Un jour, une start-up (5)
Au début de l’A-Venture, quand je connaissais peu André et Stéphane, j’exigeais de rencontrer tous les patrons des start-ups dans lesquelles nous envisagions d’investir. Ce n’était pas un manque de confiance, c’était plutôt ma soif d’apprendre et de découvrir ce nouveau monde des jeunes pousses. Soyons clairs, parmi nos startuppers, je n’en ai pas encore trouvé un qui sache à quoi sert une agence de voyages. Et pourtant, certains ne sont plus des étudiants boutonneux…
A ce jour, nous avons investi dans une cinquantaine de start-ups. Il existe certainement des tas de livres très savants sur la meilleure façon de placer son argent dans de jeunes entreprises innovantes et prometteuses, totalement en devenir. On lit souvent, par exemple, que quand on investit dans 10 start-ups, 9 vont faire faillite et la dixième sera un jackpot : elle vous remboursera deux ou trois fois la mise globale. Finalement, on a plus de chance de gagner au PMU… Il vaut mieux parier sur le bon cheval, et n’investir que sur la dixième start-up.
Cela me donne l’envie de faire un peu de maths avec vous. Je vais vous narrer une anecdote qui m’est arrivée avec nos associés Bernard Pfister et Vincent Vannesson, lors d’un dîner au casino de Luxeuil-les-Bains, siège de Sefa Environnement. En arrivant au restaurant du casino, il y avait sur le comptoir un petit tapis circulaire ave trois dés. Machinalement, tout mortel que je suis, je commence à lancer les dés en attendant qu’un serveur vienne nous placer. Que n’avais-je offensé les Dieux du Jeu ! Il me tance vertement en me demandant de ne plus toucher aux dés. Dans un casino, les dés, c’est sacré ! Ne me laissant pas impressionner, je lui demande de m’expliquer la raison de l’étonnante présence de cette tentation infernale sur le comptoir. Il me répond que le repas est offert à ceux qui réalisent un 4-21. Honni soit qui mal y pense !
A la fin du repas, quand Bernard sortit son chéquier pour acquitter ce repas somme toute médiocre, je lui indiquai de n’en rien faire, que l’addition était pour moi et je lançai les dés, confiant. Le premier afficha un 4, le second un 2, le dernier un 1. Ravis d’avoir passé ce moment avec vous, nous reviendrons demain ! Evidemment, j’étais très fier et un brin taquin de pouvoir me venger du serveur acariâtre qui m’avait empêché de jouer aux dés à notre arrivée, comme si cet exercice anodin allait m’entraîner au divin lancer. Plein de morgue, je lui demandai à quand remontait le dernier 4-21 du restaurant, persuadé que ma performance ne s’était pas vue depuis des lustres dans la cité luxovienne, et que j’allais faire la une de l’Est Républicain du lendemain : « A ce midi, Monsieur. » J’avais trouvé mon maître…
Après réflexion, le 4-21 doit sortir dans 3% des lancers (voir la démonstration en commentaire). En gros une chance sur 33. D’où l’idée qui m’est venue ensuite, mais suivie par personne, de proposer de faire la même chose en agence : gagnez votre voyage en lançant les dés. Cela revient à faire 3% de remise sur tous les dossiers (ce n’est pas complètement vrai puisque le prix des voyages varie selon les clients : il vaut mieux offrir un city low cost à Bruges à une veuve plutôt qu’un safari photo en Namibie à une famille de 7).
Tel le joueur invétéré au casino, on a souvent en tête le cliché du jeune startupper, flambeur et génial, qui a fait de l’argent facilement et rapidement. En fait, au bout de huit ans d’investissements dans ces entreprises innovantes, je pense que le profil idéal du porteur de projet est un quadragénaire qui a déjà créé une ou deux entreprises, les a revendus (au moins une avec succès). Son passé montre qu’il est innovant. Son âge prouve qu’il est mature et qu’il peut voir passer une Tesla sans se retourner. Son succès financier garantit qu’il a désormais quelque chose à perdre et qu’il est (enfin) devenu raisonnable.
Car le meilleur critère de réussite d’un projet, ce n’est pas l’idée de départ, ce n’est pas la somme d’argent que les fondateurs réussissent à rassembler, c’est la qualité humaine des porteurs du projet. Combien avons-nous vu d’idées géniales partir au tapis à cause de l’égo démesuré du chef d’entreprise ? Combien avons-nous vu de start-ups qui ont levé des millions sans jamais faire le moindre euro de chiffre d’affaires ? Plus c’est gros, et plus ça marche - comprendre : plus les investisseurs tombent dans le panneau - dit-on dans le nouveau monde de la technologie. Et combien de fois avons-nous vu des porteurs de projets humbles, patients, économes et néanmoins brillants et opiniâtres, qui ont lancé leur entreprise avec peu de moyens, ont compris et accepté que leur idée géniale n’était qu’une fausse bonne idée, et se sont remis à l’œuvre pour pivoter et lancer un nouveau projet, forts de ce qu’ils venaient d’apprendre ?
Le meilleur critère, le seul qui soit réellement fiable, pour décider d’un investissement dans une start-up, c’est la qualité humaine du porteur de projet. Récemment encore, il nous est arrivé de mettre une obole sur un projet en lequel nous ne croyions pas, mais seulement parce que nous avions envie de faire un bout de chemin avec le créateur ou la créatrice. Nous avions l’intuition que son idée était bonne, mais pas assez pour l’amener au succès. Et qu’il (ou elle) en aurait bientôt une autre, bien meilleure, qui nous rendrait riches.
Je terminerai ce post philosophique et ploutocrate par une citation de Warren Buffett, l’oracle d’Omaha, une citation qui décrit assez bien les raisons qui nous poussent à croire un porteur de projet :
"Quand vous cherchez des gens à recruter, vous devez rechercher trois qualités : l'intégrité, l'intelligence et l'énergie. Et s'ils ne possèdent pas la première, les deux autres vous tueront."
Et s’ils ont le sens de l’humour, c’est encore mieux !
Président Baroclean Videoclean | Hydrocureur | minicombiné | chaudronnerie
4 ansLe fameux 421! Je l’avais oublié!
Ceo Shanti Travel & Téléport'IN - Promouvoir le Voyage & la Rencontre de l'Autre.
4 ansbel article ! Merci !
Créateur/Président chez Eric&TheTrip
4 ans"Soyons clairs, parmi nos startuppers, je n’en ai pas encore trouvé un qui sache à quoi sert une agence de voyages. Et pourtant, certains ne sont plus des étudiants boutonneux…" : et donc , moralité ?
Directeur Transport
4 ansJe file m’entraîner au 4 21...;-)
Nous facilitons la conformité à la CSRD et l’élaboration de votre Stratégie de Développement durable.
4 ansMerci François, très belles réflexions. Mais comment mesurer ou reconnaitre l’intégrité?