Une crise, le je, le Nous, le Jeu

Une crise, le je, le Nous, le Jeu

Un regard nouveau, entre sidération, émotion et volontarisme, doute et basculement, nourri de questionnements : que d’échanges professionnels ou amicaux depuis hier et cette prise de parole officielle de notre Président. Et l’on se retrouve étrangement solidaire (et dépendant) des autres, celles et ceux que nous croisons tous les jours de plus ou moins près, tout en se sentant un peu seul, face à nos responsabilités de parent, d’ami, de conjoint, de collègue, de citoyen, et cela donne le vertige. Que faut-il faire, bon sang, penser ou dire pour être à la hauteur de cette crise sanitaire sans précédent, qui fait aussi peur à certains que donner des ailes à d’autres qui y voient en germe les prémisses d’un système nouveau, d’un paradigme ayant enfin tiré la leçon de nos suffisances, manquements, excès, errements ? Et « moi » là-dedans, dois-je être dans le Je, le Jeu ou le Nous ? Et comment puis-je les relier ? Chaque jour a amené depuis quelques semaines des éclairages, statistiques médicales et projections géopolitiques nouvelles, alarmistes ou cyniques, mais aujourd’hui, des médecins aux politiques, des journalistes aux entrepreneurs, chacun concède ou alerte ; oui, cette crise sera (ou peut être) source d’opportunités, à bien des niveaux, mais en attendant, « nous » avions sous-estimé la gravité de cette épidémie devenue officiellement pandémie, et ce que » nous » avions lu et entendu hier encore n’est plus valide : les cartes sont rebattues, c’est un monde nouveau qui bouillonne sous nos yeux et qui doit se préparer et s’adapter à l’inconnu et à la Peur. Ce que vit l’Italie, par exemple, ne nous berçons pas d’illusions nous prévient-on, sera notre quotidien sous peu… Et notre responsabilité, c’est bien sûr de le prendre au sérieux.

 

Le brouillon d’un nouveau système

C’est donc tout un système confortable que nous avons nourri, alimenté et dans lequel nous nous sommes étourdis, enferrés, enfermés qui nous rappelle aujourd’hui qu’il est en fin de course, malade, toxique même, dès lors qu’un microbe virulent décide d’entrer dans la danse. Nous nous sommes repus de la mondialisation, alpha et oméga de la croissance, et l’hyper circulation de tout, du futile comme de l’essentiel, des hommes comme des marchandises, denrées alimentaires, tout le temps, h24, 365/365, en quantité astronomique, au mépris des saisons, du bon sens, de notre santé, du Vivant, de la Terre, notre seule Terre, exsangue, polluée, fouillée, pillée, déréglée, par tous les moyens techniques possibles ; l’imagination humaine, en la matière, n’a pas de limites. Nous le savions, et tout a été dit et écrit sur le sujet (les rapports du GIEC, pour ne parler que des scientifiques) mais nous avons tergiversé. Aujourd’hui, le messager s’appelle co-vid (tiens, CO et VID(e) : gérer le Collectif et le Vide auquel ce virus astreint le monde) mais d’autres fléaux l’ont déjà fait, le font ou le feront encore (n’oublions pas les affres du dérèglement climatique, qui n’a pas pris congé, sauf de l’actualité immédiate). Cette fois, l’émotion et la prise de conscience sont inédites, car la charge est violente : nous vivons là une nouvelle alerte, mondiale, qui peut-être entraîne ici et là des réactions disproportionnées – qui peut savoir ? – mais en tout cas touche tout le monde dans ses convictions profondes. Et j’y vois une chance. Dans ce marasme où nous avons, chacun, chacune, du mal à nous positionner (normal, nous sommes dans l’Inconnu le plus total), à nous projeter - selon nos croyances, valeurs, activités, impératifs, éducation, … - cette crise sanitaire porte bien en son sein le brouillon du Monde d’après.


Ne pas faire machine arrière quand nous aurons à nouveau le choix

 Partant de l’idée - qui m’est personnelle – que la pire des choses, c’est d’imaginer qu’une fois cette pandémie derrière nous (avec entre-temps évidemment son lot de morts physiques, de morts économiques, de dégâts dans les corps, les têtes, les portefeuilles) on retombe dans les mêmes travers, les mêmes comportements, les mêmes réflexes, au service… du même système. Je crois en effet que la force d’inertie de chacun d’entre nous comme celle des masses, combinée à la puissance des industries, des intérêts et organisations en place, n’aient la capacité de nous remettre sur les rails du système qui nous a mené dans cette sinistre science-fiction, en nous vendant le même rêve irréaliste d’une croissance infinie dans un monde fini, par ailleurs surpeuplé. Les moyens de pression économiques, les systèmes politiques, les danses du ventre des experts marketing, la maîtrise des neurosciences entre des mains centrées sur le seul profit peuvent sans difficulté nous persuader qu’avec quelques ajustements à la marge, le modèle actuel reste et restera le seul viable. Et cette perspective nous pend au nez : oui, le risque existe qu’on ne saisisse pas cette opportunité qui s’impose à nous / nous est offerte, et que nous nous inscrivions dans les mêmes schémas confortables. Car notre pente, c’est plutôt la peur de changer, d’explorer de nouvelles voies inédites, la peur du paradigme d’après, flambant neuf, qui n’attend pourtant que nous, qui n’attend que les téméraires pour exister, émerger.

