Wonder Woman ( Patty Jenkins)

Wonder Woman ( Patty Jenkins)

En avons-nous trop attendu de Wonder Woman?

On est en droit de se poser la question. En effet, ce projet super-héroïque à nul autre pareil canalise les espoirs depuis l'annonce de son lancement. Un premier film consacré à une super-héroïne - "la" super-héroïne, qui plus est - en une période active d'adaptations de figures de sur-hommes à l'écran et de défense des égalités hommes-femmes, le tout chapeauté par une réalisatrice. Du pain béni, une grande première ! Sans oublier que depuis sa sortie aux Etats-Unis, les superlatifs de la critique s'entassent joyeusement sur les pages et les blogs du monde entier : "magnifique", "sublime", "royal", même. Ajoutons à cela que le métrage au budget estimé de 150 millions de dollars s'est presque remboursé uniquement avec les recettes engrangées sur le sol U.S, succès financier de plus en plus rare et qui assure d'ores et déjà une suite aux aventures solo de la redoutable amazone.

Pourtant, derrière cet écran de louanges, cette adaptation de la bande-dessinée iconique estampillée DC comics (quatrième volet de la saga démarrée avec le Man of Steel de Zack Snyder) est-elle réellement aussi puissante et messianique que prévu?

Spectateurs, résumons la chose le plus simplement possible: si vous estimiez que Batman V. Superman était un mauvais film, il serait hypocrite, pour ne pas dire plus, que vous encensiez Wonder Woman.

Car le second film de Patty Jenkins, excellente réalisatrice aux commandes de l'incroyable Monster, aussi maîtrisé soit-il en termes de caméra, n'échappe presque jamais aux conventions en vigueur dans les blockbusters actuels. Vous vouliez une révolution? Le récit de Wonder Woman ne vous l'apportera pas, menant son héroïne de situation en situation au gré d'un rythme plutôt paresseux et de lieux communs parfois usés jusqu'à la corde, en sus d'un message pourtant porteur de beaucoup d'espoir dont la catalyseur est le personnage éponyme, Diana Prince.

Evacuons tout malentendu : Gal Gadot est exceptionnelle. La comédienne dévore l'écran de son charisme, de sa force et de sa surprenante fraîcheur. La chorégraphie de ses (trop rares) combats est un bonheur de maîtrise, bien qu'un peu trop empruntée à la gestuelle type de Zack Snyder et de ses incessants ralentis clipesques, parfois remis dans des situations dantesques et, pour le coup, inédites. Par exemple, on note cette première bataille d'introduction sur Themyscira, l'île des amazones, où Robin Wright, Connie Nielsen et leur troupe de guerrières montées affrontent sur une plage paradisiaque un régiment de soldats allemands (ayant fait un peu trop facilement irruption sur une île supposée dissimulée au monde par les Dieux, mais passons.) Ou encore, une intense séance de combat sur le front, où Diana récupère à elle seule un village occupé après avoir investi un no man's land grisâtre qu'elle illumine de ses couleurs, telle la superbe icône que la culture populaire a toujours retenu.

En ce sens, le film Wonder Woman est porteur d'une chance incroyable : celle d'offrir au monde une guerrière sans merci, implacable et apte à mener dans son sillage les plus avachis des soldats, telle la figure de proue d'un tableau d'Eugène Delacroix. Un personnage mit dans de telles situations va créer des émules et comme c'est à espérer ! Sans parler forcément de symbole féministe car, dans les faits, Wonder Woman n'en est pas vraiment un plaidoyer, présentant les rapports humains et surhumains à une échelle presque timorée. La dynamique qu'entretient Diana avec Steve Trevor (très sympathique Chris Pine) va au-delà des conventions du love-interest et si romance il y a, il n'est jamais question de rapports de forces entre ces deux personnages, deux guerriers en pleine tourmente qui tentent de comprendre à tête reposée leurs mondes respectifs. En résultent de petits échanges savoureux, jamais trop poussifs, où Diana pointera factuellement du doigt les inégalités d'une société patriarcale, encore très marquée dans la Londres du début du 20ème siècle. Une candeur bienvenue qui n'empiète jamais sur le côté bad-ass jouissif du personnage, créant parfois même des sympathiques traits d'humour.

