Transformation digitale, le trou noir des "petites" entreprises.
Dans les années 70 il fallait archiver avec l'informatique. Les 80's voyaient la micro-informatique envahir les bureaux et les foyers. Quant au nouveau millénaire, il a accouché d'internet, reliant les hommes à la vitesse de la lumière. Et maintenant ? Au cours de la dernière décennie, c'est le digital qui a envahi la société: l'économie, l'état, notre quotidien et même les religions. Pas une révolution finalement, une évolution amorcée dans les années 60 par IBM, prédite par Turing il y a plus de 75 ans.
Mais de la 1ère vague, celle de l'informatisation, à la toute dernière, celle de la digitalisation ; ce sont systématiquement les grands comptes qui ont bénéficié en premier de tels leviers. Plus simple et moins coûteux pour les acteurs de cette industrie émergente. Et ce n'est qu'une fois la maturité et la simplification des outils "digitaux" atteintes, que ces mêmes acteurs se sont alors rués sur les ETI, les PME, puis par effet de cascade, ont atteint la couche des TPE et finalement accédé à la plus diluée de l'économie: celle des commerçants, artisans et indépendants.
Alors même si les technologies vont de plus en plus vite, et que tout nouvel entrant peu bousculer le marché ou même créer un nouveau paradigme, il s’écoule encore aujourd'hui plus de 5 ans entre l'adoption par le haut de la pyramide des entreprises et la dernière couche. Comme si, lors d'un mariage, il se passait 5 ans entre la 1ère et la dernière coupe d'une rivière de champagne servie aux convives.
Plus que toute autre forme d'entreprises, ce sont les plus petites qui sont les moins à même d'envisager leur digitalisation. Alors quand la foule hurle en cœur qu'il faut changer, prédisant que sans digitalisation la mort sera au tournant, ces "petits" acteurs de l'économie se sentent encore plus pris au piège, en marge de l'économie et, désormais par effet de ricochet, de la société. Car pour eux l'urgence est de régler les employés, les fournisseurs, l'URSAFF et la TVA. Plus encore l'impôt sur les revenus dont les grands arrivent à s'exonérer. Ceux du CAC, du Down ou autres indics.
Ces entreprises qui ne sont rien, pour parodier notre Président, restent pourtant la force vive de tout pays développé. Rappelons que ce sont elles qui ont forgé l'économie, il y a encore deux siècles, avant l'émergence du capitalisme. Gardons aussi en tête, qu'aujourd'hui en France, les Grandes Entreprises et ETI représentent moins de 4% du nombre de sociétés enregistrées et moins de la moitié des emplois. N'importe quel investisseur, d'état ou capitaliste, miserait sur les "plus petits". Et pourtant, ils ne le font pas.
Au delà de ce double constat et débat, un début de réponse. Alors de quoi auraient besoin ces PME, TPE et autres déchus d'acronymes, tellement ils sont légions, pour surfer sur la vague de la digitalisation ? Tout bonnement de proximité.
Pas celle proposée par Google, Microsoft, Amazon, Apple ou autre Facebook. Moins encore celle des cabinets de conseil arborant diplômes, abstractions et autres concepts permettant de faire tourner l'horloge. Non, je pensais à la proximité que l'on attend de son médecin de famille. Une proximité bienveillante, prenant le temps de son diagnostic en considérant les antécédents et le potentiel de l'organisme. Un docteur en économie capable d'orienter vers ses confrères, chacun spécialiste dans son domaine de la digitalisation. Et comme cette transformation doit être soutenue par de nouvelles fondations, le médecin traitant devra autant être psychiatre que généraliste. Car s'il est admis que se jeter dans la digitalisation de son activité nécessite de repenser son savoir-faire et être, force est de constater que plus l'entreprise est petite, moins elle a accès à un conseil. Car si les grands groupes ont besoin d'un accompagnement spécifique résultant de milliers d'heures de réunions et autant de pages de rapports, les plus petits acteurs de l'économie ont besoin de quelqu'un pour les prendre par la main (et non les prendre en main).
Un conseil finalement me direz-vous. Comme pour les grands groupes mais adapté aux "petits" acteurs. Il est vrai. Mais il n'en reste pas moins qu'il est plus facile de conseiller les quelques acteurs d'un secteur que plusieurs milliers d'un autre. La tâche est tout de même plus aisée pour KPMG et consorts de faire du spécifique pour les 5 acteurs qui se disputent la distribution en France tels Auchan ou Carrefour, que d'apporter conseil aux milliers de coiffeurs ou de fleuristes, chacun porteur de son histoire et de son savoir.
Avec presque 3 millions de commerçants, artisans et autres "petits" acteurs économiques, il y a non seulement urgence pour eux mais aussi une opportunité à saisir pour ceux qui sauront apporter ce niveau de soutient. Avant que le trou noir du capitalisme, boosté par la digitalisation, ne les passe en pertes et profits.