Troubles musculo-squelettiques : vers une nouvelle augmentation de la prévalence

Les troubles musculo-squelettiques (TMS) représentent 88 % des 50 000 cas de maladies professionnelles reconnues. Leur prévalence s’est accrue avec le vieillissement de la population active, les exigences accrues de productivité et le développement de la sédentarité. Interview du Pr Yves Roquelaure, chef du centre régional de pathologie professionnelle et environnementale au CHU d’Angers.

Quelle est la prévalence des TMS chez les travailleurs ?

Pr Yves Roquelaure : Il y a eu une augmentation de plus de 20 % par an au début des années 2000 puis une stabilisation depuis 2010, venant en partie des modifications du tableau des maladies professionnelles, de la prévention et des pertes d’activité économique. Les TMS sont plus ou moins sévères. Ils touchent 8 à 10 % des salariés, mais ces chiffres ne reflètent pas la fréquence en population générale.

Parmi les cas déclarés, 3/4 sont reconnus en maladie professionnelle. Le système est plutôt mais il faut que les symptômes figurent dans les tableaux et il y a une autocensure des travailleurs. (…)

Quels sont les secteurs d’activité et les profils de travailleurs les plus à risque ?

Les principaux secteurs sont l’agroalimentaire, le BTP, le nettoyage, le soin. 30 à 50 % de la société exerce dans le secteur administratif, qui entraîne des pathologies hors tableau : cervicalgies, dorsalgies, lombalgies. Ces maladies sont courantes chez ceux qui travaillent sur écran, sont en télétravail et/ou sont sédentaires. (…)

La prévalence des TMS augmente chez les jeunes, exposés aux conditions de travail difficiles et à la précarité…

Dès que l’on dérégule le système de l’emploi, on expose davantage les plus jeunes et les plus âgés. On peut payer des années après la pénibilité du début de carrière. Les douleurs s’accentuent avec l’âge et la durée d'exposition. Plus on allonge les carrières, plus il y aura de TMS, notamment chroniques. Aussi, il faut accompagner l’entrée dans le travail pour éviter la surexposition et prendre en charge le phénomène dès l’âge de 45 ans. Il faut penser en termes d’exposome sur la vie entière.

Les femmes seraient plus concernées que les hommes, car davantage exposées à des risques professionnels et extra-professionnels et à des contraintes économiques…

L’écart est surtout dans la division sexuelle du travail : les femmes sont surexposées à des facteurs de risque car elles exercent plus souvent un travail répétitif avec contrainte de temps. S’y ajoute l’inégale répartition des charges familiales. (…)

Quelles mesures peuvent être mises en place pour prévenir la survenue de TMS et leur chronicisation ?

Il faudrait une réflexion sur la notion de carrière, en créant une mobilité sociale ascendante. Par exemple, permettre d’évoluer du poste d’aide-soignante à celui d’infirmière, de mécanicien à chef d’atelier... Ensuite, faire évoluer les tâches et les cadences selon l’âge. Et diminuer les facteurs d’usure grâce au matériel ergonomique, à la mécanisation, et surtout, à l’organisation du travail. Favoriser l’entraide, la coopération entre travailleurs est un levier très important de prévention. (…) Il faut un changement dans la durée, notamment au niveau des politiques publiques.

Muriel Pulicani

Article complet à lire dans le dossier Pathologies professionnelles d’Egora-Le Panorama du médecin