ZONES GRISES ET CONQUÊTES TERRITORIALES

Les corses ont conservé une identité insulaire forte, une tradition ancrée et un emblème sur leur drapeau depuis 1762 qui rappelle peut-être les luttes anciennes contre les maures. Dans tous les cas cette bannière est le symbole, au fil de l’histoire, de la volonté d’émancipation de ces iliens… La bande dessinée et le film « l’enquête corse » les ont assez brocardés. Les corses ont le sentiment d’être souverains sur leur île, n’en déplaise aux continentaux. Ils viennent de placer à la tête de la région corse une liste nationaliste et en sont fiers. Eux aussi ont été partisans d’un triple ni : ni la droite, ni la gauche pas plus que le FN.

Cette particularité identitaire est sans doute une des raisons qui explique cette vive réaction populaire après un guet-apens dans lequel des pompiers et des policiers ont été blessés. Le piège avait été tendu sur les hauteurs d’Ajaccio, dans un quartier parfaitement identifié comme « requérant une attention  particulière » de la part des autorités et des forces de l’ordre. Un appel téléphonique prévient les moyens d’urgence qu’un incendie s’est déclaré. Les services de lutte contre l’incendie et une escorte policière sont dépêchés.

Un premier groupe de 50 a 60 individus ont jeté pierres, parpaings, barres de fer sur les véhicules. Les pompiers, pour se soustraire à ce feu nourri, entament une manœuvre de repli et sont alors pris à partie par un second groupe d’une vingtaine d’individus, cagoulés, armés de barres de fer et de battes de base-ball. Ils ont essayé d’extraire les soldats du feu de leurs engins, brisant les vitres des véhicules.

Cet exemple nous rappelle l’existence de zones grises, des Zones Urbaines Sensibles, ZUS, des ZSP des Zones de Sécurité Prioritaire, en France métropolitaine comme en Corse. Le fait que la population,  exaspérée, cherche à prendre à nouveau pied dans ces « no-go-zones » est un phénomène des plus intéressants.

On peut regretter certains débordements ou les juger excessifs. La mosquée n’était pas officiellement déclarée et sans doute le CICF n’avait-il pas nommé d’imam. Des Corans ont été partiellement brûlés.

Les actes commis à l’encontre de policiers et de pompiers méritaient cependant une réaction immédiate et significative. Elle n’est pas venue des représentants de l’Etat.

Les pompiers et les policiers ne sont pas les seuls à souffrir de ces témoignages d’hostilité. On pourrait ajouter les médecins de nuit qui hésitent à répondre à un appel dans certains quartiers ou le refus des chauffeurs de taxi de déposer un client dans plusieurs zones urbaines ou excentrées…

Le local détruit avait été déclaré en association loi 1901 et ses statuts déposés à la préfecture en janvier 2003. Il est regrettable que l’objet social de cette association n’est pas atteint ses objectifs initiaux :

"Promouvoir, soutenir et favoriser l’intégration des jeunes issus de l’immigration, l'insertion sociale, la prévention et la lutte contre la délinquance des jeunes et l’exclusion"

Il semble que « la rue appartient à ceux qui y descendent », et il faut bien l’avouer, jusqu'à maintenant, elle est exclusivement, au pied de certains immeubles, sous la tutelle des malfrats et du trafic de drogue. Une guerre de territoire se livre d’ailleurs entre bandes rivales aussitôt que la consommation baisse, et, par voie de conséquence, les bénéfices. Cette guerre fait des victimes comme à Marseille, ou le patron de la sécurité publique, Pierre-Marie Bourniquel  a essuyé des tirs de kalachnikovs, alors qu'il se rendait dans la cité de la Castellane, au nord de la ville le 9 février 2015. Des témoins ont rapporté avoir vu des jeunes encagoulés et armés s'installer un peu partout dans la cité, y compris des snipers sur les toits.

C’était le jour de la visite du premier ministre Manuel Valls dans la cite phocéenne, venue saluer le courage des forces de l’ordre, une forme de clin d’œil sans doute de la part des « sauvageons »…

La recherche d’exclusivité territoriale est aussi, un « acte politique» pour certains fondamentalistes. Les démonstrations de piété de rue ne sont pas seulement la résultante d’un problème de surface de prière trop réduit. C’est à la fois une conquête de l’espace, son appropriation et la restriction du droit de circuler librement. Au moment de la réédition du tristement célèbre « Mein Kampf », tombé dans le domaine publique, il serait utile de revoir cette l’application de la « théorie de l’espace vital ».

L'article 2 du protocole additionnel n°4 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales énonce que « La liberté de circulation est le droit pour tout individu de se déplacer librement dans un pays, de quitter celui-ci et d'y revenir ». Contraire à la loi, il s’agit bien de démonstrations de force et un bras de fer contre l’autorité de l’état. 

Alain Bauer a commenté la création des ZSP : « Dans les années 1990-2000, les Américains et les Canadiens ont constaté qu'une vraie politique efficace de lutte contre les crimes consistait à se focaliser sur une série de points chauds (hot spots en anglais). Il s'agit alors de déployer des forces de police très mobiles et adaptables sur un territoire cohérent»

Je vous invite à compulser la carte des zones sensibles sur le système d’information géographique de la politique de la ville, hébergée par le Commissariat General à l’Égalité du territoire, CGET, où vous trouverez, les Jardins de l’Empereur, qui défraient la chronique : http://sig.ville.gouv.fr/atlas/ZUS/

Vous y trouverez également le Quartier de l’Argonne, de triste réputation dans l’Orléanais, d’où sont issus les deux terroristes arrêtés qui préparaient une attaque sur le commissariat central, une gendarmerie – sans doute la légion de gendarmerie toute proche – et une caserne. Il ya bien un régiment de char le 6/12 RC qui se trouve au sud a la Source. Mais il y a aussi une emprise des services de renseignements qui régulièrement accueillent les otages pour leur débriefings.

La région Corse venait de se doter d’une assemblée nationaliste. Il fallait la tester. La maffia a sans doute à craindre d’une région qui veut mettre à bas le « clientélisme » des partis traditionnels. La réponse est venue de la rue.

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