Vote électronique et tire-bouchon

A mes amis amateurs de vins et à mes étudiants MédiaSchool, je dédie aujourd’hui une ‘vini-note électorale’ ! Ecrite il y a précisément 15 ans, le 22 avril 2007 et qui demeure d’une totale actualité !

VOTES ET BOUCHONS : LES ACTES CITOYENS

" Il y a des gestes qui comptent pour les adultes citoyens, majeurs et vaccinés (aux vins de qualité). Des gestes qui sont remis en cause aujourd’hui par une modernité doublée d’une recherche d’efficacité. Je veux parler de 2 gestes fortement symboliques et intimement liés à notre patrimoine français.

Le premier, essentiel en ce dimanche électoral : le vote manuel et le second, d'une toute autre importance: l’utilisation du tire-bouchon.

Je réside en effet à Epernay, une des 68 communes françaises de plus de 3500 habitants ayant adopté pour les « machines à voter ». Avec lesquelles on désigne son (sa) candidat(e) préféré(e) en appuyant sur un simple bouton. « Système fiable, plus moderne, plus rapide et plus économique » nous assure-t-on.

Fiabilité confirmée par une amie membre du conseil municipal qui a testé récemment la machine avec des vote en blanc ( A ne pas confondre avec les votes blancs qui sont naturellement possibles sur la machine grâce à un bouton spécial  marqué Vote Blanc alors que les boutons des candidats portent des numéros identiques à ceux des panneaux électoraux.

GENERATION POUSSE-BOUTONS

Ce type de vote n’est pas sans me faire penser aux machines à sous- je me permets cette comparaison iconoclaste avec un rappel sur leur prolifération autorisée par Charles PASQUA entre …les 2 tours de la Présidentielle 1988.

On ne tire plus sur le bras de la machine mais on se contente d’une simple pression sur le bouton pour gagner ou faire gagner son candidat-numéro favori ….

Je suis d’une génération ni jeune, ni ancienne ( millésime 63 avec premier vote en 81 / texte écrit en 2007 - ndlr ) appréciant la modernité comme la tradition.

Mon constat va bien au-delà d’une nostalgie facile.

Je déplore la perte de la symbolique, du geste ou plutôt des gestes qui durent quelques secondes. Où l’on peut jusqu’au dernier instant, choisir la droite ou la gauche – comme pour tirer un pénalty au  football.

Avec l’émotion d’accomplir et de participer à un acte historique – comme des millions d’autres français - :  prélever  parmi tous les bulletins, son préféré , le plier, le glisser d’abord dans l’enveloppe bleu délavé puis dans l’urne transparente de la démocratie.

GENERATION TIRE-BOUCHON

Autre geste de citoyen oenophile menacé :  celui du débouchage de bouchon.

Je ne parlerai pas des bouchons synthétiques déjà vilipendés dans ma note " dégout de bouchon " du 3 avril mais de la froide capsule à vis.

Considéré comme un mal nécessaire à bord des avions ( les célèbres, mais pas fameux, « quarts à vis » ), elle a été fortement adoptée par les vins de l’hémisphère Sud - notamment australiens, des vins français bon marché et également, depuis peu, par le Domaine LAROCHE de Chablis pour de nombreuses cuvées et marchés, dans le Bordelais, par le cru bourgeois AGASSAC et le Château Margaux : à titre expérimental pour son second vin PAVILLON ROUGE .

La capsule à vis est promise à une belle expansion dans les années à venir grâce à sa praticité ( appréciés des femmes ) et les problèmes récurrents du liège ( les « déviations organoleptiques » concerneraient 4% des vins). Elle cohabitera avec le liège, comme la cuve inox et le fût de chêne le font pour la vinification ou l’élevage.

Il y néanmoins là encore là une gestuelle culturelle forte qui est menacée.

Celui d’une capsule – porteuse de la tête de Marianne représentant l’Etat et ses droits : nous y revenons ! – à ôter , d’un bouchon à percer puis à tirer à l’aide du fameux objet et du bruit – de ce bruit essentiel - du bouchon tiré de sa bouteille : comme le plaisir sonore annonciateur de tous les autres plaisirs.

PAN ! Bruit du bouchon ….

CLING ! Bruit métallique du bras de l’urne …..

A voté !

A déguster !

Je suis pour le parti du bouchon. Avec modération citoyenne.

PS : Je viens d'accomplir mon devoir électoral.

D'un seul point de vue pratique, il faut reconnaître que le vote électronique est plus rapide. D'un point de vue sonore :  un "bip" repris par le " a voté " du scrutateur valide son enregistrement. 

Petit souci néanmoins pour mon bureau de vote : il n'y avait qu'une seule machine là où se trouvaient autrefois plusieurs isoloirs : d'où une attente légère attente génératrice de ...bouchon ! "

Charles BAI – LudiViniBlog du Dimanche 22 avril 2007