Une certaine conception de la liberté

A l’occasion du BPIFrance Inno Generation, j’ai eu l’opportunité de m’exprimer sur le thème de la liberté. Un thème complexe, universel mais aussi personnel.

Par quel bout prendre le sujet ? De quelle liberté parle-t-on ? Quelles sont les clés de la liberté ? Essayons de répondre ensemble à ces quelques questions.

La liberté est d‘abord un thème un brin provocateur en ces temps compliqués:

• Avec le Covid qui limite nos libertés et cette bulle sanitaire qui nous entoure
• Dans un monde de plus en plus contrôlé et réglementé.
• A l’ère du digital et de la communication instantanée, avec la crainte d’être de plus en plus en liberté surveillée,

Mais, dans ce monde qui n’a donc jamais été autant sous contraintes, la liberté doit elle se définir comme l’absence de contraintes ou plutôt comme notre capacité à les contourner et à les transcender ?

Qui peut dire que Nelson Mandela n’était pas un homme fondamentalement libre alors qu’il a passé 27 années de son existence en prison ?

Cela nous ramène en premier à la liberté de pensée, à la force des convictions, à la fidélité sans compromission à nos idées. Ma conception de la liberté, c’est en fait celle du marin, ou celle du musicien, celles des défis personnels et des grands espaces. Ce n’est pas un hasard si ce sont deux des voies de mécénat choisies par Arkema.

Mais ce n’est pas tant la liberté personnelle qui m’intéresse qu’une liberté plus collective, celle du chef d’orchestre que je ne suis pas, ou celle du chef d’entreprise que je suis. La liberté ce n’est pas seulement la liberté que vous vous construisez, c’est aussi celle que vous octroyez aux autres. La vraie liberté n’est pas égoïste. La liberté collective est bien plus exigeante car elle implique de faire adhérer. Elle rime avec solidarité, avec générosité, avec respect.

Une des missions de l’entreprise est fondamentalement le développement des relations entre les hommes et les femmes qui la composent. Cet engagement se fonde sur la responsabilisation, et donc sur la capacité à savoir donner des espaces de liberté à nos collaborateurs. Et à faire confiance.

Le monde change, la pandémie actuelle sera de mon point de vue un accélérateur de ce changement et seule une dynamique collective permet de s’adapter. Cela passe par libérer les énergies, libérer les talents. C’est une condition essentielle de la performance et c’est le défi du chef d’entreprise et de l’affirmation de son leadership. La liberté du dirigeant, elle est au service du collectif et des parties prenantes.

Chez Arkema, par notre histoire, nous avons une conscience aigüe de ce que signifie le mot liberté. Arkema, c’est d’abord une histoire de conquête de liberté. La groupe a été introduit en bourse en 2006. La voie choisie était un spin off. En un instant de raison, nous sommes passés d’une société 100% intégrée dans Total à une société 100% cotée, avec des milliers d’actionnaires. C’était déjà une respiration, une forme de liberté de quitter un grand groupe comme Total il y a 15 ans pour prendre le large et rejoindre le monde des sociétés cotées.

Aujourd’hui, Arkema est un des très beaux succès de l’industrie française. Mais au départ, peu croyaient à sa réussite et beaucoup étaient convaincus que nous allions être mangés tout crus.

Nous sommes partis d’une page blanche et avons eu une chance extraordinaire, celle de pouvoir créer un group ex nihilo et d’être libre de mettre en place exactement la stratégie que nous voulions dans les matériaux durables et de haute performance. Très vite, notre défi a été de préserver notre indépendance.

La liberté n’est jamais acquise pour toujours, elle doit se reconquérir en permanence. Une société cotée est en liberté surveillée. Cette liberté repose entièrement sur la confiance des actionnaires. La clé de cette confiance, c’est la performance et la création de valeur. En 15 ans, nous avons multiplié la valeur boursière et la rentabilité par 5. Pour y arriver, nous avons embarqué dès le début nos 20000 salariés autour d’une vision très claire de l’entreprise que nous voulions être, et sur des valeurs de solidarité et de responsabilisation. Les valeurs d’un groupe sont un point fixe indispensable dans un monde en perte de repères.

Et enfin, la liberté d’Arkema, c’est aussi celle des grands espaces. La chimie est la mère de toutes les industries. Dans la chimie des matériaux, le terrain de jeu est immense, les opportunités de croissance sont infinies pour ceux qui sont en position de les saisir dans un secteur qui est au cœur de la lutte contre le réchauffement de la planète. Nos solutions sont présentes partout dans votre quotidien dans les batteries, l’éolien, l’impression 3D, le traitement de l’eau, le confort de la maison…

Plus largement, l’industrie est incontournable pour répondre aux attentes et aux défis de demain. Pour cela, la solution n’est pas plus de contraintes, d’interdits et de régulation mais davantage de liberté afin de mettre la science, la technologie, et l’innovation au service de la société.

Que signifie la liberté pour nous entrepreneurs ?

Je ne crois pas à la liberté sans projet fort.

Je ne crois pas à la liberté égoïste.

Je crois à la liberté responsable, au service d’une ambition et au service des autres.

Comme chefs d’entreprise et leaders, nous avons une responsabilité sociétale de plus en plus forte. La pandémie du Covid a d’ailleurs renforcé cette idée. C’est sous ce prisme que la liberté doit être regardée et appréciée. La liberté nécessite courage et convictions. Courage de prendre la mer comme le marin, courage d’affronter un public et mettre à nu ses sentiments comme un musicien. Elle nécessite paradoxalement de faire des choix sans lesquels une entreprise s’épuise à suivre toutes les voies envisageables. Etre libre, c’est bien sûr être soi-même avant tout. C’est suivre sa voie et faire entendre sa voix … mais dans le respect de autres.

Pour conclure, je voudrais dire que : Les rêves ne sont jamais assez grands pour ceux qui savent entrainer les autres dans leur quête de liberté !