Termes de référence d’une étude de renforcement de capacités des services administratifs et des élus locaux, et gestion inclusive et participative.
Par Moussa NDIAYE,Juriste-Conseil d’Entreprise, Expert en Gouvernance Locale,Consultant a Lansar International Consulting , Dakar, Senegal.
La Gouvernance Locale s’est affirmée tout au long du siècle passé pour devenir de nos jours un espace de construction de la démocratie.La démocratie, à l’heure de l’Etat post-moderne, au-delà des grands principes universellement reconnus comme base des standards internationaux pour une vitalité des institutions politiques, au-delà des professions de foi des partis politiques, au-delà de la compétition des acteurs, reste soutenue par une situation concrète.Laquelle situation reste très marquée dans la gouvernance locale.Notre expérience de plus de 20 ans sur le terrain, à divers niveaux de responsabilité, doublée d’une posture de chercheur passionné sur la question, nous a poussés à réfléchir sur les modalités d’une opérationnalisation de la vie démocratique dans le contexte Sénégalais.Les présents termes de référence ont été élaborés dans ce sens pour être proposés aux différents partenaires.
1. Contexte et justifications :
La réforme dite de l’Acte III de la Décentralisation dont la clé de voûte est la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des Collectivités Territoriales, fait de la gouvernance inclusive et participative un critère de bonne gouvernance pour les exécutifs locaux.
Aussi, la question étant délicate dans sa mise en œuvre, car, exigeant une nécessaire conciliation entre le principe d’une démocratie représentative et la possibilité d’une participation citoyenne à la gestion des affaires publiques, les pouvoir de gestion et de décision conférés par la loi au maire ou au président du conseil départemental, qui, non seulement dans l’exercice de leurs attributions sont juges de l’opportunité[1], mais en plus disposent de pouvoirs discrétionnaires quant à la possibilité de tenir comptes des propositions des citoyens personnes physiques ou morales dans la formulation des politiques publiques locales[2].
Dans ces conditions les présents termes de références (TDR) sont axés autour la réflexion sur les conditions d’une mise en place efficiente d’un dispositif de gouvernance locale participative.
Ils s’articulent autour de deux composantes
-La mise en place de dispositifs de gestion participative et inclusive dans les Collectivités Territoriales.
- Un renforcement de capacités des services administratifs et des élus locaux.
-Composante I : La mise en place de dispositifs de gestion participative et inclusive dans les Collectivités Territoriales.
2. Contenu :
Il s’agira de réfléchir et de proposer des solutions permettant dans le respect de la loi, et sans pour autant déstabiliser ou affaiblir les institutions administratives locales, de mettre en place un cadre efficace d’expression d’une démocratie citoyenne, participative et inclusive.
3. Objectifs :
3.1. Objectif global.
Mettre en place une gestion inclusive et participative, dans le sens des dispositions de la loi.
3.2. Objectifs spécifiques
a) Légitimation des décisions En droit la légitimation consiste à conférer une conformité aux aspirations du plus grand nombre.Une telle chose certes à première vue semble difficilement vérifiable, parce que même si on peut disposer de statistique pour quantifier les populations, il semble impossible de sonder leur cœur pour se faire une idée de leurs aspirations.
C’est pourquoi, pour savoir qu’une décision est légitime, il faut déterminer si elle s’est faite d’abord en amont, selon un processus inclusif[3] (concertations préalable entre l’auteur de la décision et destinataires, possibilité prise en compte de propositions citoyennes etc.) en aval, pendant l’exécution de la décision, son niveau d’appropriation par les destinataires, ex : combien de citoyens, individuellement ou en groupe ont spontanément pris le parti de collaborer avec l’autorité dans la mise en œuvre de la décision etc…
b) Apaisement des rapports entre autorités et administrés
Les relations entre autorités et administrés au Sénégal restent marquées par des tensions.De part et d’autres nous assistons souvent a une volonté unilatérale d’imposer les décisions d’autorité qui rencontre un esprit de défiance la part des administrés. D'où la nécessité d’instaurer par le dialogue et la concertation des rapports apaisés.
