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Conjecture abc

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Joseph Oesterlé, mathématicien français
David Masser, mathématicien anglais

La conjecture abc ou conjecture d'Oesterlé-Masser est une conjecture en théorie des nombres. Elle a été formulée pour la première fois par Joseph Oesterlé (1988) et David Masser (1985). Elle est formulée en termes de trois nombres entiers positifs, a, b et c (d'où son nom), qui n'ont aucun facteur commun et satisfont à . Si d est le produit des facteurs premiers distincts de abc, alors la conjecture affirme à peu près que d ne peut pas être beaucoup plus petit que c. Plus précisément, le rapport peut prendre des valeurs très grandes mais le rapport est lui borné pour tout .

Dorian Goldfeld l'a qualifié en 2006 de « problème non résolu le plus important en analyse diophantienne[1] » car, si elle était vérifiée, la conjecture permettrait de démontrer aisément le théorème de Fermat-Wiles dans un sens asymptotique, entre autres.

Des démonstrations diverses de cette conjecture ont été revendiquées, mais à ce jour aucune n'est acceptée par la communauté mathématique.

Introduction

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Triplets (a, b, c)

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Un problème classique en arithmétique est de trouver des triplets (a, b, c) de nombres entiers strictement positifs, premiers entre eux, avec a + b = c où les nombres sont des puissances de nombres entiers (voir le dernier théorème de Fermat). Par exemple[2] :

Tidjman et Zagier conjecturent[3] que l'équation n'a aucune solution avec des exposants (p, q, r) tous supérieurs à 2 et x, y, z des entiers strictement positifs et premiers entre eux.

Un autre problème arithmétique est d'écrire les entiers comme différence de deux puissances (d'exposants supérieurs à 1) de nombres entiers (voir la conjecture de Pillai, le théorème de Catalan et la conjecture de Fermat-Catalan). Par exemple :

Plus généralement, on s'intéresse à des triplets (a, b, c) de nombres entiers non nuls (éventuellement négatifs), premiers entre eux, avec a + b = c, où les nombres ont des facteurs premiers petits par rapport aux trois nombres.

Radical et qualité d'un triplet

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Soit (a, b, c) un triplet de nombres entiers (non nuls) tel que c = a + b. Le produit des facteurs premiers de abc est appelé le radical de abc.

On définit la qualité d'un triplet (a , b , c) de nombres positifs (avec c = a + b) par :

Un premier exemple

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Les nombres premiers qui divisent abc sont 2 et 3.

Le radical du triplet (1 ; 8 ; 9) est le produit des diviseurs premiers de abc : .

On remarque que, dans notre exemple, le radical est plus petit que c, le plus grand des nombres a, b, c : . Les triplets (a, b, c) de nombres positifs, premiers entre eux, avec a + b = c, tels que , sont rares. Par exemple, il n'y en a que six[4] parmi les triplets de nombres inférieurs à 100.

Dans notre exemple la qualité du triplet vaut environ 1,2263 : .

La qualité du triplet (1 ; 8 ; 9) est la puissance à laquelle il faut élever le radical pour obtenir c. On a : .

Les triplets dont le radical est inférieur à c sont ceux qui ont une qualité supérieure à 1.

Deuxième exemple

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Le radical du triplet (3 ; 125 ; 128) est : , qui est beaucoup plus petit que c.

La qualité du triplet est environ 1,4266 :

On a : .

On voit que la qualité du triplet (a, b, c) est encore inférieure à 2. C'est le cas de tous les triplets de nombres premiers entre eux (a, b, c) dont la qualité a été calculée.

La conjecture abc énonce que les triplets de nombres (positifs et premiers entre eux) pour lesquels n'existent qu'en nombre fini quel que soit le nombre fixé.

Énoncé de la conjecture

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Quel que soit , il existe une constante telle que, pour tout triplet d'entiers relatifs (non nuls) premiers entre eux vérifiant , on ait :

est le radical de n, c'est-à-dire le produit des nombres premiers divisant n.

Formulations équivalentes

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Une deuxième formulation utilise les logarithmes. En prenant le logarithme dans la première formulation, on obtient :

On peut formuler la conjecture en faisant intervenir la notion de qualité q(a, b, c) d'un triplet (a ; b ; c), définie par

Avec cette notation, la conjecture suppose que pour tout ε > 0, il n'existe qu'un nombre fini de triplets (a ; b ; c) d'entiers positifs et premiers entre eux tels que : a + b = c et

q(a, b, c) > 1 + ε.

Une autre forme de la conjecture affirme que pour tout ε > 0, il n'existe qu'un nombre fini de triplets (a ; b ; c) d'entiers positifs et premiers entre eux tels que : a + b = c et

Le cas ε = 0

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On ne peut pas enlever l'hypothèse dans la formulation de la conjecture. En effet, si on prend[5] :

,

sont premiers entre eux et on a . De plus, si n > 0, divise[6] , donc :

.

Par conséquent, on a un exemple de triplet (a, b, c) tel que

.

Le rapport prend des valeurs arbitrairement grandes.

Exemple

Pour n = 2, ,

le triplet (1 ; 80 ; 81) a pour radical :

et .

La qualité du triplet (1 ; 80 ; 81) est environ 1,2920 : . (On a : ).

Exemples de triplets abc de qualité élevée

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Le triplet (1 ; 4 374 ; 4 375)

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Un exemple de triplet ayant une qualité élevée est :

Son radical est :

La qualité du triplet (a ; b ; c) est environ 1,5679 :

On a :

Le triplet de Reyssat

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Éric Reyssat (de) a découvert le triplet qui a la plus grande qualité connue :

Son radical est :

La qualité du triplet (a ; b ; c) est environ 1,6299 :

On a :

Analogie avec les polynômes : le théorème de Mason-Stothers

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L'idée de la conjecture abc s'est formée par analogie avec les polynômes. Un théorème abc est en effet disponible pour les polynômes sur un corps algébriquement clos de caractéristique nulle[7].