Doit-on rappeler que les décors, la photographie et les effets spéciaux sont à la hauteur ? De nos jours, il va de soi que sur de si grosses productions, le minimum syndical l'exige et à l'exception de quelques incrustations de synthèse assez infectes (pour ne pas dire franchement dégueulasses sur le plan final), le film fait totalement le travail de ce point de vue. De plus, on saura gré au compositeur Rupert Gregson-Williams d'avoir usé avec parcimonie du super main theme musical composée par Hans Zimmer.

Reste que de beaux décors et une incroyable héroïne n'interdisent pas non plus une véritable construction scénaristique. C'est en cela que le film de Jenkins pèche. Si la seconde partie du métrage tend à se dégonfler franchement en termes de rythme, accusant un mauvais équilibre entre combats et scènes intimistes, son troisième acte épouse et embrasse les poncifs les plus vus et revus de tout le cinéma à grand spectacle: explosions, combats dans les flammes, grandes tirades et gros-vilain-pas-beau. Chaque case du cahier des charges made-in-action-flick a été consciencieusement cochée et l'indigestion et la gêne nous guette à chaque plan de ce final grossier qu'on avait pourtant déjà largement reproché à Batman V. Superman - avec lequel le lien ne va pas se faire sans une grosse incohérence concernant le parcours moral de Diana. En cours de route s'ajoutent des seconds couteaux à peine esquissés, pourtant tous assurés par de véritables gueules, dont le français Saïd Taghmaoui (fez vissé sur la tête), l'écossais Ewen Bremmer (inoubliable Spud de Trainspotting, kilt aux genoux) et Eugène Brave Rock (cascadeur d'origine amérindienne surnommé "Chef") mais dont la brochette ainsi dressée servirait plus au début d'une mauvaise blague raciste qu'à un véritable ressort scénaristique. Même constat pour les méchants, lisses et aux motivations basiques, dont Danny Hudson, en roue libre en général allemand et Elena Anaya (La Piel que Habito), dont les origines et l'étrange masque ne sont jamais expliqués.

Sans parler forcément d'incohérences, le scénario accuse un paquet non négligeable d'oublis en tout genre que même la suspension d'incrédulité rend difficilement occultables : comment fonctionne réellement les pouvoirs de Diana ? En quoi est-elle essentielle aux plans du dieu Arès ? Pourquoi les soldats allemands changent de dimension sans se poser de réelles questions? Pourquoi leurs navires coulent en pénétrant le voile qui les séparent de l'île des amazones? De petits détails mais qui, accumulés aux poncifs susmentionnés, achèvent de donner à ce film d'importance un arrière goût désagréable de déjà-vu et d'écriture vite expédiée d'autant plus regrettable que Wonder Woman, film événement à plus d'un titre, méritait bien mieux.

Jenkins a troqué les écueils d'une origin-story contre un récit oscillant maladroitement entre film de guerre et fresque super-héroïque et il s'il est totalement louable d'avoir privilégié le film d'époque pour installer Diana parmi nous, il reste aussi certain que la multiplication de cadres a réduit les possibilités infinies qu'offraient ce personnage mythique.

Toutefois, il demeure primordial que le film marche. La première super-héroïne au monde enfonce les portes du box-office à coups de tatanes bien senties et le regard sans fioritures qu'elle porte sur nous est un pas en avant considérable dans le divertissement à grand spectacle. Ainsi, malgré ses défauts, son apparente simplicité et des longueurs manifestes, Wonder Woman demeure dans le haut du panier d'une catégorie encore trop sage, mais justement assez accessible pour que des générations nouvelles d'enfants émerveillables découvrent un nouveau role-model féminin non pas seulement fort, mais puissant, pertinent et dont, on l'espère, les futures incursions sur grand écran seront plus abouties.

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