Vous avez dit « réforme de l’Etat » ?
Un titre qui peut être trompeur

Vous avez dit « réforme de l’Etat » ?

Le Monde dans son édition datée de demain traite d’une relation ambiguë entre le Président de la République et l’Etat. Comme observateur du fonctionnement public depuis de très nombreuses années, je pense que le mal est beaucoup plus profond. La question n’est-elle pas davantage : est-ce qu’un Président de la République, élu pour cinq ans, dispose des pouvoirs et du temps nécessaires pour transformer un ensemble aussi sclérosé et aussi complexe ? Personnellement, je pense que non. Cette révolution copernicienne requiert un consensus total entre l’Exécutif, le Parlement et le système administratif lui-même. Cette condition préalable n’est pas remplie à ce jour.

La première question à se poser consisterait d’ailleurs à élucider ce qu’est l’Etat aujourd’hui. Le vocable « Etat » est utilisé pour désigner plusieurs attributs, celui du mode d’organisation sociale territorialement défini, comme celui désignant certaines administrations relevant de l’autorité du Gouvernement. Tantôt, on le confond avec le souverain, avec le prestige et la pompe qui lui sont attachés, tantôt il apparait dans le dénuement d’une administration appauvrie, incapable de nouer une relation de confiance avec les autres administrations, entrainant une dégradation de l’action publique. Les devoirs et droits de chacun des acteurs publics n’étant pas clairement identifiés, et une sourde défiance régnant dans leur relation.

Pourtant, un désir impatient s’est exprimé en faveur d’une plus grande proximité et lisibilité de l’action publique, lors de la crise des gilets jaunes, donnant lieu à un Grand Débat national témoignant en creux de l’échec des réformes précédentes. A ce stade, une nouvelle réforme n’aurait donc de sens, que si, et seulement si, elle proposait d’aborder sous un prisme différent les grands concepts déjà abondamment utilisés dans les textes de loi des dernières décennies. De simples ajustements n’y suffiront pas, seule une vraie et réelle transformation de l’action publique repensée dans sa globalité permettrait de sortir de l’impasse. Et la transition numérique nous en offre l'occasion historique.

Cela supposerait que les administrations publiques, qu’il s’agisse de l’Etat, de la Sécurité sociale, ou des Collectivités territoriales parviennent à s’entendre comme un ensemble uni conjointement et solidairement en vue de mener ensemble l’action publique, en veillant à ce leur sectorisation ne constitue par un fractionnement mais au contraire un caractère unitaire à l’organisation décentralisée selon les termes de notre Constitution. Pour y parvenir, il ne suffit pas qu’une seule le veuille, toutes doivent y souscrire.

La contrepartie devrait consister à ce que chacune d’elle s’oblige à permettre à chaque échelon territorial de son organisation de « prendre des décisions pour des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon », selon le principe de subsidiarité. Un principe de confiance mutuelle et une présomption de bonne foi et de loyauté dans leurs relations devrait aussi être instauré et sanctionné en cas de non-respect. Afin d’en finir avec certains réflexes du pouvoir hiérarchique d’un autre temps, les relations inter administratives devraient s’établir selon un mode de coopération ou de coproduction, et non selon un mode tutélaire, comme il subsiste encore. Le principe de bonne foi viendrait faire contrepoids à la toute-puissance actuelle du formalisme juridique.

Les conditions d’une telle transformation du paradigme de notre fonctionnement public vont donc au-delà de la seule volonté du Président de la République. Certes, il doit en manifester la volonté, mais les plus hauts responsables des six millions de fonctionnaires ou assimilés placés au service des Français doivent y souscrire, dans un grand élan national, pour le sursaut que nous impose la crise sanitaire avec toutes ses conséquences.

Beaucoup de nos traditions administratives restent inspirées du Conseil National de la Résistance, au lendemain de la guerre. L’après Covid appelle au moins autant de consensus national pour réinitialiser notre logiciel national. Il n’y a donc plus de temps à perdre.

Olivier Klein

Conseil de direction

3 ans

Vraie question, cher Alain!

Claire Jean-charles

directrice générale de l administration de la Guyane

3 ans

Merci , cela me semble tellement réaliste de la situation !

Marc TEYSSIER d'ORFEUIL

Directeur général chez Com'Publics

3 ans

Encore merci pour l’expression de votre réflexion cher Alain Lambert. Le principe d’une confiance mutuelle et la présomption de bonne foi permettrait de changer de paradigme. C’est un projet pour le prochain mandat que vous portez la , reste a le faire partager par les candidats , mais c est la seule voie qui permettra de sortir de l’impasse et de nos lourdeurs administratives qui nous pénalisent tant....

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