UMHIKÉ & UMTRIKKÉ par JUMPYTOASTY® [3/4]
PARTIE 3/4
II. PARAPHRÉNIES …
EUDÈS aurait pu se confondre avec l’obscurité profonde de cette nuit orpheline des siècles connus. Car minuit était tombé et avait débuté à pointer l’arête de son nez, aiguilles superposées, par-devers le soir déroutant.
Seulement la montagne semblait ceinturée d’une guirlande de feu à sa taille et d’un diadème d’étincelles et de braises à sa tête.
Les DOUCEVIENS avaient grimpé et crapahuté jusqu’au milieu de la montagne et s’étaient accordés une courte pause pour alimenter leur désir de vengeance. Une loi du talion frappant comme un vert frelon ? Pour sûr ! Ces deux mauvais drôles en auraient pour leur compte … UMTRIKKÉ leva sur UMHIKÉ un œil sombre, jubilant, et dit :
- Nous avons fait du bon travail à tuer tous ces gens. Néanmoins j’ai l’impression qu’on est passé à côté du crime le plus jouissif et le plus satisfaisant qui soit : le crime attenté à soi-même. « Crime bien ordonné commence par soi-même ». On ne tue vraiment bien que soi-même.
Dans la foulée, il s’ouvrit les veines avec un couteau dont la poignée ressemblait à une pièce fendue d’échecs. En s’installant dans le Cercueil, il déclara, invitant son frère à faire pareil que lui :
- Ma mort, la Mort, va parfaire notre œuvre à tous deux.
UMHIKÉ était d’un autre avis :
- Pour fignoler notre œuvre il faut communier avec tous ces bouts post-mortem en ajoutant de notre propre chair à notre Cercueil.
Incontinent, il s’ouvrit l’abdomen avec le même couteau entartré de globules gémellaires alezans et tentait de coudre un de ses boyaux sur le Cercueil pendant que le sang d’UMTRIKKÉ en remplissait l’intérieur.
Tous deux se tendaient le couteau ; chacun exhortait l’autre à agir selon son idée. Ils se querellèrent violemment, passant du gloussement convulsif, aux larmes feintes, de la supplication enjouée à la menace grondante, du mépris vexé à la prière criminelle. Toujours avec la volonté de convaincre l’autre.
- Suis donc mon but de l’Art ! s’égosillèrent-ils dans un même souffle.
Pour UMTRIKKÉ, le génie créateur ne pouvait être qu’un partage égoïste, caché, pour une fin personnelle qui devait se fondre avec la substance créée. Une création sans public, loin des regards et jugements hypocrites, qui naissait avec son créateur démiurge ! – et mourrait avec lui. L’essentiel tenait de ce miracle d’artiste de finitude.
Pour UMHIKÉ, il ne faisait aucun doute que créer n’était possible qu’avec un élément de soi-même. Le génie créateur était une hostie agnostique qui n’avait de sens que dans un échange altruiste. Une œuvre, un peu à l’image d’Adam, extraite de soi, montrée, exposée, transcendée par ceux qui s’en informent pour une fin universelle. L’essentiel tenait dans ce miracle d’artiste de magnitude.
Les jumeaux s’affaiblissaient en palabres, ils se décrivaient la réjouissance tremblotante que leur procurait tout ce sang solvant de leur personne :
- Ces grumeaux granuleux, gros comme des cerises …
- Qui coagulent, se figent, se minimisent !!!
- La Douleur demeure la gigantesque fleur
- Qui pleure dans mon cœur une terreur sans heurts.
- Pétales de malheur broient mon corps qui a peur :
- Refus que l’on y vive, rejet que l’on y meure.
- La Douleur reste cette gigantesque fleur
- Qui aplatit mes intérieurs en profondeur.
- Une horreur dans mon cœur, pétrifié cascadeur,
- Sans la vie ni fraîcheur, sans la mort ni chaleur.
- La Douleur, ce lugubre Sisyphe joueur,
- Statufie, lancinant, à l’envi, mes ardeurs
- Boursoufle mes muscles d’asthénique vigueur
- Allonge son labeur … Népenthès imposteur ...