Y Not ?
2018... les Y investissent massivement le marché du travail. Les plus jeunes ont une vingtaine d’années, les plus âgés environ 35 ans. Ils représentent grosso modo 33% des salariés français. La révolution est en marche, le fameux péril jeune est dans la maison désormais. Des articles, des conférences, des think-tank fleurissent pour tenter d’adresser ce sujet parfois sous l'angle de l’évolution positive, parfois par le biais (au sens littéral du terme) d’un sensationnalisme effrayant et clivant à l’image de l’évolution politique de certaines démocraties occidentales.
Dans toutes ces interventions on nous présente le « nouvel ADN » de ces générations (Y, Z, #…) et comment il va « falloir » intégrer au sein de la société, au sein de l’entreprise, ces nouvelles composantes. Qu’il va bien « falloir » s’y faire, que le pouvoir va changer de main, demain. Qu’il est de l’intérêt du management en place de s’y préparer « sous peine » d’être enseveli par cette « nouvelle vague » . Que de pression, que de soumission, que de peurs, que d’alarmisme… les prédécesseurs de ces nouvelles générations n’ont d'autre choix que de se plier à ces nouvelles exigences ou bien c’est la...
...Chronique d’une mort annoncée ?
Plutôt que de considérer la génération montante comme revêtant uniquement le costume des révolutionnaires ayant pour but de détrôner le pouvoir en place, que ces derniers n’auront comme choix que de se soumettre, peut-être est-il pertinent de se demander :
- si les Millenials ont réellement envie de « renverser la table » ?
- et si oui comment vont-ils considérer leurs prédécesseurs qui représenteront encore 50% de la population active en 2020 ?
Ces nouvelles générations sont-elles si différentes qu’on s’obstine à considérer que nous devons faire face à un choc générationnel ?
Oui les Y sont différents et on perçoit une évolution dans leur façon de penser, de se comporter, une différence dans la temporalité également. Mais cela est vrai de génération en génération. La différence avec la précédente est peut-être que les attentes professionnelles des Y sont exprimées et malgré un pouvoir d’achat diminué de 20% en moyenne versus les X et une situation de l’emploi plus précaire, ils ne marchandent pas avec leurs exigences propres. C’est le prix de leur engagement qui sera alors total. Les générations précédentes auront souvent préféré taire leurs désirs, leurs besoins, sous peine de compromettre une évolution linéaire de leur parcours professionnel.
Pour autant, les Y ne sont pas des rebelles gonflés d’énergie mais inexpérimentés tout comme les boomers et les X ne sont pas des despotes réac dont la maturité induit allégeance et respect.
Des études récentes ont d’ailleurs démontré que, comme les générations précédentes, les Y et Z affectionnaient les RDV à l’ancienne, car en quête d’une authenticité parfois perdue au cours du temps, tout en développant un fort appétit pour les nouvelles technologies. Les « phygitals » pourrait-on les nommer. Ils sont adeptes d’une grande flexibilité dans les horaires d’entreprise avec une plage de travail plus étendue mais entrecoupée de nombreuses pauses là où leurs prédécesseurs sont branchés sur « secteur » de 9h le matin à 18h le soir de façon quasi ininterrompue.
Les Y ne veulent pas le pouvoir, ils veulent un projet, ils sont globalement plus animés par la passion que par l’ambition et reconnaissent l’encadrement si celui-ci est bienveillant, honnête, accessible. Ces Y, ces Z, ils ont peut-être tout compris : plus individualistes mais dans le respect d’un collectif. Finalement, ils font preuve de plus d’humanisme et de pragmatisme que leurs prédécesseurs les boomers et les X… qui non seulement n’ont pas à craindre cette évolution mais peuvent plutôt la saisir comme une réelle opportunité de réinvention !
Mais alors..
...Même pas mal ! Ou le manifeste d’une intégration réussie
Alors Evolution ? Révolution ? Disruption ? Violente ? Douce ?
Le challenge qui attend les entreprises consiste principalement à embarquer l’ensemble des salariés dans une ambition partagée favorisant l’engagement de tous. Nous changeons de paradigme : nous passons d’une logique d’establishment, de pouvoir, de top-down à de la co-création, du design-thinking, de la multiplication des expertises et la considération pour la valeur apportée par chacun.
Ainsi, plutôt que de se concentrer sur l’enjeu générationnel, il est du ressort et du devoir de l’entreprise sous peine de ne pas se transformer, de manager dans ce monde qui se dématérialise. D’adapter son leadership à un monde plus mobile, pluriel, qui nécessite plus d'agilité de la part des organisations et de chacun des membres qui les composent, et ce quelle que soit la génération.
A l’orée de ce nouveau monde, des comportements fleurissent, qui touchent toutes les générations. Mais nous (toutes générations confondues) souhaitons désormais renouer avec ce qui est authentique, une sorte de système de valeurs, avec l’instant vécu, avec l’expérience, avec les échanges et la connexion aux autres. L’autoresponsabilitation partagée et l’adaptabilité mutuelle créeront les véritables conditions de l’engagement de tous, pour tous.
Si la société change toujours plus vite, notre propre expérience nous prouve tous les jours que la cohabitation des générations est finalement pacifique et teintée de respect mutuel.
Ces réflexions sont nées d'échanges fructueux avec Vincent Caltabellotta auteur de l'excellent l'Entreprise du 21è siècle