Vidéo. P. Vimont et B. Tertrais Quelles relations franco-russes ? + Résumé
En 2019, Emmanuel Macron a annoncé vouloir renouer le dialogue avec la Russie. Cette initiative a été diversement appréciée, notamment par d’anciens satellites de l’URSS comme la Pologne, ou d’anciennes Républiques Soviétiques comme les Pays Baltes, membres de l’OTAN comme de l’Union Européenne (UE). Quel est le contexte de cette démarche française ? Quelles sont étapes du dialogue ? Quels sont les premiers résultats ? Pierre Vimont et Bruno Tertrais tentent de répondre à ces questions dans un débat instructif. Une visioconférence organisée le 16 novembre 2020 par Diploweb.com et la Prépa ENC Blomet (Paris) en partenariat avec le Centre géopolitique et Regard sur l’Est (RSE). Accompagné d’un résumé par Jeanne Durieux
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Résumé par Jeanne Durieux pour Diploweb.com
Pierre Vimont explique que la motivation d’Emmanuel Macron en 2019 tient à la nécessité de faire le nécessaire pour combler le manque de dialogue avec la Russie, crucial dans les enjeux bilatéraux comme européens. Au plan bilatéral, pendant tout le quinquennat de François Hollande, il n’y a eu que très peu de contacts entre les gouvernements français et russe. La raison de cette absence de dialogue politique tient aux agissements de la Russie, et notamment à son intervention en Ukraine, avec l’annexion de la Crimée et l’ingérence russe dans le Donbass (2014). Si ces réactions étaient nécessaires, on a pu penser que du côté français, cet engagement dans une politique restrictive à l’égard de la Russie ne s’accompagnait d’aucun maintien d’une discussion. Idem pour Bruxelles, où l’on parlait de la nécessité d’un dialogue à deux voies, c’est-à-dire de prendre des sanctions tout en maintenant un dialogue avec la Russie. Or depuis 2013-2014, la deuxième voie n’a jamais été empruntée par les Européens. Les quelques tentatives lancées par les institutions européennes pour lancer un dialogue n’ont jamais débouché.
La France cherche donc en 2019 à lancer une initiative bilatérale, dans le souci de développer un dialogue de confiance et de sécurité avec la Russie. Paris s’inscrit dans l’optique de convaincre progressivement les partenaires européens de la nécessité de la voie du dialogue.
On a donc tenté de (re)lancer plusieurs groupes de travail sur des sujets qui paraissaient le plus susceptibles d’intéresser la partie russe. Plutôt que d’en rester à l’approche diplomatique, on a voulu élargir la discussion à d’autres sujets plus proches d’une coopération traditionnelle : industrie spatiale, lutte contre le réchauffement climatique, défense des droits de l’homme, prise de contact des sociétés civiles des deux pays. Les groupes de travail voient alors leur format élargi pour y inclure des représentants d’autres domaines et permettre ainsi d’avoir une meilleure connaissance de la société russe. En fait, il faut comprendre l’état d’esprit russe, pour adapter ainsi notre politique et notre diplomatie.
P. Vimont : Le principe même de la diplomatie consiste à lancer le dialogue. Sans cela, rien ne peut être fait, et l’Histoire le prouve bien.
Les Pays Baltes, la Pologne ou la Roumanie ont été très critiques en affirmant qu’ils connaissaient bien la Russie et que l’entreprise française était vouée à l’échec. Or, eux-mêmes ont reconnu par la suite que leur connaissance de la Russie s’était considérablement amoindrie depuis leur prise d’indépendance. On tente donc de rétablir aussi ce dialogue.
On a au fond reproché à la France sa supposée naïveté excessive : elle renoncerait à ses principes, et diviserait les Européens pour ouvrir la voie à la prédominance des intérêts russes.
En l’occurrence, la France a répondu que Paris ne remettrait absolument pas en cause la solidarité européenne et les mesures de Bruxelles. En terme de fermeté, la France a montré au moment de l’affaire Navalny (2020 - ) une grande rigueur. En outre, les détracteurs ont avancé qu’il n’y aurait rien à attendre de la part de Moscou. En faisant le premier pas, la France aurait fait une concession à la Russie qui ne devrait pas avoir lieu, alors même que la Russie ne fait preuve d’aucune ouverture sur les dossiers syriens et ukrainiens... pour diminuer les tensions avec la France et les Européens.
Pourtant, on semble oublier que le principe même de la diplomatieconsiste à lancer le dialogue. Sans cela, rien ne peut être fait, et l’Histoire le prouve bien.
Il est certain que fin 2020 certaines des actions menées par la Russie ont compliqué cet effort de relance du dialogue entre Paris et Moscou. La crise en Biélorussie (2020 - ), ou encore l’affaire Navalny (2020 - ) montrent bien que la Russie reste sur une position fermée, soucieuse avant tout de défendre ses intérêts propres sans chercher à partager le dialogue et ses réflexions avec ses partenaires.
Pourtant, si nous avons bien réagi sur certaines affaires en instaurant des sanctions, il faut surmonter cette méfiance pour convaincre de la nécessité de l’échange, et de la possibilité de trouver un terrain d’entente. Le 20 janvier 2021, la nouvelle administration américaine verra probablement un partenaire américain plus soucieux de travailler avec l’UE sur les grands dossiers actuels et la collaboration avec la Russie.
Avec nos partenaires Européens, nous nous devons de commencer à réfléchir sur la redéfinition de notre politique avec les pays d’Europe de l’Est.
Bruno Tertrais salue ce dialogue renforcé. Il est important de tuer l’argument selon lequel « on a cessé de parler avec la Russie ». On a pu constater une nette perte de participation active des diplomates russes aux colloques et ateliers sur le sujet de la sécurité internationale : il est tout à fait bénéfique que les voisins se reparlent de nouveau. Alors que nous sommes dans un monde où la Turquie et la Russie font partie des acteurs les plus aptes à avancer leurs pions dans notre environnement immédiat, il est nécessaire d’avoir de bonnes relations avec les deux.
B. Tertrais : La Russie face à un pays avec lequel il faut être dans le pur rapport de force.
En revanche, Bruno Tertrais reste dubitatif face aux possibles résultats. L’ambition affichée par E. Macron est aussi la redéfinition d’une nouvelle architecture de confiance et de sécurité en Europe, et B. Tertrais n’en voit guère les prémisses, sceptique lorsque Macron affirme qu’il n’est pas naïf face à la politique du Kremlin. (fin de l'extrait du résumé, il reste 60%)
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Expert géopolitique
3 ansQui sont les orateurs ? Pierre Vimont est Ambassadeur de France et représentant du Président de la République française pour l’architecture de la sécurité et de confiance avec la Russie. Bruno Tertrais est Directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). Une visioconférence organisée le 16 novembre 2020 par Pierre Verluise pour Diploweb.com et la Prépa ENC Blomet (Paris) en partenariat avec le Centre géopolitique et Regard sur l’Est (RSE).