- c) Lisibilité du contrat politique: En droit un contrat se définit par une relation en vertu de laquelle des parties peuvent exiger mutuellement une prestation ou une abstention.Depuis Hobbes, Rousseau et John Locke, il est courant en science et en philosophie politique d’entendre dire que la construction du pouvoir politique dans l’Etat moderne a été fondamentalement axée sur une idée de contrat, dont la déclinaison, unanimement admise comme une valeur de civilisation universelle, est le mandat politique dans une démocratie représentative.Seulement, aussi séduisante que soit cette théorie, du mandat politique, son effectivité et sa portée restent atténuées par la faible emprise que les citoyens qui sont les mandants, ont sur leurs dirigeants, c’est-à-dire leurs élus qui sont leurs mandataires durant le temps que dure le mandat. D’où la tendance actuelle prônant un contrôle citoyen.Ce contrôle inclut une participation. Et c’est toute la problématique de l’application de l’article 3 du Code General des Collectivités Territoriales[4]. Dès lors, la mise en œuvre d’une bonne gouvernance locale passe par une opérationalisation de cette idée de contrat politique. Cette opérationalisation va donner lieu à une contractualisation effective des rapports entre autorités locales et citoyens.
d) Mise à contribution de la ressource acteurs communautaires dans la formulation des politiques publiques locales. :Les citoyens organisés qui militent dans les Organisations Communautaires de Base (OCB) sont des relais importants de la mise en œuvre des politiques publiques. En effet, les OCB ont d’abord une fonction d’agrégation et systématisation des demandes des populations a la base.
Ensuite l’autorité aura une meilleure écoute des administrés.
4. Mission des consultants et méthodologie :
4.1. Mission des consultants et méthodologie :Les consultants auront pour missions de proposer à travers des sessions de formation et surtout des organes et mécanismes permettant en conformité avec l’esprit de la décentralisation de rendre effective la participation citoyenne à la gestion des affaires locales.Il y aura des espaces de discussions de différents formats, comme le forum, l’atelier de formation, de renforcement de capacités, de séances des organes délibérants…etc. Du point de vue validation et évaluation il y aura aussi bien des actes d’autorité et des documents conventionnels.
4.2. Résultats attendus de la composante I :
1. Détermination d’un cadre légal et administratif
2. Contractualisation effective des rapports entre autorités et populations
3. Mise en place de cadres de performance locaux assurant aussi bien une efficacité des dépenses publiques, que la cohésion au niveau local par le biais d’une gestion participative et inclusive.
Composante II : Renforcement de capacités des services administratifs et des élus locaux.
Le renforcement des capacités des services administratifs et des élus consiste à doter l’équipe technique et les élus d’outils leur permettant de remplir correctement leurs missions conformément au cadre légal et réglementaire gouvernant les collectivités territoriales.
La composante II comporte alors des modules de formation et ses résultats attendus seront exposés.
1. Les modules prévus
-Relations entre élus et services techniques
-Rédaction administrative
-Management de la Commande publique locale
-Comptabilité matière
- Gestion et prévention du contentieux du recouvrement
2. Résultats attendus de la composante II :
De ces différents modules :
-Il est attendu des services techniques des collectivités locales plus d’efficacité, de performance.
-Une meilleure écoute des élus.
- Une information optimale des populations et des élus gage de transparence.
Moussa NDIAYE,
Juriste-Conseil d’Entreprise, Expert en Gouvernance Locale,Consultant à Lansar International Consulting,
Notes:
[1] Et ceci en droite ligne de l’article 102 de la constitution sénégalaise qui pose le principe de la libre administration des collectivités territoriales.
[2] Article 3 de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des Collectivités locales.
[3] Éminents spécialistes de la doctrine du droit public, ont, dans l’étude de la nouvelle orientation dans la mutation de l’Etat théorisé la place croissante d’un espace de dialogue en démocratie entre le citoyen et l’autorité dans la production des décisions normatives cf J. Chevallier, L’Etat post-moderne, L.G.D.J., 2ème éd., 2004, p.106 aujourd’hui l’idée de « co-production » de la décision normative par l’autorité et les destinataires fait son chemin.
[4] L’article 3 du CGCT ne dispose en effet que les Collectivité locales « associent en partenariat, le cas échéant, à la réalisation des projets de développement économique, social et environnemental, les mouvements associatifs et les groupements à caractère communautaire dans le respect de l’équité de genre »