Victime de la Mode

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« Quand tourne le vent, on accuse les girouettes ».

Un proverbe dont le Chili fait les frais. Chouchou des marchés obligataires ces dernières années, le pays est en queue de peloton des moins bons performers latino-américains, il est même le dernier parmi les émetteurs émergents de « catégorie investissement » : sa dette libellée en dollars recule de près de 18% cette année.

Craint-on pour la solvabilité du pays ?

Non, bien loin de là puisque le Chili reste solidement noté (A) et a démontré des années de rigueur financière. L’adoption d’une nouvelle Constitution qui devrait offrir plus de services sociaux et augmenter les dépenses fiscales est évoquée mais la relative stabilité de la prime de risque du pays ne valide pas réellement cette hypothèse.

Alors comment expliquer la correction ?

Le Chili est en quelque sorte victime de son succès. Ce succès qui lui a permis d’emprunter très régulièrement sur les marchés obligataires ces dernières années et à des conditions avantageuses : de petits coupons sur des maturités particulièrement longues, allant jusqu’à un emprunt à 50 ans. Et, la remontée actuelle des rendements est particulièrement douloureuse puisque sa dette a une maturité moyenne de plus de 18 ans mais surtout une duration 11.4 années!

En comparaison, la dette mexicaine, notée BBB, s’en sort mieux avec une maturité moyenne de plus de 20 ans, mais une duration de 10.13 années, elle ne baisse « que » de 16%. Ces différences s’expliquent par la différence des coupons moyens : 3.23% au Chili et 4.53% au Mexique. Dans la catégorie « high yield », le Brésil (BB-) offre également une illustration intéressante : une vie moyenne de 11 ans mais une duration de 6.8 années en raison d’un coupon moyen élevé (5.22%), les obligations brésiliennes ne perdent que 8.7% cette année grâce à leur plus faible sensibilité au risque de taux.

Si les maturités longues et les petits coupons font les beaux jours des investisseurs dans les cycles de baisse de rendements, le retour de bâton est douloureux. De plus, à l’exception d’un emprunt, le Chili n’a émis que des formats ESG depuis 2019, il a même été le premier Etat à émettre une obligation liée à la durabilité (SLB). Sur ce marché, les investisseurs sont plutôt institutionnels et favorisent les maturités plus longues et une détention de ces dernières jusqu’à maturité (buy and hold). Les investisseurs sont également prêts à payer une prime verte (greenium) signifiant qu’ils acceptent d’être rémunérés légèrement moins que sur la dette conventionnelle.

Ces conditions de marché et de format ont soutenu le succès du Chili. Elles n’immunisent cependant pas les obligations pour autant : la prime de risque de l’emprunt conventionnel 2031 a eu la même trajectoire que sa contrepartie verte 2032.

Finalement, quel que soit le format, lors des mouvements de remontées de rendement, la duration devient l’ennemi numéro 1. Et par soucis de réduction de risque, les investisseurs vendent, au risque de se faire eux aussi accuser d’être des girouettes.

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