Une Angleterre républicaine?
Une Angleterre républicaine?
Avec le très long règne d’Élisabeth II et tout l’intérêt porté à la famille royale, on a l’impression, que la monarchie fait partie de l’ADN des Britanniques. Pourtant, dans l’Histoire, plusieurs événements ont secoué la monarchie anglaise, au point même de la faire vaciller. On peut penser au roi Jean, dit «Sans terre», le frère du célèbre roi Richard «Cœur de Lion». Le roi Jean qui s’était brouillé avec des éléments de sa noblesse, dut accepter la Magna Carta en 1215, qui limitait l’étendue du pouvoir royal et jetait en quelque sorte les premiers principes des États de Droit. Que dire de l’abdication d’Édouard VIII en 1936?
C’est sous le règne du roi Charles 1er, de la dynastie des Stuart, que le destin de l’Angleterre aurait pu prendre une direction totalement différente. Charles Ier qui régna de 1625 à 1649 était pour le moins attaché aux prérogatives de la monarchie de droit divin. Il entra en conflit avec le Parlement d’Angleterre qui n’acceptait pas une telle conception de la monarchie. La question du financement des États a toujours été une constante dans l’Histoire et le souverain anglais se butait à un Parlement qui ne désirait pas lui accorder les entrées d’argent souhaitées, via le recours aux impôts.
Également, il est important de considérer, que les questions religieuses faisaient partie intégrante de la réalité politique de l’époque. L’Angleterre était devenue protestante (anglicane) sous le règne d’Henri VIII. La Guerre de Trente Ans (1618-1648) faisait rage en Europe et l’opposition entre protestants et catholiques était un des nombreux catalyseurs de cet affrontement. Charles Ier fut accusé par ses détracteurs, de ne pas appuyer suffisamment les États protestants. De plus, le souverain anglais régnait en même temps sur les royaumes d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande. On ne parlait pas encore de Royaume-Uni à cette époque.
Alors, des motifs politiques, économiques et religieux amenèrent des conflits au sein de ces trois entités (Guerre des Trois Royaumes). À Londres, le roi Charles Stuart poursuivit ses affrontements avec le Parlement. La Révolution éclata en Angleterre. Après avoir été vaincu sur le plan militaire, le roi subit un procès pour haute trahison et condamné à mort. Le 30 janvier 1649, il eut la tête tranchée d’un coup de hache. Il aura au moins eu le «privilège» d’obtenir les services un bourreau compétent ou à jeun. Ce qui n’était pas toujours le cas en ces temps.
L’Angleterre devint une république et ce, 143 ans avant la France. La dénomination de République ne signifie pas pour autant, une démocratie, comme nous la concevons aujourd’hui en Occident. Le nouveau régime était appelé Commonwealth d’Angleterre. Il était dirigé par l’âme de la rébellion, Oliver Cromwell, à titre de Lord Protector. En fait, c’était plutôt une dictature d’une frange de la noblesse et de l’armée. Cromwell s’éteignit le 3 septembre 1658. Son fils Richard fut désigné pour lui succéder, mais, il n’avait pas l’ascendant, ni les soutiens de son père. Il dut se résoudre à abandonner le pouvoir et ce, quelques mois plus tard, en mai 1659. C’est un ancien proche collaborateur d’Oliver Cromwell, le général George Monck, qui fut l’un des principaux instigateurs du retour de la monarchie en Angleterre en 1660. La République anglaise avait vécue...
C’est Charles II Stuart, fils du précédent roi, qui reprit la couronne. Charles II mourut sans héritier, mais non sans enfants!!! Son frère Jacques II, lui succéda à sa mort en 1685. Mais, dès 1688, survint la Glorieuse Révolution et il perdit son trône au profit de Guillaume d’Orange et de son épouse Marie.
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La résultante de ces deux révolutions anglaises fut que l’Angleterre accéléra son évolution vers une monarchie constitutionnelle. La Déclaration des Droits adoptée en 1689 constitue la pièce maîtresse de cette nouvelle donne politique. C’est dans ce contexte, que le philosophe anglais, John Locke écrivit son Traité du Gouvernement Civil. Avec le temps, on en viendra à dire, que le «Roi (ou la Reine) règne, mais ne gouverne pas». C’est cette conception de la monarchie qui inspirera la classe bourgeoise française et certains membres de la noblesse, tel La Fayette, à déclencher le mouvement de 1789. D’ailleurs, après la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789, la monarchie n’a pas été abolie en France; il ne faut jamais l’oublier. Les conspirateurs souhaitaient établir une monarchie à l’anglaise. Il aura fallu, que ces apprentis sorciers perdent le contrôle du cours des événements, pour qu’en 1792, la véritable Révolution française ait lieu. Mais ça, c’est une autre histoire!
Les événements troubles dans cette Angleterre du XVIIème siècle, bien qu’ils menèrent à un régicide et à l’exil d’un autre roi furent en grande partie responsables du maintien actuel de la monarchie au sein des Îles Britanniques. Alors que presque toutes les monarchies européennes ont été abolies, la monarchie britannique quant à elle, en raison des assouplissements émanant de cette période a su demeurer «acceptable» et a servi les intérêts de la haute finance notamment lors de la constitution de ce qui fut, l’Empire britannique.
Le 6 mai prochain, malgré tous les scandales et les agissements des plus pathétiques de certains membres de la famille royale britannique, le roi Charles III sera officiellement couronné.
Ne perdons jamais à l’esprit, que cette monarchie, c’est en quelque sorte, un élément de folklore, une attraction touristique, une composante de l’image et de l’identité de ce qui est britannique. Bref, un produit marketing des plus efficaces. Nous allons en avoir la preuve éclatante dans les prochains jours.
Est-ce que la persistance même, du concept de la monarchie est un anachronisme dans une société démocratique au XXIème siècle? C’est un débat très intéressant, il faut en convenir!
Jean-François Coderre détient un MBA en Administration des affaires (ESG-UQAM / Paris-Dauphine), une Maîtrise en Histoire et un Baccalauréat en Science politique (spécialisé en relations internationales)