Vers une approche plus humaine et sensible du droit !

Vers une approche plus humaine et sensible du droit !

Qu’est-ce que l’irresponsabilité pénale ? Comment préparer son héritage ? Est-il possible d’imposer le passeport vaccinal ? Autant de questions soulevées récemment par les grands médias, et qui, parce qu’elles résonnent avec leur vécu, interpellent des millions de personnes. De fait, le droit est omniprésent dans nos vies et dans la sphère sociale : à ce titre, il est fondamental d’en maîtriser les rudiments. Or, force est de constater que le jargon des juristes est inintelligible pour le grand public. Si « les limites de [notre] langage signifient les limites de [notre] monde »[1], n’est-il pas temps de repousser ces barrières, et de penser le droit autrement que comme la chasse gardée des experts ?

Le « sacre de l’amateur »

La distinction entre « celui qui sait » et le profane n’est pas nouvelle. Dans La République, Platon plaidait pour un gouvernement de philosophes, réputés détenir la science du politique. Dans le Politique, il dépeint le médecin comme celui qui possède la connaissance du corps humain et peut donc imposer un traitement à son patient. Cette vision binaire de la société imprègne bon nombre d’institutions et de corps de métier. Néanmoins, elle est battue en brèche par les évolutions technologiques et sociétales de ces quinze dernières années. La « bit economy », ou l’accès facile et instantané à l’information, a atténué l’asymétrie de connaissances entre un professionnel et son client. C’est ce qu’analyse Patrice Flichy dans Le sacre de l’amateur : « La démocratisation des compétences contrebalance l’élitisme de nos sociétés et prolonge la démocratisation politique et scolaire que nous connaissons depuis deux siècles. ». Concrètement, l’individu entend devenir acteur de tous les domaines importants de sa vie. Il prend soin de sa santé sans attendre d’aller chez le médecin. Il contacte son conseiller patrimonial avec une idée des investissements qu’il veut réaliser. Et quand il fait appel à un avocat, c’est pour construire avec lui sa stratégie d’attaque ou de défense. De fait, le citoyen justiciable n’est plus du tout dans une optique platonicienne, et n’accepte plus de s’en remettre aveuglément au professionnel.

Rendre le droit plus intelligible

Reste encore que la matière juridique, tels qu’elle est conceptualisée et rédigée, rend cette autonomisation difficile. Si le Code Civil d’origine se voulait intelligible par tous, la technocratie européenne l’a considérablement complexifié. Nul n’est censé ignorer la loi, mais peu nombreuses sont les personnes susceptibles de la comprendre ! Or, le sens de l’Histoire est bien à la vulgarisation des concepts techniques. Des médecins, des épidémiologistes, des experts a priori peu enclins à parler au grand public font cet effort depuis le début de la pandémie. Pourquoi pas les professionnels du droit ?

Sans inventer un « Doctissimo » juridique, il est tout à fait possible de concevoir des contenus à la fois simples, intelligents et accessibles au plus grand nombre, sans pour autant écarter l’expertise des sachants pour leur mise en oeuvre. La meilleure approche, pour cela, est de tirer parti de notre capacité d’apprentissage par les sens. Là encore, il est peut-être temps de s’éloigner de Platon, qui professe que « la vision de l’esprit ne commence à être perçante que lorsque celle des yeux commence à perdre son acuité »[2]. Une connaissance n’est assimilée que si elle « résonne » en nous, visuellement ou musicalement. D’où l’importance de travailler sur les formats ! Ainsi, un podcast sera tout indiqué pour diffuser des informations courtes, la vidéo pour détailler des points de droit particulier, l’infographie pour illustrer l’ensemble d’une procédure, la fiche explicative pour définir un concept en quelques points… Tous les supports présentent un intérêt certain, à condition que le message soit synthétique et mis en valeur sur la forme. Car oui, l’esthétique a toute son importance, elle « fait bien partie des caractéristiques techniques d’un objet »[3], dans la mesure où elle va (ou non) favoriser son usage. Le travail des icones et des lettrines (ou legal design) a certainement, à ce titre, un très bel avenir.

Plus de pédagogie et de collaboratif

En somme, les métiers du droit vont probablement évoluer dans deux directions : plus de pédagogie et plus de collaboratif. En effet, pour se rapprocher du justiciable et rendre son expertise plus accessible, le professionnel devra s’entourer des compétences dont il ne dispose pas a priori. Il se mettra en cheville avec des graphistes et des webdesigners pour mettre en valeur son contenu. Il travaillera avec un éditeur à la synthétisation puis la médiatisation de son message.

Ainsi, le juriste et l’avocat ne sont pas condamnés à rester dans leur tour d’ivoire. Loin d’être menacés par la technologie, ils ont tout à gagner à faire évoluer leur métier en capitalisant sur le numérique et les nouveaux supports de communication. Dès lors, ils seront en mesure de répondre à ce nouvel impératif sociétal : rendre le droit plus humain.

[1] Ludwig Wittgenstein

[2] Platon, Le Banquet

[3] Idriss Aberkane, L’âge de la connaissance


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