A trente pas d'un écosystème en danger.
Dans l’Ouest de l’île de la Réunion, en zone urbaine, en contrebas de la route nationale une, au point de repère quatorze où circule chaque jour plus de soixante-mille véhicules, il est possible de trouver un écosystème riche en biodiversité.
Au premier abord rien d’intéressant. Mais prenons le temps de faire une trentaine de pas pour découvrir ce qui s’y cache.
Dans ce paysage ponctué de graminées d’un vif vert et d’arbres aux feuillages caduques virevoltent les Piérides des fleurs (Eurema floricola ceres) et les Azurés de l’Oxalis (Zizeeria knysna).
Apparaît ensuite une petite lagune aux couleurs verte-jade en plein processus d’eutrophisation probablement liée aux eaux savonneuses qui y sont déversées via les réseaux pluviaux.
A travers la turbidité de ce milieu saumâtre, il est possible de distinguer les nageoires bleues-grises et jaunes-dorées d’un groupe de Barbes (Polydactylus plebeius) affairé à la recherche de petits crustacés ou d’autres organismes benthiques.
D’un côté de la berge, se déroule un curieux chantier : une bonne trentaine de crabes de la taille d’une main d’adulte creusent, terrassent et aménagent un sol parsemé de plastiques.
Ce sont là des Crabes de terre (Cardisoma carnifex) au couleurs marrons, brun, rouge-orangé et jaune-paille.
Ces animaux semblent vouloir lutter, à leurs façons, contre les fléaux de la surconsommation. C’est ainsi que l’un de ces décapodes a décidé de dresser un barrage pour protéger son terrier des hydrocarbures qui dessinnent une inquiétante fresque sur l’eau
Un de ses congénères, tel Sisyphe condamné à faire rouler éternellement jusqu'en haut d'une colline un rocher, semble vouloir pousser un roc mal agencée. Un autre semble désespérer devant les centaines de coquilles vides des escargots cornets (Subulina striatella).
Sur l’autre berge, des couleurs gris-bleu, jaune et orange attirent l’attention. En dépit de la discrétion d’on-t-il sait faire preuve, on parvient à distinguer une espèce endémique des Mascareignes : un magnifique Héron strié (Butorides striata rutenbergi) à l’affût d’un petit poisson.
Un peu plus loin, parmi les mousses synthétiques de l’industrie humaine, les téléviseurs, et autres morceaux de réfrigérateurs, apparaissent des Ramiers (Nesoenas picturata) aux couleurs métalliques, des Tourterelles pays (Geopelia striata) revêtues de leurs tenues de camouflage grises, des Martins tristes (Acridotheres tristis), et des Moineaux curieux. Tous s’afférent à picorer les maigres graines et autres insectes tombés au sol.
Enfin, perché dans un pié de Noni (Morinda citrifolia) une plante indigène aux vertus médicinales, un Chakouat (Terpsiphone bourbonnensis bourbonnensis) chasse de petits insectes attirés par l’odeur fétide des fruits. C’est un petit oiseau endémique et protégé aux couleurs gris, gris-bleu et roux.
Malgré les outrages commis par l’Homme qui pense savoir, la résilience de ces espèces montre leurs volontés de se réapproprier cet écosystème fragile et menacé. Au cours de cette petite promenade insolite d’une trentaine de mètre il a été possible de rencontrer 11 espèces dont trois sont endémiques, trois sont indigènes, et deux sont protégés.
En d’autre temps, avant le 18e siècle, il aurait été possible de croiser dans ce paysage des Flamants roses, des Perroquets et des Huppes de Bourbon.
Une faune, un écosystème, une biodiversité à valoriser et à protéger !