VERS L’IMPASSE

VERS L’IMPASSE

Le 15 décembre 2024

Le transport aérien a retrouvé ses couleurs antérieures et les résultats de 2024 seront historiques même si le mur des 5 milliards de passagers et de 1.000 milliards de recettes ne sera pas franchi cette année. Il s’en faudra sans doute de très peu. Et la croissance se poursuit sans que l’on sache très bien où elle va s’arrêter. Les compagnies du Golfe sont toujours en demande de plus d’appareils sous la pression de l’Arabie Saoudite, le nouveau venu dans le club fermé des très grosses compagnies et le retour d’Etihad en meilleure forme. L’Asie poursuit son développement et l’Afrique commence sérieusement à pointer le bout de son nez. Bref tout paraitrait pour le mieux s’il n’y avait pas deux énormes obstacles à franchir : la décarbonation et la fabrication des appareils.

On peut être confiants quant aux avancées du secteur aérien dans la voie de la décarbonation, même si la date de 2050 semble utopique pour atteindre la neutralité carbone. Il faudra investir des sommes colossales dans la recherche pour y arriver et les clients du transport aérien devront bien payer. Nul doute qu’ils le feront s’ils y sont obligés, fusse en râlant.

Par contre le mur des livraisons d’avions est une tout autre histoire. Alignons quelques chiffres pour bien comprendre l’enjeu, ils sont tirés des analyses du cabinet IDAERO. Airbus estime qu’il faudra en 2040 près de 47.000 appareils pour satisfaire la demande or en 2020 il n’y en avait que 22.800 en service. Ils ont tous été remis en exploitation et dans les déserts il ne reste plus que 3.900 avions contre 15.200 en 2020. Et les commandes continuent à affluer. Le carnet de commandes est au plus haut avec plus de 15.000 appareils or les livraisons des deux principaux constructeurs sont en baisse par rapport à 2023. Si entre janvier et septembre Airbus avait engrangé 645 commandes nettes et Boeing 272, au total 917 en seulement 3 trimestres, les livraisons d’Airbus sont estimées à seulement 770 en 2024 et celles de Boeing ont énormément de peine à décoller, le constructeur américain n »’a livré que 13 avions au moins de novembre soit 4 fois moins que l’année précédente.

Alors comment combler le déficit de production par rapport à la demande de transport et au carnet de commandes qui ne cesse d’augmenter ? Voilà où est l’impasse d’autant plus que les motoristes et en particulier ceux qui fournissent les très gros moteurs sont aussi à la peine. Or sans moteur, pas d’avion et sans avionique pas d’avion non plus et sans une chaîne de production parfaite rien n’est possible. Donc les compagnies aériennes devront affronter pendant des années une pénurie de matériel. Voilà une équation particulièrement difficile à résoudre. Les transporteurs fabriquent leur programme d’exploitation plusieurs années à l’avance en fonction de leurs analyses de marché et des livraisons attendues d’après leur carnet de commandes. Or elles sont confrontées depuis la fin du terrible épisode du Covid aux délais de livraisons de leur outil de production. C’est comme si le constructeur d’une maison repoussait sa livraison indéfiniment car il serait incapable de la terminer. On voit bien les funestes conséquences pour un particulier alors pour de grandes machines que sont les compagnies aériennes, le stress est encore plus grand. Sir Tim Clark le CEO d’Emirates est le premier à se plaindre de n’avoir toujours pas la date de livraison des Boeings 777 commandés en … 2012.

Pour tout dire on ne voit pas comment sortit de l’impasse. Certes, il reste bien encore quelques appareils un peu anciens à remettre en service. C’est en particulier le cas des A 380 capables d’emporter plus de 500 passagers, mais cela sera loin de suffire, d’autant plus que les nouveaux appareils sont beaucoup plus performants que les anciens et les compagnies ariennes ont fait leurs calculs sur les bases des performances économiques et opérationnelles promises par les constructeurs.

D’ailleurs la pénurie de pilotes se profile également à l’horizon. Il faut compter une dizaine de pilotes pas appareil. Il reste donc à trouver au moins 400.000 nouveaux pilotes d’ici à 2040 sachant qu’il faudra bien remplacer les équipages actuels lorsqu’ils arriveront en bout de carrière. Mais comment ajuster la formation des équipages à celle des livraisons d’avions lorsqu’il n’y a pas de visibilité quant aux dates de réception ?

Or les clients ne veulent pas connaitre les difficultés des transporteurs, ils exigent que les programmes d’exploitation soient tenus. Finalement la seule façon de résoudre cette impasse serait de freiner la demande au moins jusqu’au moment où les constructeurs seront capables de livrer les commandes selon le calendrier défini. Il n’y a qu’une seule façon de faire : augmenter les tarifs pour diminuer la demande. Au fond est-ce une si mauvaise solution ?

 

Arnaud de Lamezan

Directeur des Achats - Management de Transition / Vice-président de l'association Marco Polo

1 mois

La demande mondiale semble avoir incontestablement des perspectives de croissance solides, qui pourront lui poser ce qu'on nomme dans ce cas des "problèmes de riches". Mais le secteur aérien ne devra pas oublier non plus que la vie n'est pas un long couloir tranquille et qu'il conserve une vulnérabilité certaine aux accidents de parcours (catastrophes aériennes, terrorisme, guerres, épidémies...). De ce fait, il me semble important d'intégrer aussi une forte dose de flexibilité dans l'équation du secteur pour les années à venir.

jean-marie douau

Americana French Gateway - promoting American destinations and travel in France

2 mois

Hormis Airbus et Boeing, où en sont les constructeurs chinois et russes...!?

Ilija Todoric

General Manager at APG-GA

2 mois

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