Une révolution dans le code du travail ?

Si l'on en croit certains, le projet de loi dit « El Khomri » va provoquer une révolution et créer une inversion des normes juridiques.

Il me paraît opportun, modestement, de remettre certaines choses en place.

Le principe de faveur

Ce projet va-t-il mettre fin au principe de faveur, formalisé par un arrêt du Conseil d’Etat en 1973, qui signifie qu’une convention collective, ou un accord de branche, peuvent être négociés en vue d’être plus favorables que la loi, les accords d’entreprise devant à leur tour améliorer les choses aux bénéfice des salariés par rapport à l’accord de branche ou au Code du travail. La traduction de ce principe existe dans le code d travail ((Articles L.2251-1 ; L2253-1 ; L2253-3 ; L L2254-1?

Non :il est d'ailleurs repris dans les 56° et 57° de ce qui doit être le préambule du futur Code du travail. La rédaction proposée est à cet égard claire : « En cas de conflit de normes, la plus favorable s’applique aux salariés si la loi n’en dispose pas autrement. »

La hiérarchie des normes

La notion de hiérarchie des normes suppose que l’ensemble des normes de droit est structuré dans une pyramide au sein de laquelle chaque norme doit respecter celle qui lui est supérieure.

Très schématiquement en droit du travail on distingue trois blocs : le bloc constitutionnel (Constitution, Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, préambule de la Constitution de 1946, principes à valeur constitutionnelle, principes fondamentaux), le bloc législatif (lois et décrets) et le bloc conventionnel (conventions et accords collectifs). Cette hiérarchie entre les trois blocs n’est pas modifiée par le projet de loi.

Ce qui évolue, en revanche, ce sont les rapports des différentes normes au sein du bloc conventionnel et plus précisément les rapports entre accords de branche et d’entreprise et non ceux entre les normes législatives ou réglementaires et les accords collectifs. Le projet de loi précise les marges de manœuvres possibles d’un accord d’entreprise en en fixant donc les limites.

Mais il serait faux de croire (ou de laisser croire) que cette évolution est nouvelle et que la loi El Khomri constituerait sur ce point une révolution. C’est en 1982, lors des fameuses lois Auroux, que le législateur a initié le mouvement et modifié cet « ordre public social » en rendant possible la conclusion d’accords dérogatoires. Ce mouvement s’est poursuivi en 2004 (avec la loi n°2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social ) le législateur posant comme principe que les conventions et accords d’entreprise ou d’établissement peuvent déroger aux accords de niveaux supérieurs sauf si ces derniers prévoient le contraire (article L.2253-3) et sauf dans quatre domaines sanctuarisés (salaires minima, classifications, garanties collectives (protection sociale) mentionnées à l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale et mutualisation des fonds (formation professionnelle) recueillis au titre du livre IX du code du travail) La loi  n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a utilisé en matière de durée du travail une autre technique qui consiste à prévoir que l’accord de branche ne s’applique qu’à défaut d’accord d’entreprise ou d’établissement sur le même sujet.

L’actuel projet de loi ne crée donc pas cette technique mais la reprend de 2008 et l’élargit à d’autres aspects mais toujours en matière de durée du travail et de congés.

Pour autant ce projet est en fait le révélateur d’un débat important : celui de la place de la négociation d’entreprise par rapport à celle de la branche. Là est le vrai débat. Quelle place donner à l’accord de branche ?

Marc Lequerré

Directeur du Développement Social chez Crédit Agricole Consumer Finance

8 ans

Voilà un exposé clair et synthétique, dont les journalistes devraient s'inspirer pour nous informer de façon objective.

Thibaut Castelain

Training Program Manager KNDS

8 ans

Il est important que la com sur ce projet de loi se fasse.

Francois Rajaud

Directeur des Ressources Humaines

8 ans

Merci pour ce point factuel, dépassionné, et argumenté.

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