Technologies digitales : sécession et (r)évolution ?
Nous sommes 8 milliards d’être humains, constitués en millions de groupes et de sous-groupes (géographiques, géopolitiques, idéologiques, culturels, sociaux et il en existe 1000 autres que je ne peux citer ici), reliés entre eux avec une facilité jamais atteinte, faisant de leurs catalogues d’idéaux et de valeurs des objets transversaux universels, diffusés sur les multiples canaux numériques disponibles et boostés par des communautés d’adhésion. C’est incroyable, inédit et sans nul doute la cause sous-estimée d’une partie de ce qui nous échappe un peu toutes et tous en ce début de 21ème siècle.
Il y a à peine 30 ans, j’avais 20 ans et je m’informais sur TF1, F2, la Cinq (parce que c’était « fun ») et C+ (parce que c’était dingue), avec quelques compléments de presse écrite (hebdomadaires, quotidiens) et un début de veille technologique sur Internet, via un modem 56 KB. J’ai depuis appris à vivre avec un smartphone connecté à une trentaine d’applications, un ultra-portable et ses multiples connectiques devenus mon outil de travail à 95%, et pour Noël, j’aurais un ensemble d’IA spécialisées qui complèteront mon environnement digital, social et professionnel. Je suis informé et notifié de tout, tout le temps. C’est incroyable et inédit. Les révolutions numériques (le PC, internet, le Cloud, l’IA) nous structurent à une vitesse inégalée dans notre histoire. Le Professeur Guy Vallancien a fait de l’ouragan technologique qui nous entraîne le sujet de son dernier ouvrage « A la recherche du temps perçu » ; il y démontre la nécessité d’un retour à la lenteur, au calme, à une situation plus stable nécessaire à notre cerveau et à nos sens.
Les technologies numériques embarquent le monde comme l’a fait la révolution industrielle, mais trop vite, trop fort, en créant des fossés, des îlots, des frontières, en redivisant les groupes et les sous-groupes, et en propulsant avec des intensités équivalentes toutes les idées, tous les projets, toutes les revendications dans une matrice géopolitique structurée en silo, peu ouverte à la transversalité et aux universalismes. Les données, les plates-formes, les applications, les individus ont aboli les états, qui résistent avec force, et de nombreux sujets fédèrent mondialement : le climat, les droits humains mais aussi la propagande religieuse et idéologique.
La première rupture que le numérique va concrétiser est inhérente à son essence ! C’est la rupture avec lui-même, avec la « chose » mondialement interconnectée qui pilotera nos vies et nous offrira tous les services nécessaires à notre plein épanouissement. Cette rupture concernera 4 sous-groupes humains à multiples variables : ceux qui ne peuvent pas s’y intégrer, ceux qui ne veulent pas s’y intégrer, ceux qui acceptent d’y être modérément intégrés et ceux qui sont favorables au monde digital. Comme sur de nombreux sujets en ce début de 21ème siècle, le numérique va buter sur un principe : la cohabitation.
Il existe beaucoup d’êtres humains, aujourd’hui, qui sont d’accord pour vivre dans des ensembles technologiques complets, intégrant la sécurité, la culture, les loisirs, la citoyenneté, la justice, et où l’on s’identifie et s’authentifie avec notre visage ou notre voix, où les voitures autonomes transportent les individus en sécurité, où les vieillards interagissent avec des robots humanoïdes de compagnie, comme les enfants lors de leurs parcours scolaires, même s’il reste bien sûr dans cet avenir beaucoup d’humains aux bons endroits ! Ce monde a ses avantages et ses contraintes. J’ai la conviction que 80% des populations des pays développés vont souscrire à ce modèle, et en accepter les contraintes (la surveillance pro-active des environnements représentant le principal stress associé à ce modèle). Les autres vont lutter, perdre et devront s’isoler, peut-être dans des « ZAD » déconnectées. Cela ressemble à de la science-fiction ? C’est vrai, mais on en semble tellement proche !
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La seconde rupture promise par les technologies numériques, et en particulier par les intelligences artificielles de traductions simultanées, c’est la mondialisation des projets politiques et des utopies. La prochaine révolution populaire aura certainement une caractéristiques inédite : elle sera mondiale. La fameuse « convergence des luttes », espérée lors de chaque grand conflit national, va se faire, progressivement, tantôt à bas bruit, tantôt dans le fracas, supportée par les plates-formes sociales, les technologies de communication et l’abolition des barrières de langues. Il est aujourd’hui possible de réunir 10 millions de personnes, de 180 pays différents, pour un meeting digital en traduction simultanée. Les révolutionnaires d’hier ont su faire beaucoup avec de l’imprimerie et des réunions secrètes et souterraines éminemment dangereuses à organiser. Imaginons-les avec des fermes de serveurs connectés, des smartphones et des compétences en cyber.
Les grandes tensions, les crispations, sont aujourd’hui globales, et non plus « locales » : la préservation de la planète, la santé (dont la lutte contre les pandémies et le partage des innovations médicales), les droits humains, le désir de paix, les croyances religieuses et leurs grands déséquilibres, la relation à la consommation, les interconnections économiques, la maîtrise démographique… Plus grand-chose ne concerne pas grand monde ! Nous sommes imbriqués, les technologies et les plates-formes concourant à cet enchevêtrement ! Nous allons nécessairement accélérer l’unification de larges pans de nos modèles de gouvernance. Beaucoup s’engageront sur le projet d’une humanité connectée, interdépendante et donc coopérante, là où d’autres « couperont les fils », en maintenant les populations « hors connexion », mais seulement pour un temps.
RSI/RSSI du CH Aunay Bayeux
1 ansPassionnant, déroutant et tellement réel d'un futur inéluctable. Le retour à la lenteur et au calme, une pause pour faire un point mondial est impératif.
Président et Fondateur de l'APSSIS - Cybersécurité & Santé - IA & Santé - Conférencier - Chroniqueur - Animateur - Enseignant
1 ansGuy Vallancien Hélène Daspe Luc Ferry (Officiel) DSIH La Croix Le Quotidien du Médecin Le Monde Dr. Jacques Lucas