-Tu consultes ton médecin traitant ? 
- Non, mon équipe de santé !

-Tu consultes ton médecin traitant ? - Non, mon équipe de santé !

En 2004 la société était mûre pour une réforme qui s’est très vite imposée, celle du médecin traitant. Nous le sommes aujourd’hui pour être soignés en première intention par des équipes pluridisciplinaires. Comme un promeneur au milieu du guet, le patient de 2024 dira-t-il « je vais consulter mon équipe de santé » comme on dit aujourd’hui « je vais voir mon médecin traitant » ? Environ 15% des professionnels de santé primaire ont déjà fait le pas, mais une course contre la montre s’engage. Avec l’évolution de la démographie médicale, une fenêtre de tir de presque vingt ans va bientôt se fermer et l’opportunité reste à concrétiser.

Une période débutée en 2002 s’achèvera au début des années 2020, durant laquelle le nombre de médecins par habitants aura baissé en France, tout en restant proche de la moyenne de l’OCDE (3,3%o). Une période qui a obligé à repenser les pratiques et porter au débat la coordination des soins de santé primaire. Les progrès sont déjà au rendez-vous mais on peut porter plus haut encore, d’ici 2024, un accès aux soins égal pour tous via des équipes pluridisciplinaires.

 La porte d’entrée dans le système de soin, le gate keeper à la britannique, le premier recours à la française est reconnu depuis 2004 par l’institution, porté par les évolutions sociodémographiques chez les soignants, mais aussi par l’accroissement des maladies chroniques et la réponse de la télémédecine à la demande d’une médecine de proximité et du maintien à domicile. Les soins pluridisciplinaires de premier recours se révèlent un levier puissant pour rattraper le retard de la France au sein de l’OCDE quant aux inégalités de santé, tout en conservant les principes issus du Conseil National de la Résistance, où chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins.

L’offre de soins de premier recours, les modes de rémunération et le système de financement à la française se sont considérablement modernisés depuis vingt ans grâce aux maisons, pôles ou centres de santé, animés d’un projet collectif et coordonnés en staffs pluridisciplinaires. Avec les équipes de soins primaires et les communautés professionnelles territoriales de santé, ces maisons et centres de santé concourent à atteindre des objectifs communs : l’aménagement de l’offre de soins sur nos territoires et la réduction des inégalités sociales et territoriales en santé.

La France est munie d’atouts aujourd’hui pour aller plus loin et atteindre l’universalité de l’accès aux soins de premier recours sur l’ensemble de nos territoires. L’un de ces atouts est le sens du leadership collectif qui se développe chez les professionnels de la santé primaire, de plus en plus connectés et désireux de travailler en équipe. Le législateur s’engage aussi, quand il entend dépasser le stade d’expérimentations qui ont déjà fourni des données probantes (voir les sites du CGET et de l'IRDES) pour encourager une multiplication des maisons de santé en simplifiant leur création et leur financement, plutôt qu’en imposant une généralisation de façon verticale.

Pourquoi pas, dès lors, rêver qu’en 2024 un patient sur deux en France soit soigné en premier recours par des équipes « traitantes » pluridisciplinaires ? Comme la réforme du médecin traitant s’était déployée aisément à partir de 2004, préparée par l’expérimentation du médecin référent et par une évolution des aspirations des patients et des médecins.

En janvier 2016, je décrivais dans un post, sur ce site, comment la généralisation du tiers payant en médecine de ville se ferait horizontalement, de pair en pair, avec l’engagement de l’Assurance Maladie, comme elle s’est faite en officines il y a plus de vingt ans. Ni généralisation imposée, ni expérimentation qui s’éternise en multipliant les acronymes et les millefeuilles sur la carte administrative, mais plutôt une mise à l’échelle des idées les meilleures et les plus simples, accompagnée et financée dans la durée.

 La coordination des soins de premier recours autour de projets de santé, de protocoles et de staffs pluridisciplinaires est un objet majeur du financement de notre système de santé, à égal importance avec la qualité des soins à l’hôpital, ou le prix des médicaments et produits de santé. Ce droit à un accès aux soins universel nous concerne individuellement et collectivement, comme habitants et patients, comme citoyens et contribuables.

Le déploiement des maisons de santé doit être relayé comme un sujet de société, et porté au débat public lors de l’examen des projets de lois de finance et de financement de la sécurité sociale pour 2018. Les professionnels de santé primaire n’ont jamais été aussi prêts à relever les défis de la coordination interprofessionnelle, de la prévention et d’une télémédecine au service des patients et des territoires.

 Pour aller plus loin :

Analyses :

Caroline Massot

Responsable de la cellule évaluation

7 ans

Merci Hugo TIFFOU pour cette réflexion sur l'évolution du premier recours et la prise en charge par des équipes médico soignantes. Encore quelques enjeux a résoudre sur le partage des données médicales et sur le mode de remboursement des patients, et nous y sommes presque!

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