Vivre dans un monde obsolète

Nous avons comme l'impression de vivre dans un monde qui ne nous convient plus.

Les institutions qui ont été inventées pour cristalliser le partage de pouvoirs et de responsabilités au sein de la société se sont métamorphosées pour être réduites à de lourdes machines bureaucratiques rouillées gourmandes en ressources sans une réelle valeur ajoutée.

Plusieurs études viennent confirmer que le modèle macro-économique proposé au début du vingtième siècle par Keynes s'avère être incompatible avec le monde actuel. L'avènement des technologies associées au numérique donne lieu à des pratiques, en particulier financières, qui échapent aux radars qui lui permettraient d'en assurer la régulation.

L'emploi, qui s'assimilait à un droit pour les citoyens risque de disparaître ou d'être réduit dans des proportions jusque là insoupçonnées.

Les idées de progrès qui avaient longtemps suscité l'engagement et mobilisé les intellectuels et derrière eux les masses ont laissé place à l'incertitude pour les jeunes et à un sentiment profond de déception pour les moins jeunes.

Les intellectuels, eux mêmes, se sont retrouvés marginalisés dans un déluge d'images, de discours et de visages de pseudos intellectuels-militants.

Ces derniers, propulsés au devant de la scène notamment par les médias, ne sentent plus la nécessité de disposer des prérequis de savoirs ou de sagesse. Ils tendent souvent à détruire les limites et à déconstruire les structures qui établissent les fondements même de la condition humaine.

Ainsi, par exemple, au nom de l'égalité on prêche pour un égalitarisme qui efface la complexité subtile et les asymétries riches que recèlent les liens sociaux.

Et au nom d'une représentation simpliste de la liberté on s'attaquent aux structures qui donnent sens à l'expérience humaine. Et au nom d'un universalisme, nourri par un résidu colonialiste des uns et par une auto-servitude des autres, on veut imposer une certaine vision du monde. Et cela se fait avec une violence, matérielle et soft, qu'il provoque des réactions radicales qui fragilisent encore plus les efforts de rapprochement des civilisations.

Et au nom de l'individu on risque d'affaiblir les individualités en orientant les populations selon la maigre volonté du marché.

Les modèles inventés il y a près de trois siècles, au nom de la modernité ont atteint leur date de préemption. Au final ceci pourrait constituer une bonne nouvelle pour l'humanité. Un renouvellement de la responsabilité de penser les conditions de la vie humaine.

Vaste projet !

La construction d'un nouveau modèle sociétal exige au moins les actions suivantes:

- revenir par la pensée aux alternatives qui s'offraient à l'humanité il y a trois siècles et analyser profondément les raisons qui avaient conduit à faire certains choix,

- identifier les valeurs qui ont été adoptées par la majorité des civilisations et qui ont pu traverser l'histoire humaine. Ces valeurs pourraient par la suite être utilisées pour constituer un socle valoriel commun à partir duquel des enrichissements spécifiques peuvent être envisagés,

- ériger en valeurs centrales le savoir, les liens humains de solidarité, la reconnaissance de la complexité comme réalité inhérente à la condition humaine, l'acceptation des différences et le dialogue,

- militer pour un vrai universalisme culturel et maintenir un dialogue conflictuel pacifique entre les civilisations, ce qui favoriserait un enrichissement mutuel.

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