Urbanisme négocié: Les bassins à flots livrent leurs enseignements
Comment négocier l'urbanisme ? Cadre de Ville a sélectionné les bonnes feuilles du livre de son journaliste Hugo Christy et de l'architecte-urbaniste Nicolas Michelin. "L'urbanisme négocié" est édité chez Dominique Carré - La Découverte. A découvrir vendredi 9 décembre 2016 à 19h30 à la librairie Volume, à l'occasion d'une rencontre avec les auteurs.
Les promesses soulevées par l'urbanisme négocié sont nombreuses, et la question s'impose comme une tendance lourde parmi les décideurs urbains qui voient là l'opportunité de mener des projets plus spontanés, à travers des processus plus rapides, plus souples, moins coûteux pour les collectivités. Dans le même temps, l'idée d'une co-construction associant public et privé soulève des inquiétudes légitimes quant à la démission de la maîtrise d'ouvrage publique et à l'éventuelle "privatisation de la ville".
Mené sans ZAC et sans acquisitions foncières, mais avec un Atelier de négociation, le projet urbain des Bassins à flot fait figure de référence en matière d'urbanisme négocié. Le pari mené par Bordeaux en 2010 était risqué - il s'est avéré payant. Dans son "Manifeste A", l'architecte-urbaniste Nicolas Michelin pose le dispositif d'Atelier comme antidote à la médiocrité urbaine. Tandis que l'Atelier emmène l'opération vers sa phase finale, un nouvel ouvrage, L'urbanisme négocié - Bordeaux : les Bassins à flot (Editions Dominique Carré - La Découverte), plonge dans l'histoire du projet urbain, et retrace l'invention du processus négocié. Entre la méthode et le retour d'expérience, le livre ambitionne décrypter les rouages du moteur de projet, et de livrer des leçons répliquables ailleurs en France.
LES BONNES FEUILLES
"Ils se sont positionnés. Ils ont arpenté les Bassins à flot pour contractualiser des sous-seings auprès des propriétaires des terrains autour du port : Nexity, Vinci, Cogedim, Bouygues, Clairsienne, Domofrance, Eiffage, Icade, Exterra, Kaufman & Broad... Tout le monde est là. Les plus intuitifs – principalement les bailleurs sociaux et les opérateurs bordelais – vont même jusqu’à débloquer leur trésorerie pour directement acquérir les terrains. Ainsi, pour faire des Bassins à flot un territoire de projet, il apparaît de plus en plus nettement qu’il faudra soit les chasser, soit apprendre à composer avec eux. Côté collectivités, ça ne fait plus de doute : si projet urbain il doit y avoir, il devra se mener différemment, selon des modalités moins coûteuses, et plus rapides."
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"Moins qu’une grande table autour de laquelle tout le monde se réunit pour dessiner ensemble, l’Atelier des Bassins est en réalité une instance de pouvoir ; le bloc public reçoit les porteurs de projets un à un, et le dialogue peut débuter. D’où l’importance, là encore, d’une solidarité au sein du trio public [ville, aménageur, urbaniste], car l’aménageur et l’urbaniste à part l’un de l’autre risqueraient de se trouver bien désarmés dans un échange avec un opérateur privé. Seul le politique dispose d’un véritable pouvoir d’arbitrage, mais il aura besoin de l’expertise de son aménageur et de l’urbaniste pour l’exercer avec le plus de clairvoyance possible. Autrement dit, tout l’intérêt de l’Atelier est que ces trois acteurs se partagent leur force, et que leur voix se confondent presque pour n’en faire qu’une lorsqu’il s’agit de s’adresser à un promoteur. Le politique n’est pas moins expert que l’urbaniste, qui n’est pas moins décideur que l’aménageur..."
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"L’urbanisme négocié n’est pas l’apanage des Bassins à flot. On le pratique déjà ailleurs. Nous l’avons vu, il s’est avéré utile pour porter la métamorphose d’un grand site portuaire, mais la démarche pourrait tout aussi bien servir à urbaniser un champ, à requalifier une zone industrielle, à rénover un centre-ville, à densifier des secteurs pavillonnaires, ou à requalifier une entrée de ville. L’important est d’intégrer le format naturellement souple de l’urbanisme négocié, pensé comme urbanisme de projet : il s’agit de créer un cadre dans lequel privé et public se rencontrent pour croiser leur expertise et leur volonté de faire, afin d’optimiser les réponses à des problèmes urbains. Dès lors, les expériences passées, et singulièrement celle des Bassins, fournissent un témoignage précieux."