Tribune de Maël Bernier - "Taux d’usure : pour cette fois c’est déjà trop tard !"
Il y a une dizaine de jours, les seuils de l’usure ont été relevés significativement, passant de 2,57% à 3,05% sur les prêts d’une durée de 20 ans et plus. Si comme beaucoup d’acteurs du secteur nous avons salué ce nouveau taux qui, rappelons-le, correspond à une application stricte de la formule légale et ne comporte aucun coup de pouce particulier, nous avons également indiqué que malheureusement cette hausse n'offrirait un effet bénéfique pour les projets immobiliers des Français que de très courte durée.
Un trimestre de retard
A l’époque, nous avions parié sur 3 semaines tout au plus, soit une fenêtre de tir très courte. Pourquoi ? Tout simplement parce que ce taux d’usure qui est fixé pour 3 mois ne se base pas sur les taux d’emprunt pratiqués à l'instant T mais sur ceux du trimestre précédent. Il est donc parfaitement corrélé (il faut le reconnaître) à la situation de cet été lorsqu’on pouvait encore proposer des financements inférieurs à 2%. Si cela avait été le taux d’usure à l’époque, il serait ainsi resté 105 points de base pour inclure les assurances, les garanties etc… Or cet été, nous devions composer avec un taux d’usure à 2,57% d’où les multiples alertes de l’ensemble des professionnels de l’immobilier face à un marché qui se bloque !
Les banques ont-elles le choix ?
Hélas, la hausse des taux proposés aux emprunteurs ne s’est pas arrêtée, loin s’en faut, et c’est bien là que ça coince : l’effet retard encore et toujours ! Parfois nous aimerions avoir tort mais force est de constater qu’en date du 12 octobre, la situation est à nouveau extrêmement compliquée. La faute aux banques qui remontent leurs barèmes et les taux qu’elles proposent aux particuliers ? Un peu facile...
En effet, la question est la suivante : les banques ont-elles le choix alors qu'elles doivent elles-mêmes faire face à des taux de refinancement qui augmentent fortement et rapidement ? Eh oui, les banques qui se refinançaient encore au mois d’août à des taux inférieurs à 1,50%, empruntent aujourd’hui sur les marchés à plus de 2,50%, elles doivent donc (au moins pour partie) répercuter la hausse qu’elles subissent sur les emprunteurs. Or aujourd’hui, la situation est simple : celles qui ont la chance d’avoir des dépôts importants et ont donc moins recours aux marchés financiers pour trouver des liquidités, peuvent encore proposer des taux légèrement inférieurs à 2,50% sur 20 ans, pour les autres, elles ont tout simplement arrêté de prêter ou affichent des barèmes autour de 2,80% (ce qui globalement revient au même). Elles n’ont pas le choix. Quel prêteur accepterait en effet de proposer un taux inférieur à celui auquel il emprunte ? L’offre bancaire se réduit donc considérablement depuis des mois et la situation se détériore de jours en jours.
En attendant le plateau des taux nominaux
La problématique est toujours la même, à savoir comment faire “rentrer” dans moins de 100 points de base d’écart avec le taux nominal du crédit, ne serait-ce que les assurances des emprunteurs ? C’est impossible. Dans un contexte de hausse rapide des taux d’intérêt comme on le vit depuis le début de l’année, tant que la formule des taux d’usure ne tiendra pas compte de la situation réelle des conditions d’emprunt en quasi-temps réel, les mois vont se suivre et se ressembler jusqu’au moment où les taux connaîtront un plateau et que ces seuils de l’usure auront enfin rattrapé ce retard, soit 3 mois après l'atteinte de ce plateau. Problème, nul ne peut dire quand cela sera le cas.
Pour rappel et pour conclure, il est toujours intéressant de regarder dans le rétroviseur. La dernière fois que le rendement des OAT 10 ans était égal à 2,50% c’était en 2012 et les taux d’emprunt des crédits aux particuliers sur 20 ans flirtaient alors avec les 4% et le taux d’usure était à 6,20% !
Rien à ajouter.
Chef d'entreprise, Ramos Couverture
2 anssoyons unis et exprimons-nous contre ces mises à mort programmées.