WACC: Alerte à l'apprenti sorcier en politique énergétique

WACC: Alerte à l'apprenti sorcier en politique énergétique

Les esprits que j'ai réveillés ne veulent plus m'écouter. C'est le sort qui a frappé l'apprenti sorcier de Goethe après qu'il eut essayé une formule magique. Un scénario similaire menace désormais la politique énergétique suisse en raison d'une adaptation du calcul des intérêts sur le capital investi dans le réseau électrique.

Peu avant les vacances d'été, le Conseil fédéral a proposé de modifier ce calcul. Ce sujet, indigeste et technique de prime abord, ne doit pas être sous-estimé. En effet, le taux d'intérêt constitue le pilier central pour le financement de nos infrastructures énergétiques. Si l'on joue sur les paramètres de ce taux, cela ne sera pas sans conséquences – imprévisibles – sur l'ensemble de la mécanique des investissements dans l'approvisionnement en énergie.

On le sait: le besoin d'investissements dans le système énergétique est énorme. Dans les Perspectives énergétiques 2050+, la Confédération l'estime à 1500 milliards de francs d'ici 2050, réinvestissements et transformations compris. Pour que ce montant colossal soit disponible, les bailleurs de fonds ont besoin de certaines garanties. Sinon, leurs capitaux migreront vers d'autres secteurs, ou quitteront même le pays. Pour les investissements en infrastructures énergétiques dans la production et le réseau, il est donc essentiel que le capital produise des intérêts de manière stable et équitable. Cela est particulièrement important pour les installations hydroélectriques et les réseaux, dont l'horizon d'investissement peut aller jusqu'à 60 ans.

Comme le réseau est un monopole naturel, un taux d'intérêt WACC (Weighted Average Cost of Capital) est fixé par l'État. La méthode du WACC existante garantit la clarté, l'actualité et la stabilité nécessaires. Cela fait maintenant des années que cette méthode a fait ses preuves dans la pratique et qu'elle est largement soutenue du point de vue scientifique. 

C’est précisément au moment où la loi pour l'électricité vient d'être approuvée clairement et nettement par le peuple suisse que le Conseil fédéral s'apprête à ébranler ce système qui fonctionne – ce dans le but de réduire les tarifs réseau pour des raisons politiques. Un tel tour de passe-passe aurait inévitablement un impact sur les investissements dans les infrastructures. Il provoquerait une incertitude considérable chez les investisseurs et dresserait de sérieux obstacles à l'attrait de capitaux indispensables pour couvrir les besoins d’investissement urgents en vue de l'extension du réseau. Comme les entreprises d'approvisionnement en électricité réinvestissent directement le rendement obtenu sur leurs fonds propres dans les réseaux, elles disposeraient de moins d'argent pour les (ré)investissements.

Le changement de la méthode du WACC ne dégraderait pas seulement les conditions-cadres liées aux investissements dans le réseau. Le WACC pour le réseau et celui pour l'encouragement des énergies renouvelables étant étroitement liés, la modification aurait pour conséquence d'augmenter les besoins d'encouragement des énergies renouvelables – sans que cela ne génère un seul kilowattheure d'électricité supplémentaire.

La modification de la méthode du WACC serait un poison pour les investissements nécessaires de toute urgence dans l'ensemble de notre approvisionnement énergétique. Elle mettrait en péril non seulement la réalisation des objectifs de la stratégie énergétique et climatique, mais saperait la sécurité d'approvisionnement, essentielle pour l'économie et la société. Les dernières années ont déjà montré à quel point notre système énergétique est devenu vulnérable.

Il convient donc de rejeter fermement cette expérience aux motivations purement politiques, afin d'éviter que, dans quelques années, les esprits réveillés ne nous placent devant une amère réalité.

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