L'analogue pour les polynômes (en) a été démontré par Wilson Stothers (en) en 1981, et de manière élémentaire par Richard Mason (nl) en 1984. Il se formule ainsi :

Pour tous les polynômes premiers entre eux vérifiant , on a

est le nombre de racines distinctes de abc.

Ce théorème permet de démontrer de manière aisée le théorème de Fermat pour les polynômes : l'équation

sont des polynômes non constants, n'a pas de solutions si .

La tentation est alors grande de trouver un analogue pour les entiers, car il permettrait de démontrer tout aussi facilement le théorème de Fermat dans un sens asymptotique.

Conséquences

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Le théorème de Fermat asymptotique

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En supposant la conjecture abc, on peut démontrer une version asymptotique du théorème de Fermat[5], dans le sens où on montre qu'il existe N tel que pour tout , n'a plus de solutions entières (strictement positives). Ce N dépendrait cependant explicitement de la constante donnée par la conjecture abc[8].

En prenant un strictement positif quelconque, on suppose que x, y et z sont des entiers tous non nuls tels que . Quitte à les réorganiser, on les suppose tous positifs et, quitte à les diviser par leur PGCD à la puissance n, on suppose qu'ils sont premiers entre eux. On a donc d'après la conjecture abc :

.

Or . Ceci donne, compte tenu de  :

donc en supposant , on obtient :

Avec , on a ce qui fournit un majorant de n dépendant explicitement de .

Autres conséquences

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La conjecture abc permettrait de prouver d'autres théorèmes importants en théorie des nombres, parmi lesquels :

La conjecture d'Erdős-Woods s'en déduirait également[8], à un ensemble fini près de contre-exemples[9].

Démonstrations revendiquées

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Lucien Szpiro a proposé une démonstration en 2007 mais elle a été rapidement décelée comme incorrecte [10]. La conjecture qui porte son nom sous une forme modifiée est équivalente à la conjecture abc.

En août 2012, le mathématicien japonais Shinichi Mochizuki a publié un article sur sa page personnelle où il annonce avoir démontré cette conjecture[11],[12]. Mais cette démonstration n'a pas été validée par les autres spécialistes de la question[13],[14],[15]. Peter Scholze et Jacob Stix ont publiquement déclaré que, en septembre 2018, cette démonstration n'était en l'état pas recevable[16]. Néanmoins, en avril 2020, sa démonstration est acceptée pour publication dans Publications of the Research Institute for Mathematical Sciences, journal publié par l'Institut de recherches pour les sciences mathématiques dont Mochizuki est l'éditeur en chef[17].

ABC@home est un projet de calcul réparti utilisant BOINC afin de démontrer la conjecture abc en trouvant tous les triplets (a, b, c) jusqu'à 1018, voire plus.

Notes et références

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  1. (en) Dorian Goldfeld, « Beyond the last theorem », The Sciences (en),‎ , p. 34-40.
  2. Prime Numbers, a computational perspective, 2nd edition, Springer, 2005, p. 416
  3. Prime Numbers, a computational perspective, 2nd edition, Springer, 2005, p. 417
  4. Statistiques sur le nombre de triplets abc sur le site www.rekenmeemetabc.nl (archive de 2016).
  5. a et b Serge Lang, Algebra, 3e édition revue, Springer, 2002, p. 196.
  6. Cela peut se démontrer avec un raisonnement par récurrence en utilisant l'identité remarquable : .
  7. Serge Lang, Algebra, 3e édition revue, Springer, 2002, p. 194.
  8. a b c et d Pascal Boyer, Petit compagnon des nombres et de leurs applications, Paris/58-Clamecy, Calvage et Mounet, , 648 p. (ISBN 978-2-916352-75-6), II. Nombres premiers, chap. 5.6 (« Quelques conjectures en récente évolution »), p. 254-256.
  9. M. Langevin, « Cas d'égalité pour le théorème de Mason et applications de la conjecture abc », CRAS, vol. 317, no 5,‎ , p. 441-444
  10. Finiteness Theorems for Dynamical Systems, Lucien Szpiro, talk at Conference on L-functions and Automorphic Forms (on the occasion of Dorian Goldfeld's 60th Birthday), Columbia University, May 2007, cf. Peter Woit, « Proof of the abc Conjecture? », .
  11. a+b=c ? : article de Pierre Colmez du 6 septembre 2012 sur Images des mathématiques, à propos de l'annonce de démonstration de la conjecture abc par Mochizuki
  12. Mochizuki, Shinichi, « Inter-Universal Teichmüller Theory IV: Log-Volume Computations and Set-Theoretic Foundations », Travail en cours,
  13. (en) Cathu O'Neil, « La conjecture abc n'a pas encore été prouvée », (consulté le )
  14. (es) Carlos Zahumenszky, « La solution à l'un des problèmes mathématiques les plus célèbres de l'histoire est si complexe que personne ne la comprend », (consulté le )
  15. (en) « La conjecture abc n'a (toujours) pas été prouvée », (consulté le )
  16. Erica Klarreich, « Titans of Mathematics Clash Over Epic Proof of ABC Conjecture », Quanta Magazine,‎ (lire en ligne)
  17. (en) Davide Castelvecchi, « Mathematical proof that rocked number theory will be published », Nature, vol. 580, no 7802,‎ , p. 177–177 (ISSN 0028-0836 et 1476-4687, DOI 10.1038/d41586-020-00998-2, lire en ligne, consulté le ).

Liens externes

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