 

Quand la solution d’hier devient le problème à régler

J’invite chacun, soit dit en passant, à se documenter sur cet outil formidable qu’est la Spirale Dynamique ; il modélise mieux que des mots comment des systèmes de valeurs et croyances se succèdent depuis l’apparition de l’Homme sur Terre, au gré de son évolution, et explique comment et pourquoi les solutions d’un paradigme émergeant viennent « réparer » les excès des solutions du précédent. L’émergence de l’Ordre, par exemple, dans un système privilégiant le Nous, a été la solution au désordre du trop de Je dans le paradigme précédent. Mais quand l’excès d’Ordre et de cadre étouffe in fine les individus, l’aspiration et le mouvement mènent à autre chose de plus équilibré. Cette transition passe toujours par le chaos et l’action de quelques précurseurs qui peuvent initier, puis entraîner, le basculement vers un nouveau paradigme célébrant un nouveau Je, avec cette fois des croyances et valeurs renouvelées tirant partie des enseignements passés. La transition, nous montre la SD, passe toujours par le chaos, avec une vraie tendance pour les réfractaires à chercher en urgence dans le système passé des solutions - vouées à l’échec, on n’arrête pas le sens de l’Histoire - pour tenter de fixer ce qui s’écroule. Aujourd’hui, le culte du Je, de la performance, de l’individualisme, de la Conquête, vraies solutions hier, est devenu le problème, et nous pressentons, constatons, qu’un autre paradigme émerge où l’attention au Nous, à l’Autre, au Contexte, prédomine. Mais le passage fera des dégâts, car l’inconnu suscite des réactions différentes.


Saisir cette opportunité unique, collectivement

Maintenant, dans les interstices que nous laissent les consignes de confinement, de repli sanitaire, d’isolement, de vigilance aux autres, dans les choix que nous sommes seuls à pouvoir faire, comment pouvons-nous nous engager en notre âme et conscience pour éviter un retour en arrière, et au contraire CO-construire le modèle qui sera notre prochain système, plus respectueux de l’Individuel comme du Collectif, de l’Extériorité comme de l’Intériorité ? Car c’est MAINTENANT, et dans les JOURS qui viennent, que les actes personnels comme des organisations qui nous accueillent / nous emploient / que nous dirigeons ou accompagnons, flécheront la réussite de ce défi civilisationnel. Nous sommes à la croisée des chemins et avons rendez-vous avec nos vraies responsabilités. C’est évidemment tout sauf confortable, nous qui avons tout organisé autour cette valeur. En tant que Colibris (on revient souvent à Pierre Rahbi) notre rôle, à chacun, est immense. Créons les liens essentiels entre Je, Jeu et Nous. Ne voyons pas dans ce qui arrive qu’une crise sanitaire accidentelle et conjoncturelle, fruit de la malchance, mais bien un levier de changement formidable pour sauver ce qu’il y a à sauver, et participer (juste participer) à l’émergence d’un nouvel équilibre, ce fameux paradigme d’après qui vibre, pas loin de nous. Nous n’aurons plus deux opportunités comme celles-ci, compte tenu de l’état du « Monde-a-un-fil » qui nous supporte encore… Si nous nous berçons à nouveau d’illusions après cette séquence historique, alors nous serons dans le mur. Soyons acteurs, optimistes, audacieux, explorateurs. L’Amour de soi comme des autres doivent être, également, au cœur de nos actions. Et il sera alors possible de reparler de tout cela autour d’une bonne Corona bien fraîche, un peu apaisés, en constatant que c’est la force du collectif et d’une conscience partagée qui auront fait bouger les lignes. A votre Santé ! 

Fabrice Galloo

Directeur Foncier CASTIGNAC Asset Management / Directeur Développement du Projet e-Valley & Fondateur de ProductivIT Accélérateur de Transition Digitale

4 ans

Je rajouterai qu’il n’est pas compliqué pourtant de se rendre compte qu’une ontologie fondamentale dont on veux renouveler la signification, ne peut passer que par une phénoménologie existentielle permettant d’expliciter la structure globale de l’Etre. Bon je déconnes évidemment en citant Heidegger que je trouve le seul au niveau pour commenter ton excellente plaidoirie mon Alain ! Si effectivement cette crise sanitaire que je ne sais plus comment regarder (peur ou stupéfaction ou les 2) peut « Nous » permettre de changer le prisme économique de notre société actuelle ... ben ce sera toujours ça de pris ! Et de mieux ! En ce moment je m’interroge aussi philosophiquement d’avoir créer un accélérateur alors que je rêve au fond de moi, que de me poser et ralentir .... Amen

Merci Alain pour ces mots si justement choisis...

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