont lus sur une page web moyenne, et 4% seulement des visites durent plus de 10 minutes ! Quelle serait alors la voie royale faire rester ce poisson rouge pressé ? Produire de la qualité. Le problème ne vient peut-être pas de notre capacité à être attentif, mais le manque d’intérêt de l’être… Si nous avions des contenus « primeur », notre attention grandirait ; se souvenir et apprécier parce qu’ils font sens, parce qu’ils nous marquent par leur excellence. To scroll or not to scroll, that is the content question ! Les soluces pour débloquer ce vilain obstacle du manque d’attention ? Diversifier, compresser, susciter (l’émotion, la réaction, la curiosité). Faire en sorte que le cliqueur s’arrête plus de 8 secondes pour apprendre quelque chose, s’indigner ou même rire. C’est varier les formats et les sujets, mais toujours de façon qualitative.

Pour utiliser une métaphore culinaire, sommes-nous des gloutons qui avalons de nombreux plats différents sans les déguster ? Faudrait-il devenir des gourmets du web ? Les points forts de cette culture des écrans se situent justement là où se trouvent les points faibles. L’interactivité et le jonglage des données encouragent l’adaptation et l’innovation ; cependant, elle favorise également la superficialité et la lassitude. La solution serait peut-être, comme tout bon régime alimentaire, de choisir les bons ingrédients. D’un côté les écrans avec des lectures de choix, de l’autre les livres, comme bouées de sauvetage de notre mémoire à long terme.

Si vous lisez cette phrase : Bravo ! Vous avez lu jusqu’à la fin. Par contre si vous avez triché en scannant la page… vous êtes comme tout le monde. Qualité insuffisante ou impatience notoire ? La mémoire flanche, mais l’avenir est radieux pour les rédacteurs ingénieux, surtout ceux qui sauront nager à contre-courant.

Loïc Lechelle 🌱

Explorateur en tout genre, créatif dans la finance et passionné d'innovation durable

5 ans

Bravo Francis, tu as mis le doigt sur le sujet qui m'anime le plus ! On en reparle quand tu veux !

J'aimerais bien que vous developpiez : Diversifier, compresser, susciter (l’émotion, la réaction, la curiosité)

christophe blanchard

Cloud Alliance manager chez Atos

10 ans

bravo , excellente analyse de ce que je ressens au quotidien

Sylvie Boulocher

Responsable Prescriptions "Produits architecturaux techniques"

10 ans

Tellement vrai ... Faut résister ! Article intéressant à lire jusqu'au bout...

Julien Cohen

Senior Digital Art Director, motion designer, illustrateur & roughman / Free lance. Artiste auteur.

10 ans

Tellement vrai, c'est fou quand même... en tout cas, je t'ai lu en entier ! Es-ce parceque je fais partie de ces irreductibles, ou es-ce parceque tu sais capter l'interet du lecteur? Maybe les 2; en tout cas, mission accomplie pour toi ! A três vite :)

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