Tourisme : Un boulot ou une carrière ?
Un des grands challenges auquel fait face l’industrie touristique mauricienne est sa main-d’œuvre. Il est un fait que bon nombre de Mauriciens qui ont, jusqu’ici, fait carrière dans l’industrie touristique, ont préféré aller voir ailleurs dans le sillage de la longue fermeture de 18 mois et des plans de restructuration forcée.
À un moment où on espère que le tourisme rebondira, reviendront-ils regonfler les effectifs touristiques, hôteliers principalement ? Va-t-on, à terme, vers une pénurie de main-d’œuvre avec d’un côté l’attractivité des croisiéristes et de l’autre un danger permanent d’une mise à pied si le tourisme prenait des années à redécoller ?
Ce débat, qui n’a pas gagné la place publique, est en cours dans les principaux groupes hôteliers. Où, face au casse-tête à venir, on envisage même de la main-d’œuvre étrangère. Du moins, dans un premier temps, dans les métiers de « back-office ». Et on table, pour cela, sur ce qui se passe dans bon nombre d’hypermarchés ou des cliniques privées où la main-d’œuvre étrangère, d’Inde ou du Bangladesh, a déjà pignon sur rue.
Dans une économie ouverte comme l’île Maurice, où on ne pratique pas le repli identitaire, il ne saurait être question de bloquer l’accès au travail à des étrangers qualifiés. Pour peu que ces métiers là soient hors de portée des compétences des Mauriciens.
Mais, quand il s’agit d’hospitalité, on touche un sacro-saint sur lequel l’île Maurice a bâti sa réputation. Il y a un savoir-faire mauricien, mieux, une identité mauricienne qui fait que notre manière d’envisager l’hospitalité est unique. Tellement, et la rubrique « Talents Mauriciens » le rappelle à chaque numéro, que l’hospitalité mauricienne est célébrée à travers le monde.
Comment donc 1. Préserver cette hospitalité et 2. Réintéresser les Mauriciens à converger à nouveau vers les métiers du tourisme. Une des clés est peut-être la manière dont l’on procède. Il ne suffit plus, probablement, de promettre un job. Mais bien de proposer une carrière. Avec une réelle possibilité de grandir dans l’entreprise.
Le New York Times rapporte que la chaîne d'hôtels de luxe Omni Hotels & Resorts n'offre pas seulement une prime de 250 dollars à la signature et une prime de maintien de 500 dollars à la fin de chaque [..], mais offre également aux nouveaux employés trois nuits gratuites dans n'importe quel hôtel Omni.
Les incitations se poursuivent pour ceux qui travaillent dans les cuisines, puisque l'Omni offre à chaque membre de l'équipe culinaire un jeu de couteaux gratuit et une réunion de rencontre hebdomadaire avec le chef exécutif dans le cadre d'une sorte de programme de mentorat.
Les entreprises sont maintenant obligées de reconnaître que les travailleurs ont des familles et des aspirations en dehors du lieu de travail, ce qui a donné lieu à des avantages sans précédent. Des entreprises telles que Giant Food offrent le remboursement des frais de scolarité, tandis que Chuck E. Cheese a récemment étendu son programme de bourses d'études. Applebee's offre des apéritifs gratuits à toute personne qui s'asseyait pour un entretien d'embauche.
Recommandé par LinkedIn
Toujours aux Etats-Unis, où le monde du travail est plus libéral et plus en avance, certaines entreprises offrent à leurs nouveaux employés, une admission garantie à leur programme de formation en management. Des grilles de salaires, avec diplômes d’études secondaires, ou expériences en termes d’années, sont clairement affichées et sont autant des paramètres que l’employé peut considérer. Les possibilités sont infinies. C’est la seule solution pour attirer durablement les employés des métiers extrêmement ardus du service. La nouvelle carotte c’est de permettre aux employés de gravir rapidement les échelons s’ils choisissent le métier de service.
L’hôtellerie, on le sait, peut-être pire que de faire carrière dans la police où on peut rester « Caporal » pendant 20 ans avant d’obtenir une promotion de « Sergent » à la veille de sa retraite. Pour attirer les jeunes et faire revenir des compétences qui se sont éloignées, il faudra donc une promesse nouvelle. Un nouveau paradigme. C’est un des nombreux nouveaux challenges du new normal touristique.
L’autre grand challenge est de profiter de cet arrêt forcé pour inaugurer une nouvelle ère du tourisme où les conditions de travail des gens et leur humanité sont au-dessus des intérêts économiques. Pas évident ? Le débat est ouvert…
Jean-Joseph Permal
www.ilemauricetourisme.info
Chief People Officer | Specialist in HR & Administrative Outsourcing | 20 years’ progressive experience in Human Resources, Administration, Aviation-Cargo Operations & Community Engagement.
3 ansTrès bien élaboré! La question est est-ce qu’on peut toujours compter sur l’hôtellerie pour nourrir sa famille! Quand c’est un jeune débutant, on se dit ben on essaye et si ça ne marche pas on trouvera ailleurs. Celui avec des années d’expérience se demande est-ce que je peux changer de carrière après presque 20 ans dans le domaine. Pour l’hôtellerie vous avez tous dit comment il faut agir et vous avez raison. L'aviation n'est pas loin de cette vérité (je faisais partie). Proposer une carrière et non pas un boulot! Et donner la chance à ceux qui voudront se réinventer et changer de domaine. L’expérience sert toujours, mais donnée la chance à ceux qui n’en n’ont pas c’est d’autant sauver une famille. Il n'est jamais trop tard, recommencer à nouveau peut être aussi la bonne formule. 🙂