Vers Une Stratégie Cyber Offensive
Florence Parly : « La guerre cyber a commencé »
La ministre des Armées a dévoilé vendredi la nouvelle doctrine d'emploi des armes informatiques et annoncé le recrutement de 1 000 cybercombattants.
Par Guerric Poncet
Publié le 18/01/2019 à 15:59 | Le Point.fr
La ministre des Armées Florence Parly a prononcé un discours majeur sur la stratégie cyber des armées, ce vendredi à Paris, dans un amphithéâtre rempli de responsables militaires et civils, y compris de pays alliés. « La guerre cyber a commencé et la France doit être prête à y combattre », a-t-elle affirmé, précisant qu'« aujourd'hui, la France choisit de se doter pleinement de l'arme cyber pour ses opérations militaires ». « Nous renforçons nos effectifs et d'ici 2025, nous compterons 1 000 cybercombattants supplémentaires », a-t-elle assuré. Ceux-ci seront répartis au sein du commandement de la cyberdéfense (Comcyber), de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et de la Direction générale de l'armement (DGA). « Nous renforçons les moyens avec 1,6 milliard d'euros investis pour la lutte dans le cyberespace », a-t-elle ajouté.
« Si des attaques ont pu porter atteinte à des infrastructures physiques, en Ukraine ou en Iran, elles n'ont pas encore réussi à provoquer des dommages massifs et durables à des économies et à des sociétés. Mais ce n'est sans doute qu'une question de temps », a poursuivi la ministre. « Nous n'avons probablement encore rien vu », s'est-elle inquiétée en évoquant l'avenir : « Songez à la combinaison future d'attaques cyber et d'intelligence artificielle, se livrant à un combat sur les réseaux à une vitesse défiant toute compréhension humaine. »
Une doctrine claire
« La France est en proie à suffisamment de menaces. N'y ajoutons pas notre propre naïveté », a martelé la ministre. « Nous avons décidé d'organiser une chaîne cyberdéfensive de bout en bout, qui protège autant nos forces que notre maintenance et notre industrie », a-t-elle poursuivi. Un partenariat entre le ministère et les industriels doit être annoncé lors de forum international de la cybersécurité (FIC), qui se tiendra à Lille les 22 et 23 janvier.
« Vous l'aurez compris, il faut éviter de tendre la joue », a ajouté Florence Parly, assurant qu'il « faut également préparer nos armées à cette nouvelle guerre, en nous assurant qu'elles disposent d'une doctrine et de capacités de lutte informatique offensive ». Concrètement, en cas d'attaque cyber contre les forces, la position est claire : « Nous nous réservons le droit de riposter, dans le respect du droit, par les moyens et au moment de notre choix », a expliqué la ministre. « Nous nous réservons aussi, quel que soit l'assaillant, le droit de neutraliser les effets et les moyens numériques employés », a-t-elle poursuivi. « Mais nous serons aussi prêts à employer en opérations extérieures l'arme cyber à des fins offensives, isolément ou en appui de nos moyens conventionnels, pour en démultiplier les effets », a-t-elle conclu.
Lutte informatique offensive
Cette doctrine a été précisée quelques minutes plus tard par le général Lecointre, chef d'état-major des armées. Le cyber est « envisagé aujourd'hui comme arme d'emploi, arme du champ de bataille dans nos opérations », a-t-il expliqué. Évoquant un milieu original, car « d'origine anthropique, entièrement créé et façonné par les hommes, qui ont déployé des réseaux, les ont interconnectés », il a rappelé que « les contours et la structure de ce milieu ne cessent d'évoluer au gré des actions humaines, volontaires ou non ». Les armes cyber sont pour lui des « instruments incontournables de l'action militaire », face à « des potentialités de désorganisation massive qui ne doivent pas être ignorées, mais intégrées dans une pensée stratégique renouvelée ».
Le général Bonnet de Paillerets, commandant de la cyberdéfense, a rédigé la doctrine de lutte informatique offensive (LIO) qui restera – logiquement – secrète, mais dont quelques éléments ont été présentés. L'objectif est « d'intégrer cette nouvelle capacité à la manœuvre d'ensemble des armées », a assuré le général Lecointre.
Arme maîtresse
« La lutte informatique défensive est essentielle à la protection de nos moyens dans la conduite des opérations, mais il est possible d'aller au-delà : la lutte informatique offensive peut être un formidable démultiplicateur d'effets », a-t-il ajouté, espérant « tirer parti des vulnérabilités des systèmes numériques adverses ». Cela « élargit considérablement le champ des possibilités et la palette des options modulables que je suis susceptible de proposer au président de la République », s'est-il félicité.
Selon lui, trois grands effets peuvent être obtenus sur le plan opérationnel : « le renseignement, par l'extraction et le recueil d'informations, la déception (tromper l'adversaire, NDLR), en permettant la modification des capacités d'analyse de l'ennemi, et la neutralisation, en permettant la réduction, voire la destruction des capacités cyber et militaires adverses ». Pour résumer sa pensée, il a cité le stratège britannique John Fuller : « l'arme maîtresse n'est pas obligatoirement la plus puissante ou celle qui assène le plus de coups ; c'est l'arme qui, ayant la plus longue portée, peut entrer la première en action et servir de couverture aux autres armes ». On croirait lire la définition de l'arme cyber...
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