Veille juridique / droit de l’urbanisme et de la construction : le permis nouveau est arrivé.

Hasard du calendrier, au moment où se produit ce terrible incendie qui vient de ravager Notre Dame de Paris, avec les nombreux commentaires relatifs aux travaux de reconstruction à venir, nos revues professionnelles font état du « permis de faire » et du décret du 11 mars dernier qui vient apporter d’importantes précisions à son sujet.


Qu’on l’appelle « permis de faire », « permis d’expérimenter » ou encore « permis de déroger », toutes ces terminologies étant synonymes, rappelons que celui-ci a été instauré par une ordonnance du 30 octobre 2018 faisant suite à la loi du 10 août 2018, dite « loi ESSOC », commentée dans le cadre de ces « veilles ». L’ordonnance précitée autorise les maîtres d’ouvrage et constructeurs à déroger à certaines règles de construction lorsqu’ils apportent la preuve qu’ils parviennent par les moyens choisis à des résultats équivalents à ceux découlant des règles auxquels ils entendent déroger. La démonstration doit également porter sur le caractère innovant des moyens choisis.


Le décret précité du mois dernier était attendu. En effet, il liste les règles pour lesquelles il peut être apporté une solution d’effet équivalent (SEE). De surcroît, il définit la procédure d’instruction de la demande de dérogation.


Ce décret abroge en outre le décret pris en 2017 régissant le « permis de faire expérimental ».


Que cherchent les pouvoirs publics à travers ces nouvelles réglementations ? Il a été avancé qu’on cherche à abaisser le coût de la construction, lequel s’est envolé en raison de l’affolante multiplication des règles et des normes de construction.


Lesdits pouvoirs publics ont retenu neuf secteurs dans lesquels il peut être proposé des techniques de construction innovantes pour déroger aux règles en vigueur. On notera en particulier les secteurs suivants : sécurité-incendie, performance énergétique et environnementale, acoustique, insectes xylophages, risque sismique ou cyclonique.


Si l’objectif est louable, consistant notamment et sans le dire ouvertement à s’extraire d’un maquis normatif coûtant fort cher, il met en place un système dont on verra à l’usage s’il est simplificateur et efficace.


Le système du « permis de faire » implique l’intervention d’organismes devant délivrer des attestations d’effet équivalent. Les pouvoirs publics ont déjà tenu à rassurer les organisations professionnelles et associations qui manifestaient la crainte que les objectifs chiffrés des règlementations en vigueur puissent ne plus être atteints, preuve que le sujet est sensible. On peut légitimement s’interroger également à propos de la façon dont les assureurs vont accueillir cette nouvelle réglementation. Vont-ils se précipiter pour assurer des professionnels qui attesteront (avec quelle certitude ?) que les moyens innovants assureront (dans combien d’années ?) des résultats équivalents à ceux des normes en cours ?


Si on ne perd pas de vue l’objectif louable des pouvoirs publics, en particulier la diminution des coûts de construction, on note, cependant, à nouveau la mise en place d’une réglementation complexe. Pour s’en convaincre, il suffit de prendre connaissance des règles instituées pour l’instruction de la demande d’attestation d’effet équivalent. Était-ce la meilleure solution pour atteindre les objectifs identifiés, ceci à une époque où les enjeux de la construction ou de la reconstruction sont d’une telle ampleur ?


Jean-Louis LANDES

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