Urgence Climat : Pour un temps dédié au Climat dans les médias !
Les effets du changement climatique sont désormais tangibles et, pour beaucoup d’Etats et de régions, irréversibles. L’inertie des phénomènes climatiques est telle, que nous vivrons dans quelques années les conséquences ravageuses de nos modes de vie incompatibles avec les limites planétaires. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a de nouveau sonné l’alarme le lundi 28 février, de manière encore plus criante que lors de la publication de ses précédents rapports. Pourtant, l’indifférence règne plus que jamais. Le murmure médiatique est imperceptible. Aucun expert du GIEC n’a été invité à parler des impacts climatiques vertigineux qui nous attendent, aucun journaliste spécialisé sur l’environnement n’a été invité en plateau télévisé. La faible place accordée au climat dans les médias est plus sidérante encore, actuellement, sept ans après l’accord de Paris de 2015. Plus que jamais, l’information et la sensibilisation sur le problème doivent être au rendez-vous. Or, nous avoisinons quasiment le silence. Certes, l’actualité médiatique est accaparée, depuis peu, par une guerre déstabilisant de façon historique le continent européen. Mais la perspective de canicules mortelles en méditerranée à l’horizon 2050, dans un scénario de +1,5°C de réchauffement mondial, de l’exposition de plus d'un tiers de la population européenne à des pénuries d'eau, ou encore de l’extinction définitive de presque 30% de la biodiversité avec 3°C de réchauffement, devraient engager au volontarisme sur cet enjeu. Il n’est pas question de faire de l’ombre à l’invasion russe en Ukraine et au désastre humanitaire qu’elle provoque, mais de mettre en lumière celui qui se prépare et qui est, pour 3,3 milliards d’individus sur Terre, déjà une réalité. La Tunisie a été classée parmi les 15 Etats du monde les plus menacés par le changement climatique. Face à cela, notre Etat s’est réfugié dans une indolence pathologique qui relève de l’inconscience. Aucune mesure n’a été prise à ce jour. Pour sécuriser notre avenir et celui des prochaines générations, nous devons impérativement planifier sans attendre notre stratégie. Les médias doivent faire plus de place à la crise écologique annoncée, afin de conscientiser et d’alimenter le débat public sur le sujet. Actuellement, leur rôle doit être d’amener les chefs d’Etats à nous exposer, dans des programmes comportant objectifs chiffrés, ressources humaines, matérielles comme financières, échéances et modes de gouvernance, leurs solutions pour parvenir à respecter la stratégie que nous nous sommes fixée, en 2015. Le Pacte Vert européen, la Stratégie nationale Bas Carbone, la Stratégie internationale et nationale Biodiversité, sont des feuilles de route déjà établies. Nous y conformer devrait être systématique et effectif, et les politiques nous sont redevables d’une exposition détaillée de la façon dont ils comptent y parvenir. Nous devons parler du climat et de la biodiversité. La situation environnementale devrait être sur toutes les lèvres. 80% des populations sont préoccupées par le changement climatique (sondage Ipsos, mars 2022). Un jeune sur deux déclare souffrir d’éco-anxiété (pensées obsessives, pertes d’appétit, troubles du sommeil, perte de sens, …). Dans ce contexte, des débats de fond quotidiens devraient avoir lieu sur les différents plans d’action nationaux et internationaux, la place des technologies et celle de la sobriété, nos stratégies d’adaptation, le rôle de la puissance publique en matière écologique et environnementale, le rôle des entreprises et des individus, l’accompagnement social, la solidarité vis-à-vis des pays les plus impactés par le phénomène. Il y a tant à dire, tant à faire et si peu de temps. Il y a surtout urgence car la fenêtre d’opportunité pour agir est tellement brève. Bientôt, il sera trop tard, lorsque nous auront atteint le seuil de non-retour, même pour nous adapter à l’irrémédiable.
Nous ne formulons, en ce moment, qu’une requête, que les journalistes et les rédactions prennent l’engagement volontaire de mettre l’accent sur le climat et la biodiversité à hauteur de 20% de l’espace audiovisuel disponible. S’entretenir avec les politiques, quel que soit leur bord, doit systématiquement faire l’objet d’un temps dédié à leurs propositions pour répondre à ce défi qui s’impose à nous comme une condition de survie. Sans cette exigence d’information sur les programmes climatiques et environnementaux, ces enjeux resteront toujours secondaires face à une actualité dense, axée sur l’immédiateté. Le malheur de la catastrophe climatique réside bien dans son échelle de temps, en déconnexion avec un monde dicté par l’instantanéité. Alors que le temps presse, après des décennies d’alertes, prenons enfin, tous ensemble, la mesure de l’urgence. Journalistes, faites votre travail, informez-nous sans cesse, réveillez les pouvoirs publics indolents. Responsables politiques, accompagnez-nous sans tarder vers un horizon vivable, viable et désirable pour nous et les générations futures. Prescripteurs, scientifiques, artistes, influenceurs, personnalités publiques, mobilisez-vous, et tous ensemble faisons, enfin, du climat et de la biodiversité la priorité du temps présent.
BEN RAIES Monji
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Universitaire, juriste internationaliste et politiste
Enseignant et chercheur en droit public et en sciences politiques
Université de Tunis El Manar
Faculté de Droit et des Sciences politiques de Tunis